Noël jour
neutre
les ours
recherchaient le froid
suis restée
au chaud
en lectures paresseuses,
et recopie juste le dernier des portraits qu'ont publiés les
cosaques http://lescosaquesdesfrontieres.com
Portraits
fictifs – 19 – l'héritier
Il était
insolent.
Il avait eu,
bien classiquement, en son adolescence, une révolte contre le monde
tel qu'il va, contre son monde aussi, cet univers privilégié. Et
bien classiquement il l'avait endormie, traduite en jeans déchirés,
cheveux longs et discours froidement ironiques.
Son père,
quand il le croisait, et quand il devait l'exhiber, entrait en
fureur... dans le cas des exhibitions d'ailleurs il transigeait lui
même avec la souplesse de pantalons et vestes ou chemises de lin,
catogan et silence boudeur.
Sa mère, elle,
l'accueillait avec plus d'indulgence, mais avec une ironie agacée
par tant de conformisme.
Et comme il
l'aimait, l'admirait, elle et ses amis, comme il était insolent et
n'avait pas franchement envie de se perdre dans la masse de ses
camarades, comme il se trouvait propulsé dans une terminale
prestigieuse et que sa singularité, retrouvée pour le coup dans ce
nouveau groupe, devenait par trop misérable, mais comme il ne se
voulait pas conforme, il s'est fabriqué un style avec l'aide du
coiffeur de son père et l'influence des amis de sa mère.
De ses refus il
a fait des idéaux, les a haussés pour s'en faire une belle âme
qu'il a laissé là, surplombant.. de son refus du monde tel qu'il va
il a fait une croyance à la modernité, mot qui recouvrait un désir
inconscient de conserver ce qui lui était confortable ou séduisant
en y ajoutant la volonté un peu vague de voir se gommer les
inégalités grotesques et de créer un espoir.
De son allure
juste un peu transgressive, de son charme, de ses sourires
triomphants et de ses générosités inconsciemment bien placées,
avec l'aide de quelques phrases profondes, ou caustiques, ou
désabusées, il s'est fait le rempart d'une petite cour à l'abri de
laquelle il s'est passionné pour ses études.
Il a été
honnêtement brillant, et son père, qui le suivait discrètement
avec un intérêt grandissant, l'a engagé pour un stage dans son
service commercial, juste un peu plus qu'un job. Il a bien entendu
donné pleinement satisfaction et s'est prodigieusement ennuyé,
faute d'y trouver un soupçon de responsabilité.
Après un
entretien où il avait laissé voir son désir enthousiaste de créer,
avec deux de ses amis, meilleurs techniciens que lui, un site de
service, facilitant la vie des gens et créant des emplois nouveaux
pour des jeunes non pourvus, son père qui le trouvait un peu jeune
pour décider s'il lui donnerait la priorité sur certains de ses
brillants collaborateurs juniors, l'a approuvé, tout en lui
précisant qu'il devrait se débrouiller sans son aide et en lui
disant, sans plus de précision, «tu sais que tu as ta place chez
nous».
Et ma foi grâce
à son nom, à un prêt d'un de ses grands oncles, au sérieux de ses
amis et à son entregent, la boite est née, a grandi, assez
lentement au début, a pris assez rapidement de l'importance, a
surpassé et avalé quand le fallait ses concurrents. C'était une
belle et bonne équipe où le tutoiement, l'acharnement, le
dévouement et l'intelligence étaient de rigueur, une bonne équipe
dont il était le visage et la voix. Une belle et bonne équipe qui a
grandi, jusqu'à ne plus avoir d'équipe que le nom, dont le succès
s'est installé, est devenu mondial. Une boite dont il se sentait, en
associé majoritaire, l'incarnation, le propriétaire.
Et quand il fut
temps il la vendit, à la fureur inquiète de ses amis (même s'il
était prévu avec la firme acheteuse qu'ils resteraient dirigeants
de cette petite société) et il rejoignit son père qui l'attendait
comme dauphin.
À partir d'une
oeuvre de Martine Belay-Benoit
2 commentaires:
L'héritier grimpe souvent sur le dos de son géniteur...
n'ai réalisé le rapprochement qu'après coup - l'inconscient ?
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