L'air était clair et le
ciel bleu sur la ville qui s'affairait sans doute joyeusement, ou
non, à préparer les fêtes.
Meurtrie encore un peu le
matin, et prudente, suis restée dans l'antre, vivant avec économie,
laissant se détendre, devenir oubliables les chairs endolories par
l'abominable samedi, fondre la petite angoisse jusqu'à m'en moquer,
se réveiller mon esprit hébété par la carcasse, et comme dans les
accalmies j'avais lentement, par petites bribes, avec des relectures,
reprises, répondu comme pouvais à la proposition de l'atelier de
François Bon, la reprends ici, vous invitant à aller lire les seize
propositions reçues à 17 heures ce dimanche, et bien entendu celles
à venir http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4373
Porte franchie, sur le
ciment du haut perron, la ligne de nos sabots de cuir noir, des
galoches en fait ; un pied, deux pieds, les chaussons écossais
enfouis dans les plus grands, les miens ; une pause, yeux qui
balaient le ciel, le bout de jardin, la rue-route et au delà le long
mur ébréché d'où croulent des feuilles et des fleurs ; assurer
les pieds au fond des sabots ; bruit des galoches de A tapotant le
sol à côté de moi ; dans l'embrasure, sur le seuil, la numéro
trois, une main pressant contre elle sa poupée, l'autre pouce dans
la bouche et le petit corps potelé du numéro quatre qui se faufile
sous le bras de Da Lebi pour nous suivre.
Le portail blanc ; un
vagissement ; au pied de l'escalier, devant l'hortensia bleu, contre
une fleur aussi grosse qu'elle, la petite tête rouge de fureur
impuissante du frère résistant à la main qui veut le faire rentrer
; loquet tiré, sur le bas côté de la route départ des deux
grandes souriant sans pitié avant de l'oublier.
La route devenue rue entre
deux rangées de maisons de pierre ou crépi blanc ; le dos de A et
sa marche décidée ; regarder le ciel, les fleurs, plaisir de la
marche indépendante ; un martellement de sabots derrière moi ; la
fille de la fermière, mon amie ; ses cheveux rasés à cause des
poux ; nos sourires ébréchés ; chuchotements un peu essoufflés
par la marche rapide, et les petites jambes d'A tricotant devant.
Vers la fin du trajet ; la
légère saillie, discrète, comme pour ne pas disparaître, de la
toute petite maison de Da Lebi ; un rez-de-chaussée de granit sous
un toit, une porte et une fenêtre peintes en bleu ; volets ouverts à
cause de la présence du fils de retour de campagne ; gentil, grand
et patient devant mes agaceries ; une envie de frapper à la porte
et de le déranger.
Après le restaurant
fermé, au carrefour de la route qui monte du port, une femme en
noir, visage ridé sous la coiffe de fin coton blanc, et les cheveux
hirsutes, la grande bouche de travers de Jean qui nous sourit ; les
recommandations de la grand mère dans cette langue étrange.
Les grandes ailes dansant
dans le vent de la coiffe de la soeur surveillante ; un reste adouci
de l'odeur de l'estuaire flottant dans l'air piquant ; la cour de
terre battue, les groupes, les nouvelles, les leçons apprises ou non
et le mélange des musiques de nos parlers ; le déplacement des
accents toniques ; le roc, la terre lourde et la houle rencontrant le
sec et le soleil.
Face au mur, au crochet où
pend mon manteau, faire claquer les sabots et glisser en chaussons
sur le parquet ciré jusqu'à ma place entre les tables brunes aux
sillons creusés, trouées par les petites rondelles de faïence
blanche des encriers ; le crucifix au mur, derrière la gentille
maîtresse, et les coups de pieds échangés avec Jean, comme un
rituel.
Désolée, ce sale
gosse n'a pas voulu pleurer là comme celui ré-inventé.
6 commentaires:
Belles photos avec volet bleu et brouette encadrant vos phrases...
les volets bleus viennent de google street view et je crois que c'est la maison du texte (pas retrouvé la nôtre par contre)
Difficile de mettre ses pas dans ceux d'antan : les pieds ont grandi.
les miens un peu moins que ceux de mes frères et soeurs mais tout de même beaucoup trop (et puis sont bien trop douillets et mal en point pour des galoches)
Passer des sabots aux chaussons, toute une époque, un peu comme une madeleine de Proust.
ma mère avait résisté et puis s'était résignée, la qualité des chaussures d'après guerre, la pluie, les pieds qui grandissent et la solde… les chaussures étaient réservées aux réceptions
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