Sous un ciel bleu, matin,
effervescence des plantes secouées dans la cour... pas de nouvelles
du dernier livre commandé, j'attends demain pour aller vérifier
qu'il n'est toujours pas arrivé à la Mémoire du monde.
France Culture dans le
cadre de La Fabrique de l'histoire évoque,
avec Romain Bertrand, Jean-Pierre Bat et Martin Mourre les massacres
de Madagascar en 1947 et ce moment qui me sidère toujours, ce moment
inexpiable Thiaroye (1944)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Thiaroye
Il
faisait beau, beau venté, mais ne voulais bouger pas malgré les kilos encombrants
(sourire mais à demi), lectures, écoutes, tentatives d'apprendre,
petite révolte navrée devant l'échec prévu de Mon candidat... (d'ailleurs le vent nous a apporté des nuages, quelques ondées, a retroué le ciel, l'a refermé)
et
je me contente, pour toi paumée de reprendre un billet/pochade
qu'ont publiés les cosaques des frontières
http://lescosaquesdesfrontieres.com
Les pieds de
Julie
Julie se
voulait libre et l'était, elle se moquait des superstitions mais –
c'était agaçant, surprenant, rageant, mais implacable – elle n'y
pouvait rien, sa journée était orientée par le pied qui se posait
le premier sur le sol.
Elle avait beau
se promettre en s'endormant de veiller à poser en premier le pied
droit, puisque, bon elle n'y croyait pas, mais tout de même cela se
vérifiait, c'était présage d'un jour coulant doucement, sans
à-coups, avec petite liesse plus ou moins prononcée, et d'ailleurs
ce devrait être le résultat logique de sa position dans son lit,
c'était incompréhensible mais, dans le désordre brumeux de sa
conscience émergente, dans les tours et re-tours de son corps
refusant l'éveil, d'un jour à l'autre le premier pied d'appui
changeait.
Elle soignait
attentivement ses deux pieds, sans faire de différence, et puis
circulait dans son appartement pieds nus, et les jours de pied
gauche, remarquait, tout en s'en gendarmant, le café renversé, la
mauvaise nouvelle entendue, un coup de téléphone agaçant, ou, les
jours de pied droit, la caresse d'un rayon de lumière sur le bois
d'un meuble, des voix d'enfants dans la rue, la gentillesse d'un
message.
Pour sortir
elle mettait des tennis blanches, ou d'une couleur pastel, ou des
bottines d'un brun foncé, et le métro tombait en panne, dans ce
dernier cas, ou bien chaussée de clair, elle rencontrait un ami
heureux ; elle se disait bien que c'était elle qui faisait ressortir
l'une ou l'autre chose, mais elles influaient sur son humeur, sa
façon d'aborder la ville et les autres.
Julie était
chanteuse, elle avait une voix, de mezzo bien entendu, très belle,
capable de plonger en un somptueux velours ombreux ou de jaillir en
roucoulement de clarté. Avant de partir faire la tournée des trois
cabarets où elle se produisait – c'était encore le temps des
cabarets – elle enfilait, les jours de pied droit, une ample
tunique de velours crème, ou en été un nuage de coton fleuri, et
se chaussait de sandales à hauts talons, en cuir marqueté de
triangles beiges et d'or bruni, et elle disait alors des petits
contes allègres ou chantait des chansons délicieusement lestes. Les
jours de pied gauche c'étaient des escarpins, aux talons non moins
hauts, et des triangles de cuir noirs et argentés qu'elle enfilait
pour, dans un long tube d'épaisse soie prune ou bleu nuit, offrir
des ballades sombres et des complaintes qui parlaient de coeur percé,
de course sur la lande jusqu'à une falaise pour guetter le retour
d'un bateau, de jeunes filles au fond d'un lac.
Mais,
alors que la douceur de sa voix enrobait ces chansons de poésie,
elle en voyait parfois la niaiserie convenue et il lui en venait une
petite gaité qui, combinée avec les applaudissements de son public
– c'était avec ce répertoire qu'elle commençait à être presque
célèbre – la mettait en joie, transformait sa journée. Alors
pour fêter cela, elle saluait, sortait un instant de la minuscule
scène, et revenait pour terminer les cinq chansons auxquelles elle
avait droit avec un escarpin noir au pied droit et une sandale beige
au pied gauche.
8 commentaires:
La cantatrice à l''escarpin noir, cela aurait pu être le titre d'un policier...
jolie idée
Les escarpins (genre Louboutin) se méfient des chemins escarpés...
ça d"pend des jambes et des pieds dedans... avec moi ils ne vont pas loin (sourire douloureux)
A regarder dans les vitrines..en souvenir d'autres temps où garder sur des étagères en oeuvres d'art
Aller son chemin
sans faire un pas de côté
fusse pieds nus.
ben Arlette, ben Pierre je marche mieux pieds nus qu'avec ces belles choses
Pied gauche, pied droit, un soupçon de tristesse, un zeste de gaieté et l'équilibre est trouvé.
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