matin qui n'était plus
bleu, ni blanc, mais gris et trempé,
voulais aller aux halles,
un gros bof...
alors trouver un bocal de
conserve locale et sans adjuvant de poivrons, la dernière bintje, un
bout de morue, et se laver les cheveux, passer aspirateur et faubert,
de la cire d'abeille, et faire l'argenterie que j'avais tant négligée
qu'il m'a fallu un peu plus d'une demi heure de produit infect et
chiffon énergique... et petit vague à l'âme noyé, reins courbatus
et bras las un jour tout doux, un rien végétatif, et pour nourrir
paumée, un billet que les cosaques des frontières avaient publiés
http://lescosaquesdesfrontieres.com
Les lunettes
de l'homme en gris
J'étais en
colère. Une colère sans objet ou du moins sans objet méritant
raisonnablement une telle colère. Une colère muette. Une colère
que sentais monter en moi, tenter de me coloniser.
Ai rudoyé mon caban en
l'enfilant et m'en suis allée, prenant soin de refermer la porte en
douceur avant de me retourner face à la rue, d'avancer tête baissée
d'un pas rageur.
D'un pas rageur qui s'est
élargi, ou ralenti plutôt, assez rapidement pour laisser la place
au vide, au plaisir inconscient, ou naissant, du mouvement.
Plaisir qui effleurait peu
à peu, mais ne se montrait pas. Même si la rue semblait vide,
avançais impassible, d'un pas devenu mesuré, longeais l'usine, les
maisons en ligne puis de plus en plus
espacées, les jardins.
Au crucifix j'ai tourné,
j'ai pris le sentier qui descendait entre villas, potagers, puis
pâtures, vers la combe, ai suivi le ruisseau jusqu'au gué, ai
traversé, suis entrée dans le petit bois.
Un tout petit bois
désordonné, plutôt un gros bosquet, où se faufilait une sente
caillouteuse, entre branches, ronciers.
Et j'ai failli poser le
pied - l'ai laissé en suspens si brusquement que j'ai failli tomber
- sur elles, les lunettes. Des petites lunettes rondes cerclées de
fer, sales, qui avaient un verre cassé, un verre troué d'un petit
trou, et qui gisaient, une branche tordue en travers du chemin.
L'image d'un petit clerc
bien souffreteux est passée humblement dans mon crâne, ai pensé
Balzac je ne sais trop pourquoi – peut-être Gobseck.. il faudrait
vérifier si Gobseck porte des lunettes – et puis très vite l'a
remplacée celle de ce petit homme en gris rencontré à chaque coin
de rue, dans chaque débat ou lecture des petites rencontres
littéraires organisées dans le bourg, qui se glissait dans la
pièce, saluant d'un hochement de tête les notables locaux qui lui
rendaient avec une rapidité indifférente son salut, restant ensuite
toujours muet, petit homme dont la banalité s'imposait, attirait le
regard.
J'ai tendu la main vers
les lunettes, et j'ai vu, à coté, le caillou plein de sang. Je me
suis redressée, je suis restée un moment hésitante, j'ai regardé
autour de moi, et puis j'ai entendu du bruit à ma gauche.
Suis entrée dans le
bosquet. Un homme se redressait, au dessus de l'homme en gris étalé,
tout de guingois, au sol, ses cheveux gris tout poissés de sang.
L'homme a sorti son téléphone, et en me montrant d'un coup de
menton ce qui était manifestement un cadavre, en murmurant «pas
beau, hein !» il a composé un numéro
«La gendarmerie ? Pierre
? C'est Jacques Hutin.. dis, il y a la belette... oui Monsieur
Philibert.. il est là dans le petit bois de la Rouillerie... l'est
mort je crois. Il faut que vous veniez... Bon nous t'attendons» et
nous avons attendu.
Je suis partie deux jours
après et je n'ai jamais su la fin de l'histoire, ou plutôt ce qui
s'était passé, ni si on l'avait découvert.
Photo d'une oeuvre
d'Alain Timar
4 commentaires:
Les lunettes sont chose précieuse. Elles n'ont pas bougé depuis l'autre fois...
Gravées dans le marbre !
Pour un matin clair, ne pas égarer ses lunettes.
Pierre, aurais dû mettre mon crâne derrière mes lunettes avant de te défier sur Facebook (sourire)
Dominique, sont bien fixées (mais plutôt métalliques et collées sur une matière indécise)
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