A sept heures premier
réveil, rentrer table décrépite, la recouvrir en même temps que l'autre pour
cacher la misère, se recoucher, second réveil à neuf heures,
mettre le plus gros de la table et puis n'avoir quasiment plus rien à
faire. Un déjeuner entre soeurs, quelques rires, des nouvelles,
d'amis, de famille et des festivals de Grignan et d'Avignon...
et puis partir dans la
ville, étonnement peu affairée, et même peu peuplée en ce tout début
d'après-midi, vers une mercerie qui existait il y a deux ou trois
mois, et depuis longtemps et qui est aujourd'hui une boutique entre
café et nouvelle médecine douce, ou quelque chose de ce genre, ai
rien compris sauf qu'ils ne vendaient pas de laine. Départ de la
dame en rouge avec quelques livres-doublons et les fruits qui me sont
interdits vers l'hôpital et l'amie victime d'un AVC... parce
qu'elle, la dame en rouge, est et sera toujours le recours discret et
chaleureux demandé
Vaisselle rapide, petite
forme, trop mangé, émotion ? ou habitude idiote ?, courte
hésitation et sortie d'un pas décidé dans l'étincellement de la
place, juste pour le départ du car vers Villeneuve (en fait c'était
celui qui précédait le visé... pas plus mal, pas le temps
d'hésiter et je m'en suis bien trouvée)
Flânerie souriante, en indépendante,
mais sans dévier de
mon chemin vers la Chartreuse
quelques pages de
Théophile de Viau (ou de l'introduction plutôt) parmi le public
silencieux du cloître Saint Jean,
avant la descente, les
boyaux vers le tinel où se donnait (cette fois-ci pas de grève) the
last king of Kakfontein de
Boyzie Cekwana (son cv qui ne manque pas d'épaisseur sur
http://www.festival-avignon.com/fr/spectacles/2017/the-last-king-of-kakfontein
mais il semble n'être jusqu'à maintenant jamais venu en France)
une
image de la vidéo de Lungile Cekwana...
Le
programme annonçait À la fois
conte sauvage et tragédie shakespearienne mêlant danse, vidéo et
musique en direct, la dernière création de Boyzie Cekwana met en
scène un tyran démocratique. The Last King erre dans le hall
pétrifié de son palais de carton et chante ses louanges «comme le
sang suinte d'un corps meurtri». Imaginée pendant l'élection
présidentielle américaine, inspirée par la situation que connaît
l'Afrique du Sud et l'Europe, Kakfonteinscrute le comportement des
populistes qui sont aujourd'hui au pouvoir et commente leurs attaques
répétées contre le projet démocratique.
En fait c'était bien cela, mais aussi, devant l'impressionnant
gradin du tinel, complètement rempli, un court spectacle aux moyens
volontairement limités, un grand écran blanc sur la gauche, qui
reste longtemps vierge, un pupitre derrière lequel se tient le
vidéaste Lungile Cekwana, des papiers entortillés pour donner des formes étranges à terre, Boysie Cekwana debout, en bonnet et
treillis comme le guitariste et la chanteuse, qui prend par moment la
parole ou danse, tout en retenue, une danse qui se limite aux gestes
des mains, aux jambes qui tremblent, à une longue montée en transe
mais sans grands effets (et vers le milieu du spectacle il se coiffe
d'une couronne presque semblable à celles que l'on tire en mangeant
un gâteau et d'un manteau), un guitariste inconnu puisque c'était un
remplaçant, une jeune chanteuse qui murmure presque parfois ou lance
sa voix avec la splendeur ou presque de Myriam Makeba, une musique qui vient des styles populaires d'Afrique du Sud, mais tombés en désuétude... la musique marabi... essentiellement jouée dans les shebeens, ces bars clandestins des townships... devenue la mbaqanga (littéralement le "pot-au-feu du pauvre"), un spectacle
discret, sans imprécation, qui, à moi, pendant que mon voisin dormait béatement,
m'a plu, et de plus en plus, malgré quelques moments
d'incompréhension inconfortable, ce que je trouve plutôt bon signe.
Des
applaudissements assez brefs mais que j'ai cru chaleureux...
et
la sortie dans l'allée d'accès à la chartreuse,
la marche rapide
vers le bus, une attente assez électrique dans l'ombre chiche pour
ceux qui y trouvaient place, deux bus qui ne s'arrêtent pas – ils
étaient trop en retard parait-il - et enfin un qui accueille la moitié
des attendants... un autre suivait. Une Brigetoun qui se sentait en
forme mais qui devant l'insistance de plusieurs a été contrainte de
partager avec un petit vieux (grand beau et digne mais guère plus
épais) un siège, pour le court trajet
Une
Brigetoun très vexée d'entendre dans le
car critiquer, ou mépriser ce spectacle que j'avais plutôt aimé –
sourire – non pas vexée, mais un peu surprise tout de même et
mécontente d'avoir la petite outrecuidance de juger qu'ils – les
autres – attendaient un spectacle assimilable aisément, en plus
fort peut-être que les nôtres, comme ceux de Robyn Orlin, et
trouvaient – l'ai entendu – qu'ils n'en avaient pas pour leur
argent... plus troublée par la petite voix de mon contemporain, sage
et souriant qui m'a dit qu'il était tout de même un peu déçu),
Retour dans l'antre,
arroser, finir de mettre mon désordre habituel, et puis j'interroge
Google sur Boyzie Cekwana, et je trouve un article de Télérama
http://www.telerama.fr/scenes/avignon-2017-cekwana-et-coulibaly-une-revolution-deux-emotions,160782.php
concernant la représentation, excentrée sur Marseille, qui a été
donné du spectacle très applaudi de Serge-Aime Koulibaly (ai sauté,
ai envie de l'aimer, ou sait-on jamais ne pas aimer, par moi-même)
et de celui de Boyzie Cekwana, rassérénée en lisant le
travail plus modeste du sud-africain Boyzie Cekwana a touché d'une
manière plus évanescente et désespérée. Dans le programme
d'Avignon, il s'annonce de manière tonitruante, dans la foulée de
son titre :The Last King of Kakfontein – «le roi de la fontaine
Caca». Il s'agirait de dénoncer la montée du culte de la
personnalité dans les démocraties comme dans les tyrannies du monde
entier, africaines en particulier. On s'attendait à une grande
démonstration révoltée. Il s'agit plutôt d'une rêverie sur ce
qui aurait pu être... de la part d'un artiste-phare de la scène
sud-africaine, formé sous l'apartheid, dont les premières œuvres
ont l'âge de l'arrivée au pouvoir de Nelson Mandela. Et
ma foi la rêverie sur ce qui aurait pu être, la tristesse révoltée
mais sans clameur, moi j'aime bien.
Alors
bien sûr par rapport à ce que j'ai vu, ils vantent le guitariste
chevronné qui (c'était décidément le jour) venait d'être
hospitalisé, le festival est rude, et avait été remplacé au
dernier moment mais la chanteuse est là, la danse qui ne semblait
pas danses à mes co-voyageurs de Boyzie Cekwana, et zut, puisque
j'ai aimé (même sans enthousiasme) j'ai raison en ce qui me
concerne.
Mais paresseuse, ai décidé d'en rester là.
6 commentaires:
Pas facile de partager ses enthousiasmes ou tout au moins son plaisir ...cela est un peu frustrant
oh pas vraiment frustrant de ne pas partager, juste intrigant, on se demande si on a tort, et finalement non, même si ce n'est pas très bon le principal est d'avoir aimé plus ou moins (pas d'enthousiasme d'ailleurs, mais aimé plutôt)
Le festival vu d'en face, un air plus respirable, plaisir partagé.
il existe des manifestes qui n'en sont pas
Pierre nous sommes dans la charnière entre deux séries de spectacles du in, et entre deux séries de visiteurs
Quand vous aimez c'est toujours un baume pour les concernés
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