où une ribambelle de
gosses écoutaient je ne sais quoi, où j'au pris poliment un flyer
pour un spectacle de danse japonaise que n'irai pas voir,
et d'où je suis montée
(quelque pas) vers la porte du jardin de Vilar, pensant faire un tour
à la librairie dans la cour... librairie qui est cette année à
l'étage, semble-t-il, accessible après avoir pris un billet, ce qui
m'a dissuadée
d'autant que l'accès au
jardin se situe maintenant par l'aile gauche de la cour, par un
petit dédale, une entrée sous terre, avant de déboucher dans le
charme du jardin.
Là aussi, bouleversement
dans l'orientation scène/public, et les lecteurs-acteurs se trouvent maintenant
devant la fontaine, et plus loin le palais des papes.
Tourné un peu de place en
place, avant d'aller m'asseoir, pour que ma petite taille ne soit pas
obstacle, à une bonne place, à droite de l'espace acteur, fesses
entre deux racines d'un pin, jambes sur les aiguilles...
Au programme ce jour Le
décapsuleur, un texte de Laetita Ajanohun (comédienne formée à
Bruxelles, envie d'écrire, de mettre en scène, de circuler,
spectacles en Europe et Afrique francophone, est depuis quatre ans
comédienne et collaboratrice artistique de la compagnie Les Bruits
de la Rue dirigée par Dieudonné Niangouna, un livre chez
l'Harmattan, un autre chez Lansman et le Décapsuleur aux éditions
Passage(s)) ainsi présenté
Le Décapsuleur, un
vaudeville à la sauce kinoise ? Non. Plutôt du Débrouillons-nous :
une chanson à trois voix qui se boit cul sec, une rumba frénétique
dédicacée à ces êtres capables de filouter les lois de la gravité
avec une petite histoire dans le fond du gosier. Le Décapsuleur,
c'est la tentative de dresser en surimpression le portrait d'une
mégalopole insoumise, brute, hystérique, inventive, chaotique,
punk, polymorphe, en perpétuel mouvement : Kinshasa. Et de le faire
en s'introduisant par effraction dans l'intimité, dans la rythmique
de trois «casseurs de pierres» pour dire de trois débrouillards.
Trois
bons acteurs, un mélange réussi de langues, un peu d'anglais, un
tout petit peu d'espagnol, un peu de trivialité brutale, un peu de
trivialité avec des images poétiques, un peu de discours convenu,
un peu de discours convenu avec tournures expressives, drôles,
sensibles, un peu de sous-langue de discours politique, ou propagande
affadie...
Et
après m'être battue avec mon appareil déréglé pendant les saluts, après que
les acteurs se soient écartés pour laisser place à un organisateur
et à l'auteurE, ai déserté,
me
suis renfoncée sous la terre, la bâtisse,
pour
retrouver la ville et retourner vers l'antre.
Une
bonne sieste, de petites activités sans grande efficacité, et, vers
dix-neuf heures, départ, en apercevant les tablées en lieux
discrets et préservés, en suivant l'animation de la rue Carnot pour
passer place des Carmes et vérifier que la dernière d'un texte de
Benedetto se jouait trop tard pour que j'enchaîne sans une trop
longue attente,
vers
Aubanel, lieu de bons spectacles et de malaises (mais à cette heure
la clim est moins redoutable) pour la première à Avignon de Bestie
di Scena d'Emma Dante (ne voulais la louper, en souvenir
persistant de Le Sorelle Macaluso venu à Avignon en 2014) et
je déclare d'emblée que loin d'être déçue, je pense que ce court
spectacle d'une heure quinze sera sans doute un de mes meilleurs
souvenirs – n'injurions pas l'avenir) cette année
photos
de Masiar Pasquali
pour
une fois pas de texte, cette langue triviale et populaire qu'elle met
à l'honneur (mais il en reste la partie gestuelle) - du moins c'est
ce que disait le site du festival et le programme de salle, mais ce
n'est pas rigoureusement vrai, il y a des chiffres énumérés au
début pour rythmer (toujours le rythme avec Emma Dante) les
déplacements de la troupe encore indifférenciée des acteurs, en
tee-shirt et pantalon et il y a une ou deux occurrences de cris sans
grandes significations et à un moment une rixe entre deux des hommes
avec des apostrophes rudes et merveilleusement sonores, comme des
défis de combattants de quartiers ou d'Homère -, aucun décor non
plus ni musique. Juste une troupe d'acteurs et actrices, plus ou
moins beaux et jeunes, des corps qui a un moment, peu à peu,
échauffés par leurs déambulations rythmées des mette nus...
sur
le site : Des coulisses, objets,
vêtements, paroles foncent vers eux comme des boules dans un jeu de
quilles. Sommés de survivre alors que leur groupe s'est soudainement
désorganisé, ils ne vont pas cesser de se transformer : animal,
enfant, idiot... Pour Emma Dante qui signe ici un véritable art
poétique en cherchant «le suc de l'ivresse et de la tourmente»,
les acteurs sont en première ligne du désossage que cette création
opère sur les conventions théâtrales. C'est un peu nous,
«imbéciles, sans structure et sans masque faisant face aux
tragédies du monde contemporain».
Emma
Dante dit sur le programme de salle Ce qui
nous captive tous au théâtre... c'est ce court-circuit qui arrive
sur scène et qui permet aux acteurs et aux spectateurs de vivre une
expérience commune. J'ai donc pensé à montrer une communauté
d'acteurs qui vivent sur scène en renonçant à tout ce qui
habituellement leur permet de vivre sur scène... Ils ne savent plus
quoi dire, quoi faire, comment faire. Ils sont pris dansx une
situation, quasi primitive, de grande souffrance (mais
il y a eu des rires, francs et non moqueurs, un peu comme si nous
nous imaginions à leur place ou s'ils étaient nos frères ou amis
que nous regardions avec empathie) et sont mal
à l'aise face aux spectateurs qui les observent alors qu'ils sont
nus, au propre comme au figuré... et ils ont
au début de très jolis gestes pudiques et fraternels comme
lorsqu'ils se passenr un bac pour boire, et ne peuvent donc plus se
servir de leur main pour cacher ce qu'on appelait les parties
honteuses ou les seins des femmes, le suivant dans la file, attendant
son tour, tend une main pour y suppléer.
Il y a
ce qu'on leur jette, comme des ballons qui les amènent à oublier
cette pudeur et la lente liberté retrouvée, il y a une communauté
et peu à peu des personnalités (même un affrontement) et puis des
moments fraternels.
Il y a
sans doute beaucoup de dit sur la troupe, mais tout autant sur les
rapports entre humains. Mes mots sont pauvres, c'est beau, hors de
toute notion de pesanteur ou légèreté, il y a de mini gags ou des situations embarrassantes drôles parce qu'on les vit avec eux, ça demande à murir et
c'est remarquable.
Saluts
chaleureusement accueillis, et il n'y avait qu'à voir les visages des spectateurs,
les échanges de regards et de sourires, pour savoir que je n'étais
pas seule heureuse de ce spectacle (ce que m'a confirmée ma voisine
et amie d'un soir.
Retour
hésitant, entre l'envie de profiter de ma forme pour voir un des
spectacles désirés pêchés dans ma mémoire et la sagesse (plus le
sentiment que le premier de la liste devait commencer trois quart
d'heure plus tard). Arrêt chez une boutique de producteurs (ce qui
est annoncé et que veux croire) pour acheter trois belles courgettes
blanches ce qui me simplifiera la matinée de demain, et pensais-je
était de nature à couper mes velléités de prolongation...
et
immédiatement l'idée que pouvais très bien assister à un
spectacle avec trois courgettes... détour vers le Chêne noir et
Golovine (suis entrée dans ce dernier, et puis, quand enfin quelqu'un
est venu s'installer à la caisse, ai renoncé)
et suis rentrée bien
sagement, ce qui vous vaut – désolée – cette longue tartine.
4 commentaires:
Les ombres chinoises racontent aussi une histoire
elles c'étaient surtout la veille mais Claudine grand merci de votre passage... le festival dure et lasse les festivaliers (toujours motivés cependant et plus encore les lecteurs (sourire)
Non pas ..lasse au contraire ...si bien souvent je ne lis que les titresdes spectacles sur lemonde je me plais a comparerlespoints de vues avec tes impressions Merci beaucoup
Comme je les ai aimées aussi, ces bêtes de scène.
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