Un peu avant midi,
traversée des terrasses encore vides, pour aller en belle chaleur et
sous un ciel intense, à côté - parce que c'était à côté, parce
que j'avais été intriguée tout d'un coup en lisant la grande
affiche devant laquelle je passe plusieurs fois par jour, sur la
façade de l'Oratoire, mentionnant pour le premier spectacle
Iphigénie et la Corée – accompagnée par une compagnie de ces
pauvres garçons en uniforme, sillonnant nos rues pour veiller sur la
ville, qui évite de les regarder, depuis le 6 juillet, avec les
policiers nationaux et municipaux, chargés, lourdement harnachés,
s'ennuyant sans doute et suant non moins, avec une envie de leur
tapoter le bras en leur disant «c'est bientôt fini», ce que me
suis gardée de faire...
Les murs, après le vent
de ces derniers jours, ont en grande partie fini de supporter les
affiches, les jeunes embauchés pour le nettoyage post-festival
n'auront qu'à traquer les pauvres petites ficelles qui flottent
orphelines.
L'Oratoire donc, la belle
coupole qui occupe les yeux, des pots sur la gauche, un instrument
dont j'ignore le nom, tambour évoquant vaguement un sablier couché, sur la droite, une Brigetoun attendant sous le regard très
indifférent des angelots, et huit spectateurs pour un spectacle qui
aurait mérité bien davantage.
Un peu pour le texte, que
j'ignorais, de Jean-René Lemoine, une Iphigénie dont la peine, les
souvenirs, la révolte très réprimée, s'exprime à travers les
petits faits de la vie, la fraîcheur de son amour non totalement
avoué pour Pylade, la tendresse pour son père – et le cri
reprenant les termes du Christ sur la croix – la petite critique de
la mère, les frères et soeurs, les saveurs etc... et le beau
monologue final, acceptation
Maintenant. Maintenant
j’ai compris que mon désir de mort était pure chimère.
Maintenant que le souvenir de Patrocle s’éloigne dans la brume de
l’hiver à venir‚ je comprends qu’il n’y a aucun lien entre
l’incendie de mon cœur et l’implacable réalité.
et vision de l'horreur que sera cette guerre, de l'enthousiasme aussi
de Pylade, amoureux d'Oreste et pressé de l'égaler, beaucoup pour
la façon dont l'interprète l'actrice coréenne (suis incapable
parmi les noms cités, qui la désigne, elle, avec le musicien et la
voix off, de savoir quel est son nom...) à la merveilleuse diction,
à la fragilité et fermeté juvénile...
sur le programme en ligne
Rencontre des
mythologies grecque et coréenne à travers le texte de Jean-René
Lemoine. Il s’agit d’une pièce contemporaine francophone, en
créant une forme nouvelle, originale, entre récit théâtral et
imaginaire coréen. En collaborant avec plusieurs artistes
franco-coréens de différentes disciplines, nous souhaiterions
présenter un univers théâtral, musical et chorégraphique à la
fois poétique et atypique. Les musiques classique et chamanique
contribuent à composer l’atmosphère unique du
spectacle.
Travailler à travers deux langues distinctes par de nombreux aspects qui parfois les opposent – le français (plus linéaire, abstrait et synthétique) et le coréen (contextuel et circulaire) - révèle à la fois une complexité et une complémentarité, des contradictions psychiques et physiques que doit affronter et résoudre l’actrice qui les met en oeuvre. Ces deux corps au sens plein du terme - physique, mental et spirituel - se rencontrent, interagissent, s’accueillent et se rejettent à l’intérieur de soi-même.
L’histoire et la tradition des genres artistiques ne sont pas identiques en France et en Corée. Nos “incarnations de l’imaginaire” sont multiples en raison de la diversité de nos apprentissages personnels et collectifs. Aussi, préférons-nous éviter les oppositions binaires comme cela apparaît dans l’utilisation du singulier à propos des cultures dites nationales – quand on parle par exemple de la culture coréenne, pour la distinguer de la culture française - car une société comprend des cultures incroyablement riches et diverses.
Travailler à travers deux langues distinctes par de nombreux aspects qui parfois les opposent – le français (plus linéaire, abstrait et synthétique) et le coréen (contextuel et circulaire) - révèle à la fois une complexité et une complémentarité, des contradictions psychiques et physiques que doit affronter et résoudre l’actrice qui les met en oeuvre. Ces deux corps au sens plein du terme - physique, mental et spirituel - se rencontrent, interagissent, s’accueillent et se rejettent à l’intérieur de soi-même.
L’histoire et la tradition des genres artistiques ne sont pas identiques en France et en Corée. Nos “incarnations de l’imaginaire” sont multiples en raison de la diversité de nos apprentissages personnels et collectifs. Aussi, préférons-nous éviter les oppositions binaires comme cela apparaît dans l’utilisation du singulier à propos des cultures dites nationales – quand on parle par exemple de la culture coréenne, pour la distinguer de la culture française - car une société comprend des cultures incroyablement riches et diverses.
Retour
rapide, retrouvant mes militaires et les suivant cette fois, vers
l'antre, déjeuner, longue sieste, préparation dîner et départ
vers 17 heures (après des moments, suis accro, devant les débats à
l'assemblée),
départ
donc par les rues qui ont, sauf quelques îlots, retrouvé leur vide
habituel... - quelques affiches non encore arrachées, un ou deux
musiciens, et puis la queue plus ou moins grandes devant les
théâtres... - vers la Condition des soies,
où pour la première
fois depuis des années j'ai eu droit à la salle ronde, c'est à
dire la grande entrée, un petit hall coquet, une salle de travail et
café au lieu du bas-flanc dans un couloir que j'aime bien, et à la
place de la grimpette d'un escalier miteux coincé entre deux
bâtiments, l'entrée directe dans cette merveilleuse salle, sa
coupole de petites briques percée d'un trou pour déverser, quoi ?
les tas de soie ? et un spectacle taïwanais parce que ça m'est
nécessaire chaque année. Là c'était As
four step de
la Compagnie Tjimur Dance, et c'était à partir d'une
danse festive de l'ethnie païwan
(beau début où semble-t-il elle est plus purement évoquée, avec
la géométrie stricte des déplacements et les forts appuis martelés
sur le sol, vers lequel se plient les corps, pour se terminer par un
coup de pied dans l'air) revisitée par
une écriture chorégraphique très actuelle, un
spectacle de danse un peu abstrait, sans
autre message que la force tirée de la terre et des ancêtres (enfin
ça c'est moi qui l'ai pris ainsi) très construit – plutôt que la
bande annonce figurant sur le site du théâtre (qui montre trois
danseurs pour une danseuse) j'ai déniché une
vidéo qui donne des aspects de ce que j'ai vu, plutôt moins beaux
faute de voir l'ensemble que la réalité, des impressions de
spectateurs qui recoupent assez bien ce que j'entendais en sortant et
que sentais d'ailleurs (insisterais moins sur la joie) et une
interview du chorégraphe et de la directrice artistique.
et
puis, la petite vieille peut bien le dire il y a un jeune danseur
beau comme Pylade..
Par
contre cela dure un peu plus longtemps (pas désagréable) que prévu
et c'est en galopant, enfin sur une partie du trajet,
que suis partie
pour rejoindre le bout de la rue Bonnetterie, les masseurs, un couple
qui, las de tracter, dansait et m'a remercié de les photographier,
comme je les remerciais (photo pas à la hauteur de ces amabilités)
la rue des Lices
et la Chapelle du Verbe incarné pour voir enfin,
comme l'avais décidé au pif, juste parce que c'était là, que le
Verbe incarné fait partie de mes incontournables, et à cause du
résumé, Jaz de Koffi Kwahulé, avec Lumidla Dabo et le
Mister Jazz Band, et c'est formidable, pour le texte, pour le soutien
de l'orchestre, pour la comédienne et chanteuse surtout, puissante,
belle chanteuse, bonne quand elle est entre chant et parole,
émouvante sans pathos quand elle dit. La photo du site du Verbe
incarné doit dater et ne ressemble en rien (décor, âge, coiffure)
à ce que j'ai vu...
Comme n'avais pas osé photographier les saluts
(d'autant que me bagarrais un peu avec carcasse) ai cherché et
trouvé celle-ci, de Clara Pauthier, qui illustre un article auquel
vous renvoie
http://www.sceneweb.fr/critique-jaz-heroine-puissante-brutale-de-koffi-kwahule/
Mais
en sortant, ai senti que carcasse en avait assez, flottait à nouveau
un tout petit peu, et sans trancher entre les trois trucs qui me
tentaient à 20 heures 30 (des textes cette fois) suis rentrée bien
sagement....
pour
pondre ce trop long bidule et faire brûler mes patates.
5 commentaires:
Ces militaires dans une ville déjà entourée de remparts...
Belles photos d'un théâtre qui n'est pas aux armées !
n'étaient vraiment pas gênants, ni eux ni les policiers, et on les ignorait... mais qu'est ce qu'ils doivent en avoir marre ! (pour parler familièrement)
Heureuse femme qui a rencontré Pylade !
oui... enfin il y avait Achille
Merci à vous pour l'ensemble de ce quotidien partagé. À défaut de la possibilité d'une île, la multitude d'opportunités de vacances culturelles permet d'échapper à une certaine vacuité touristique.
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