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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

dimanche, janvier 28, 2018

suivre une échappée (qui n'en est pas une)

pluie nous est venue
lente ou torrentielle
pour terre en désir
et la saluais (non sans abnégation) hier, même quand un orage a traversé notre ciel et quand à l'entrée dans la nuit elle fut musique déchaînée
mais ce matin, dans une éclaircie, sur les dalles encore un peu humides sur lesquelles je tentais de ne pas laisser voir la crainte de mes pieds instables et asymétriques, frissonnante dans la petite aigreur et l'humidité de l'air, yeux sur les feuilles et mégots misérables, cherchant pièces en nombre insuffisant préparées dans les poches de mon anorak pour mes minuscules dialogues avec les assis qui profitaient de l’accalmie, voyant dans chaque boutique abandonnée un symbole de ce qui nous arrive, je maintenais, pour avancer et ne pas ajouter à la poussée de tristesse de nos rues au teint desquelles la pluie ne convient pas, un sourire qui devait être un tantinet rictus, tout en massant de ma main libre le bas de mon dos à la plainte pourtant légère.
Rentrée dans l'antre, après cuisine, déjeuner et repassage me suis endormie en lourde sieste pour revenir à la surface devant un ciel redevenu d'un bleu absolu... mais, comme la petite liesse sans raison que certains jours m'offrent s'obstinait à ne pas venir, 
j'ai repris, un peu, même si, comme toutes les lectures découvertes en lecture profonde, il est réservé à la nuit (habitude venue de toutes mes années de labeur et dont je n'arrive pas à me débarrasser) le Quichotte, autoportrait chevaleresque, retrouver le chevalier et Sancho comme le fait Eric Pessan (après une série de textes d'accompagnement d'écrivains aimés, pour ceux, la plupart, que j'ai lu) : je mets un disque qui m'évite d'écouter les craquements du monde, j'ouvre un nouveau fichier de traitement de texte, j'écris DON QUICHOTTE, au beau milieu de l'espace blanc, j'insère un saut de page et je m'impose une injonction, une injonction vitale : il s'agit d'inventer comment supporter le monde, ni plus ni moins. Comment s'ajuster à ce monde qui nous est imposé. Ne plus laisser la joie et le plaisir derrière soi, mais les brandir haut et fort. C'est terriblement ambitieux et terriblement naïf en même temps.
Et il s'embarque dans les lectures et re-lectures du Quichotte, les non-lectures mais connaissance du personnage, le premier contact, et le monde que vivait Cervantes intervient, et peu à peu l'idée que ce ne sont pas deux fous splendides qui vont à travers les aventures mais deux faiseurs d'un monde plus humain, plus juste, sans illusion sur leur pouvoir, mais bien persuadés qu'ils ne peuvent faire autrement. Jusqu'à les faire s'enfoncer dans un gouffre et déboucher, exténués et ahuris dans une rue de notre Paris de 2017, les difficultés d'adaptation du premier jour, l'indifférence des êtres croisés, qui ne quittent guère des yeux la petite boite qu'ils tiennent dans leur main, l'absence de réaction aux colères du chevalier, leurs beaux dialogues mêlant les difficultés à la recherche du sens, et puis, affamés, sans toit puisque sans l'argent devenu indispensable, après un des détours par notre monde, sans eux, on les retrouve sous deux tentes au bord d'un canal, et je les ai quittés provisoirement à la page 172, dans leurs nouvelles aventures, heureux d'avoir rencontrés ceux qui s'inspirent d'eux, et partis pour lutter contre les dragons, finance, égoïsme, management et autres qui font les malheurs contemporains, non sans que des paragraphes viennent ponctuer leur découverte de ces dragons, rendant hommage, en liaison avec l'action (plus ou moins longuement, et j'en prends, presqu'au hasard, un des plus brefs) au courage quotidien et discret qu'il faut à ceux qui ne sont pas premiers de cordée
ce qu'il faut d'héroïsme pour accepter que nos rêves soient pollués par nos vies, pour permettre cette perméabilité terrible qui nous fait revivre durant notre sommeil les angoisses de nos veilles, qui nous replonge au bureau, nous renvoie face aux échéances impossible à tenir, réinvente les rebuffades de nos supérieurs, les peurs de perdre nos emplois, les brimades et les colères rentrées ; ce qu'il faut d'héroïsme pour rejouer, nuit après nuit, les fatigues les humiliations les terreurs les rancoeurs les vexations et les hontes de nos journées (d'autres fois il évoque l'héroïsme qu'il faut pour surmonter sa honte en faisant le mal, le petit mal ordinaire, pour obéir, parce qu'il faut bien se nourrir, se vêtir, s'occuper de ses enfants).

Ajoutez-y des brindilles de bel humour… comme vous feriez cuire un poisson avec une bonne huile d'olive et des herbes fraiches sur des branches de fenouil.

6 commentaires:

Claudine a dit…

Merci de nous donner faim de lectures la nuit

Dominique Hasselmann a dit…

temps de pluie, temps de lecture ou de cinéma...
La réalité devient parfois imaginaire.

Brigetoun a dit…

j'aimerais assez que le Quichotte d'Eric Pessan devienne réalité (impossible bien sûr, et ça le détruirait)
la seconde partie est une fête

arlette a dit…

Que cela me plait... ce Quichotte là
Tu chevauches les nuages

Brigetoun a dit…

et la seconde partie est une fête, fête aux auteurs aimés et fête de la croisade de Quichotte contre finance, petits chefs, terroristes, bourreaux familiaux et tutti quanti… (enfin jusqu'à la page 240… il y en a 414 en tout mais en gros caractères et avec pas mal de blanc) - j'espère qu'il aura du succès

mémoire du silence a dit…

Oh ! Merci pour Quijote mon héro
et comme je vais m'empresser de lire le chevaleresque Eric Pessan, pour le salut.
Merci