Matin, sol trempé en
ouvrant les volets bleus et petites averses de passage, me suis
attardée sur mise en train de carcasse, ai jugé qu'il était trop
tard pour l'aller et retour blanchisseur, ai vaqué dans carcasse.
Et comme j'avais,
mercredi, tenté de tirer quelque chose de ma longue rêverie,
ballade, recherche autour de Molène et d'une année de mon enfance,
et finalement envoyé le résultat à François Bon qui l'a accepté
et publié, juste en n°10, le dernier pour le moment, après le
texte pour faire rêver de Dominique Hasselmann... si vous avez le
temps, je vous conseille la lecture de l'ensemble sur
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4743...
résultat qui me navrait un peu, pas à la hauteur de mon rêve, et
laissant de côté ce qui m'avait accompagné ces jours ci et qui ne
rentrait pas dans le thème de
Pour le moment me suis
bercée dans un magma d'odeurs recréées, de froid iodé,
désagréablement humide et passionnant, d'éleveurs préhistoriques,
de naufrages, de goémons, de corps trapus, de pêcheurs
cultivateurs... (26.3)
en
il y a la Brigetoun de huit ans, qui a pris un air adulte, cheveux
courts et bonnes joues de petite bretonne, qui va quitter le beurre
salé et ses amis d'un an, qui se penche, se souvient de la rêveuse
d'il y a si longtemps – quand elle avait un peu plus de sept ans et
pas encore l'âge de raison qu'elle s'efforce de croire sien - et qui
installe durablement, quelque part en elle, avec le goémon entre les
rangées de laitues du jardin
(27.3) et à ma petite
méditation en marche de mercredi matin, résultat (long) dont je
décide de nourrir paumée (êtes prévenus, si j'ai compressé cela
reste long) sous le montage des bouilles brigetouniennes du début,
de la fin de la Bretagne et d'aujourd'hui (après avoir tout de même
modifié un peu l'avant dernier paragraphe pour supprimer l'un des
deux tissée qui se
succédaient de près ce qui m'a fait grimacer trop tard, pensais
pourtant m'être bien relue
Tant et tant de choses
à comprendre en ce monde, sans illusion m'y essaie, du moins pour ce
qui n'est pas écume projetée vers nos yeux et nos âmes pour nous
détourner du grave, cherchant documents sans grande méthode,
cherchant raison en moi, parce que, avec succès ou non, c'est tâche
digne d'humain. Oui mais il y a aussi, personnel, ce qui s'est déposé
dans ma mémoire, qui est entré comme un tesson de mosaïque pour
former ce qui se tapit sous les discours ou petites phrases, et,
parce que sais que j'ai trop, en mon adolescence - sourdement
malheureuse comme il se doit - rêvé ma vie, c'est cette petite
histoire qui s'est incrustée comme une vérité, et dont je ne sais
ce qui est fait réel et ce qui est résonance, vérité mienne : les
marins rejetés sur une plage au Conquet ou à côté, et qu'un petit
camarade m'avait emmené voir en cachette, qui m'est venue à
l'esprit, pour une recherche, sans me risquer aux grands évènements,
au risque de détruire ce souvenir qui n'appartient qu'à moi...
Trouver ce qu'il
contient de vérité. Partir de cela, solide, je crois : c'était un
bateau de Molène, et voilà qu’immanquablement, par ce seul nom,
je retrouve le sortilège – alors lui donner corps avec le peu dont
je dispose, qui se réduit à mon ordinateur et internet, puisque ne
connais plus personne là-bas - j'ai même oublié les noms de mes
camarades, il y a juste l'école des soeurs que je crois retrouver
sur google-maps, mais on n'en voit que les murs extérieurs et pas la
grande cour en terre battue (je découvre que Le Conquet est
maintenant une ville de vacances typique avec peintures blanches,
volets bleus, boutiques d’accastillage et crêperies... ce ne
devait pas être à ce point dans les années d'après guerre,
passent dans mon souvenir une majorité de granit gris, nos sarraux
et sabots de cuir, et des femmes en noir avec des petites coiffes
plates) et du médecin certainement mort depuis longtemps dont la
dernière fille était mon amie, puisque, aussi, je ne peux plus
interroger la génération précédente, et que c'est une des rares
périodes pour lesquelles nous n'avons pas de lettres puisque nos
parents étaient réunis.
Un tour sur le premier
site qui s'affiche, de vagues notions d'histoire de l'île, des
propositions de logement, de distraction, je suis loin du but, et
puis je suis sûre qu'en ce temps là, dans mon enfance, la vie y
était plus rude et les visiteurs plus rares.
Wikipedia est une mine,
j'y trouve des notions, l'histoire, les ressources de l'île, des
îles de l'archipel... arrivent les goémoniers, je redresse la tête,
et revois le goémon entre les plantations du potager de la maison du
Conquet – mais bien sûr ce n'est pas pour cela qu'avait lieu la
récolte du varech dans les îles de l'archipel mais pour les usines,
et là, pour la fin du 19ème siècle et le début du suivant, je
retrouve la description de la très dure vie qu'y menaient les gens,
on disait je m'en souviens que c'était des sauvages, enfin certains
disaient, parce que Le Conquet c'était la terre, mais pas bien
loin... et que devaient être parents – mais ce n'est toujours pas
cela, simplement je m'installe pour un temps dans l'idée de la mer
d'Iroise, de ses légendes, beautés et cruautés, et je vais voir ce
que je trouve sur YouTube, en évitant les plaisirs touristiques :
des anciens, des gens de mon âge qui discutent... je passe... une
tempête avec une voix bien de là qui s'écrie à chaque choc des
vagues contre la jetée...
De retour sur
Wikipedia, à propos du goémon, les cendres de la terre, pour
fertiliser – j'apprends – faites avec de la terre brûlée avec
des goémons et puis les usines à soude dont une à Béniguet, et je
reconnais le nom. Est-ce qu'un des deux corps était de Béniguet, ou
bien mon ami ? Il semble qu'à Béniguet maintenant on n'y peut plus
marcher, encore moins y vivre ou travailler, il faut se contenter des
plages, l'île est un sanctuaire... mais il y avait encore des
cultures jusqu'en 1953 dit sa page Wikipedia, ça colle, sans me
donner de lien précis avec mon naufrage... peut-être le nom
reste-t-il dans ma mémoire associé à Molène simplement parce que
c'est une des plus grandes îles secondaires et la plus proche du
Conquet... je renonce, je décide que ça n'a pas d'importance, mais
j'ai bien aimé ma courte visite imaginaire.
Retour au Wiklipedia de
Molène, je m'attarde sur les belles descriptions de la vie ancienne
dans les îles, de la grande misère aussi de ceux qui
s'accrochaient, dont le souvenir était encore frais de mon temps,
passons... je trouve une liste de naufrages, nombreux autrefois,
devenus plus rares, un seul en juillet 1950 mais c'est une pinasse de
Douardenez qui avait heurté le récif du Grand Pourceau, entre Le
Conquet et Molène, j'aurais transformé ? Me semblait pourtant
qu'ils étaient des îles, les marins. Je perds (avec plaisir) le
reste de la journée à cliquer, avec ou sans succès (les succès
étant généralement sans rapport avec l'époque, ni souvent avec
les bateaux) sur tous les liens figurant dans les notes et
références.
Lendemain, avant de
poursuivre, situer l'année dans le brouillard de mon enfance. Pour
cela je pense à chercher les traces de l'école des pupilles de la
Marine, puisque c'est là qu'était mon père... J'apprends qu'elle
était revenue en Bretagne, à Bertheaume, je trouve des forums tenus
par des anciens, généralement semble-t-il des officiers mariniers
en retraite, et puis des plus jeunes, qui s'intéressent à la vie
d'avant leur temps, puisque l'école a quitté Bertheaume en 1950 (là
je m'étonne) pour rejoindre celle des mousses à Loctudy. Ce n'est
pas possible, mon père ne pouvait être à Loctudy et nous au
Conquet... d'ailleurs je vois les photos des baraques et je me
souviens de l'arbre de Noël (pas le jouet que je voulais mais un lit
de poupée) – je trouve des photos, les adolescents et
préadolescents, un officier, deux ou trois maîtres avec leurs
galons en biais et un ou deux civils, je scrute les visages, mon père
n'est sur aucune des trois (pour trois compagnies) en 1949 – pour
1950 les photos, de Loctudy, datent de la rentrée scolaire à la fin
de l'année, nous étions alors revenus à Toulon - et puis je
remarque, pour d'autres années, un plus grand nombre de compagnies,
et des photos un peu plus variées, les cuisinières avec le
commandant, et, pour 48, l'état-major... il a dû y en avoir une en
49 sur laquelle figurait mon père. D'ailleurs le plus jeune de mes
frères est né en mai 1949, et il marchait plus ou moins quand
sommes partis. Donc cela se situe pendant l'année scolaire 1949-1950
et les vacances qui ont suivi... je quitte les forums d'anciens avec
un petit regret.
Je reviens à «qui
voit Molène voit sa peine» et au Mathieu-Bihen et je crois que j'ai
trouvé sur quoi s'est dessinée la
petite histoire que peu à peu, j'ai tissée, me suis racontée ; je
n'ai pas vu les corps, mais c'est sans doute de là, et de la
vantardise de mon petit camarade me proposant de me guider vers la
salle où ils attendaient, qu'est née ma longue fascination pour la
mort – finalement, de toute ma vie la seule vraie rencontre avec un
cadavre sera mon long compagnonnage, ma communion, avec mon père,
seule dans la chambre où il reposait aux petites heures du lendemain
de sa mort – mais, sans doute plus ou moins sans autorisation, j'ai
vu, sur le port, l'épave du Mathieu-Bihen tirée au sec et, s'il
était de Douardenez, les langoustiers qui sont venus à la rescousse
et ont tenté de le renflouer étaient de Molène et du Conquet.
Avec l'âge j'ai appris
à discipliner mon imagination...
Et,
comme ce matin, après avoir vaqué, suis revenue vers Molène, le
naufrage, une image du Mathieu-Bihen sur le port du Conquet, trouvée
sur
http://recherches.historiques-leconquet.over-blog.com/article-le-conquet-naufrage-du-mathieu-bihen-1950-texte-jp-clochon-41980831.html
avant
de continuer, d'apprendre sur un blog qu'ils étaient douze à bord
du Mathieu-Bihen et qu'il n'y a pas eu de survivant, et sur
http://arbbor.free.fr/dz_bateaux.htm
que le patron se nommait Mathieu Hascouet, que le bateau avait été
construit à Douardenez en 1932 et qu'il était, comme le montre la
photo, de belle taille (tonnage 19,65)
et puis j'ai découvert,
sans rapport, le procès verbal d'une campagne de fouilles à Beg ar
Loued (Molène) en 2007-2009 en plus de nous
renseigner sur la culture matérielle et l'économie des gens ayant
vécu sur Molène à la fin du III millénaire et au début du
II millénaire avant notre ère, les fouilles cherchent à mettre
en évidence aussi bien la chronologie du site, que l'organisation
et les phases de construction du bâti.
ce qui
n'a aucun rapport et même si un peu aride parfois, je me suis
passionnée pour ce rapport, un long moment, avec des incursions sur
internet pour vérifier le sens de quelques mots, même si demain
n'en restera sans doute rien dans ma mémoire.
http://ns2014576.ovh.net/files/original/932ea85c3bdf3abc8d196e715ca9e074.pdf
Vais
faire fuir mes derniers lecteurs, là, mais promis... j'en ai fini,
vous demande pardon, j'aimais bien.
Sur
Avignon il y eut une cour éclairée vers midi, et un ciel bouleversé
dans l'après-midi au dessus de mes pas.
4 commentaires:
Ça c'est du forage ! Je vous ai presque suivie partout.
L'atelier relie... merci ! :-)
merci à vous
un souvenir en appelle bien d'autres, la mémoire est vigoureuse
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