Parce que depuis plusieurs
jours j'avais une envie de tenter de répondre à la cinquième
proposition de l'atelier de François Bon sur le tiers-livre
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4745
(raison pour laquelle je n'ai pas encore lu les contributions qu'il a
reçu http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4744
– je vous juste qu'il y en a treize) et que j'avais choisi mon
thème, me suis installée, matin, dos contre le mur, face au soleil
qui tentait de se frayer un passage -, petit carnet en main... et
parce que malgré l'inconfort relatif les mots venaient en rafales,
trop, mais que je me sentais de moins en moins sûre de mon idée de
départ, suis rentrée au bout d'une vingtaine de minutes, au moment
où le bleu s'affirmait, parce que, aussi, je voulais finir
d'utiliser les photos prises chez Angladon...
Et là, me suis mise à
jongler avec mes souvenirs, avec le Biblio acheté hier, avec les
trois recueils que j'avais déjà, et je n'ai pas vu le temps
passer... au long d'un cheminement qui a ramené bien plus que ce qui
suit, qui est déjà très long
Or donc, pour continuer la
visite, il y avait :
un manuscrit enluminé de
René Char avec un texte de Don Juan et le début de Débris et
mortels et Mozart
Au petit jour, une
seule fois, le vieux nuage rose dépeuplé survolera les yeux
désormais distants, dans la majesté de sa lenteur libre ; puis
ce sera le froid, l'immense occupant, puis le Temps qui n'a pas
d'endroit.
Sur la longueur de ses
deux lèvres, en terre commune, soudain l'allégro... un
de mes textes-poèmes préférés (ne me demandez pas pourquoi)
repris dans la bibliothèque est en feu et autres poèmes..
avec cette difficulté qui vient
de ce que, comme le dit Marie-Claude Char les poèmes
paraissent dans différentes versions en revue, en plaquettes à
tirage limité, ou bien même sont glissés dans un tiroir pour y
être oubliés.... soudain ils renaissent différents sous un nouveau
titre, kidnappés d'un volume pour apparaître dans un autre... des
oeuvres fragmentées, isolées, naissantes, encore dans les limbes,
déplacées dans le temps pour privilégier un moment ou certains
événements.
Et je
ne sais à quoi se rattache cet autre manuscrit de 1956, sur Jeanne
d'Arc, dont je n'ai capté que des fragments incomplets, mais qui sur
le moment m'a séduit, peut-être pour la façon dont cette rude et
tendre description du corps fait une place à un dessin qui se
rapporte lui à la terre d'où vient ce corps Voilà ce que cela
donne en trait de terre
«Verte
terre de Lorraine – terre obstinée des batailles et sièges. Terre
sacrée de Reims. Terre fade, épouvantable du cachot. Terre des
immondes/ Terre vue en bas
sous le bois du bucher. Terre flammée. Terre peut-être toute bleue
dans le regard horrifié. Cendres.»
Comme
une relique, parce que, à l'exception de quelques pages copiées
pour une revue, c'est le seul exemplaire manuscrit, les
feuillets d'Hypnos....
un petit manuscrit dessiné, des passages, se rapportant
à ce tant aimé recueil de guerre paru en 1946 dans la collection
«Espoir» dirigée par Camus, chez Gallimard.
une
des gravures (burin) de Vieira da Silva pour l'inclémence
lointaine (1961)
…
L'oeuvre de Vieira da Silva surgit et l'aiguillon
d'une douce force obstinée, inspirée, replace ce qu'il faut bien
nommer l'art, dans le monde solitaire de la terre qui coule et de
l'homme qui s'en effraie. Vieira da Silva tient serré dans sa main,
parmi tant de mains ballantes, … quelque chose qui est à la fois
lumière d'un ami et promesse d'une graine... (dans
préface au catalogue de l'exposition de l'artiste en 2961 chez
Jeanne Bûcher.
Une
eau-forte avec aquatinte de Braque pour la page de titre du Soleil
des eaux (chez
H.Matarasso 1949) texte né, je crois, d'un séjour chez Braque à
Varengeville en 1948, et des longues promenades en sa compagnie le
long de la plage et de la mer, et qui fut créé à la radio, dans
une réalisation d'Alain Trufat sur une musique de Boulez, en avril
1948
Braque
est celui qui nous aura mis les mains au-dessus des yeux pour nous
apprendre à mieux regarder et nous permettre de voir plus loin,
passée la ligne des faits d'histoire et des tombeaux.. («songer
à ses dettes» octobre 1963)
Rives
qui croulez en parure
Afin
d'emplir tout le miroir,
Gravier
où balbutie la barque
Que
le courant presse et repousse,
Herbe,
herbe toujours étirée,
Herbe,
herbe jamais en répit,
Que
devient votre créature... («la
truite» un des «quatre fascinants» poèmes illustrés par Victor
Brauner – galerie Le Point – exposition «Bestiaire» 1951, mais
il s'agit là d'une esquisse)
Trois
des très grandes estampes de Wilfrid Lam (grand plaisir de Brigetoun
qui n'en avait pas vu depuis longtemps et qui aime cette oeuvre) pour
Contre une
saison sèche textes
écrits aux Busclats en 1969 et publiés en diptyques, romain et
italique ( repris à la fin du «Nu perdu»)
«Nous passerons de la mort imaginée aux roseaux de la
mort vécue nûment. La vie, par abrasion, se distrait à travers
nous.
La
mort ne se trouve ni en deçà, ni au-delàL Elle est à côté,
industrieuse, infime»
Et,
pour une collaboration antérieure, en 1953 (Char avait découvert
Lam en 1947) le
rempart des brindilles (cinq
poèmes repris dans «La parole en archipel» dont l'inoffensif
Je
pleure quand le soleil se couche parce qu'il te dérobe à ma vue et
parce que je ne sais pas m'accorder avec ses rivaux nocturnes. Bien
qu'il soit au bas et maintenant sans fièvre, impossible d'aller
contre son déclin, de suspendre son effeuillaison, d'arracher
quelque envie encore à sa lueur moribonde...
et sur Lam, dans la préface au catalogue de son
exposition de février 1953 chez Maeght
Je
ne vois pas de forêt habitée, quoique jamais rejointe, sur la
mappemonde terrifiante des hommes, qui nous hèle mieux que celle où
Lam rassemble ses créatures amaigries, par la nervosité de l'art,
cependant rafraichies par l'expansion naturelle du peintre passant la
barrière de l'air.
Mal
reproduites et d'ailleurs assez petites mais gardées parce que, sans
détailler leur mosaïque, j'entrais dans cette terre toute proche, en
leur jetant des petits coups d'oeil de biais, tout en regardant une
vidéo ou un long passage d'une vidéo, mais mes jambes tiraient un
peu trop et j'ai abandonné, les photos (1951) d'Henriette Grindat
figurant dans la
postérité du soleil avec
un texte d'Albert Camus et une post-face de René Char (1965)
et,
cueillis en regagnant l'escalier, une lithographie de Georges Braque
pour l'édition de Lettera
amorosa chez E.
Engelberts à Genève en 1963,
…
les bois que Nicolas de Staël a gravés pour mes
poèmes (pourtant rompus aux escalades et aux sarcasmes – les
phrases précédentes parlaient d'empreintes et de leur attribution
contestée au Yeti -) apparaissent
aujourd'hui pour la première fois sur un champ de galaxie et de
neige... Staël et moi, nous ne sommes pas, hélas, des Yétis!) Mais
nous nous approchons quelquefois plus près qu'il n'est permis des
vivants et des étoiles.
Et puis, une fois sortie, j'ai salué la Livrée
Ceccano, en face, et l'animation tranquille du jardin en ce milieu
d'après-midi, mais j'ai passé mon chemin, parce que jambes... (va
falloir que je m'aguerrisse un peu), parce que bidules pratiques à
faire, laissant les deux expositions en lien avec ce moment Char pour
un autre jour.
4 commentaires:
Souvent femme charivarie
Trésor sans fin !
peut-être pas tout de même (sourire)
Cela donne envie de relire les échanges de lettres entre Nicolas de Stael et Rene6 Char..en préparation à l'exposition d'Aix
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