matin
le vent
souffle haut
les masses
feuilles dansent
claquent les
toiles
après-midi
dans la cour
un ciel
irradié
rouge sous
les paupières
douceur des
ombres
et comme
l'atelier de François Bon sur le Tiers.livre
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3608
a atteint le numéro 10, comme suis paresseuse, avant d'aller lire les
dernières propositions publiées (devenons nombreux à participer,
avec des textes de longueurs variables) je reprends, sous cette image
d'une fenêtre rencontrée ce matin (qui bien entendu ne ressemble
pas vraiment à la fenêtre qui ouvre en tournant ce coin de rue
puisqu'elle n'existe pas, pas
plus que le coin de rue, pas plus que le bourg et la ville, du moins
pas tout à fait, je reprends mes réponses à trois propositions
(les deux suivantes viendront demain, êtes prévenus)
#6
– des noms https://youtu.be/LDYrIBRsXoQ
Il
a fait quelques pas dans la petite rue, les yeux sur la verdure
là-bas, tout au bout, quelques pas alentis par un doute. Il n'avait
pas compris, on ne lui avait pas dit, que la médiathèque Beckett
(il a murmuré pour le plaisir médiathèque Beckett, en faisant
claquet les «ke») était entourée d'un jardin, ou d'une esplanade
boisée... Il doutait même, malgré le clin d'oeil du soleil sur la
vitre, que cette rue soit la bonne... butait autrefois sur les
maisons d'une rue transversale. A tourné sur lui-même, cherchant,
trouvant, sur la maison aux rideaux sales, à sa gauche, une plaque
mentionnant carreiroun dou remoulinado – sentier du
tourbillon... Un soulagement, un
grand sourire qui réveillait l'étonnement ironique d'antan, et à
pas lents, ses yeux glissant, attentifs, sur les deux rangées de
façades, à la recherche de souvenirs, il a commencé à suivre la
longue ligne droite que dessinait la rue vers ce brouillamini vert.
Et cela revenait avec la même lenteur, une maison à sa gauche, un
peu plus loin, une grille prétentieuse, un ami perdu, comment
s'appelait-il déjà, Frédéric ou Vincent, le fils de Monsieur Roux
le coiffeur de la place aux herbes, devant l'église – non,
Vincent, c'était le petit maigrichon aux belles agates, le père
Vinachier, le restaurateur de la grande place devant la gare, avait
de l'argent – ... il devait y avoir, un peu après, mais ne le
reconnaissait pas... ralentissement, hésitation à nouveau,
négligée... l'immeuble où habitaient les filles Ricordi, le
sourire des yeux de Mariette. Oui, bien sûr – un mouvement de
triomphe intérieur – la rue finissait alors face à cette vieille
bâtisse ruinée qui avait gardé le nom d'hôtel du Roi René.
C'était cela, il avait dû être racheté par la municipalité,
détruit et dans le jardin qui le remplaçait on avait construit la
petite médiathèque de quartier... Oui, sûrement, c'était le bon
chemin et son pas est devenu plus rapide. Restait, rodant sous
l'attente de la rencontre au devant de laquelle se pressait, la trace
de ces histoires, ces légendes sur les maisons du début de la rue,
la recherche du nom des habitants de la bâtisse aux rideaux sales.
#7
– là tout auprès mais https://youtu.be/Yi4tKeAzsho
L'île
proche, face à la ville, un portail croulant, quelques roseaux au
bord d'un ancien bras du fleuve canalisé, quelques vieux ceps dans
une vigne envahie d'herbes, et, dans un fouillis broussailleux, une
petite clairière et la grande demeure noble, sa carcasse résistant
à la dévastation, les parquets dégradés, un grand trou dans un
mur là où il y avait eu sans doute une cheminée de marbre et puis
eux, surtout, qui en avaient fait leur domaine secret, Mariette
Ricordi et sa petite soeur, les garçons, leur groupe, ces images se
superposaient aux maisons et immeubles de la petite rue pendant qu'il
avançait lentement vers ce rendez-vous qui l'ennuyait de plus en
plus – lui semblait absurde soudain ce besoin de s'engager, cette
honte de la vacance dans laquelle il se complaisait depuis son
arrivée dans cette ville où il ne connaissait plus personne – et
réveillaient le souvenir de ces deux années de découvertes, de
rires, de projets, d'amitié, la fin de son, de leur adolescence, il
y avait si longtemps, peut-être la raison, il le réalisait, du
choix de cette ville pour trancher avec sa vie d'adulte... Il avait
cessé de guetter des yeux une trace de la maison des soeurs Ricordi,
il se souvenait de sa recherche du domaine perdu, quelques mois après
son arrivée et de la haie tressée, du portail si merveilleusement
vieilli, de la plaque discrète, sur lesquels il avait buté, de
cette découverte, furtivement navrée, en cherchant sur le web :
leur royaume était devenu restaurant discrètement luxueux avec
chambres d'hôtes charmantes, un endroit délicieux, qui savait si
parfaitement préserver le caractère de la région, selon ce
qu'annonçait le site, juste avant d'afficher les prix qui le
mettaient hors d'atteinte des actuels habitants de ladite région, ou
du moins de la plupart d'entre eux.
#8
– il pleut https://youtu.be/bWA2GC1BXZA
Il
avançait, et sous l'idée du domaine perdu qui, au rythme de ses
pas, avait pris la place de ce rendez-vous vers lequel il allait, se
glissait vaguement la conscience de l'accumulation lente des couches
grises qui, depuis le matin, jouaient à se rapprocher, se
superposer, s'écarter pour filtrer le soleil ou, parfois, laisser
passer de francs ruisseaux de lumière comme celui qui, tout à
l'heure, avait frappé la vitre entre les feuilles. Peu à peu les
nuages s'étaient amassés, et le brouillard vert des arbres au bout
de la rue était maintenant dominé par une colline sombre
sous-tendue par un rayon doré. La lumière s'était faite morne
jusqu'à mourir et au moment où il levait les yeux une goutte,
seule, grosse et lente, est venue s'écraser sur sa main, suivie
d'une seconde sur la manche de sa veste de toile bleue, puis
d'autres, de plus en plus serrées. Il a regardé la rue qui filait
toute droite entre les portails et les portes fermés, a hâté le
pas vers un jardin un peu plus grand, à deux cents mètres environ
sur sa gauche, et le micocoulier qui sortait de la limite assignée
pour installer, au dessus de la bande de pierres constituant
trottoir, un petit abri freinant les gouttes qui maintenant se
pressaient. Il est resté là un moment, sa grimace instinctive se
muant en sourire pour aller avec la musique de l'eau sur les
feuilles, l'amorce de petit ruisseau qui suivait une pente,
presqu'imperceptible jusqu'alors, vers un perron dégradé de l'autre
côté de la rue, et puis comme faiblissait l'intensité de l'averse,
il est reparti, se sentant absurdement jeune, dansant presque d'un
plaisir animal, cherchant à retrouver l'air de singing in
the rain, avec un manque
d'originalité qui le réjouissait.
9 commentaires:
Ciel en lice
Beau travail... Il faudrait que je m'y remette (j'ai arrêté au cinq)...
pas certaine que ce soit du beau travail (et la suite; surtout le 10, est pleine d'afféteries, et d'afféteries qui me correspondent passablement)
mai oui…. ne pas en rester au 5 s'il vous plait
Triple plaisir à relire !
même chose pour moi chez vous
Et dans ses lectures vagabondes il y a souvent un écho de choses vues ou imaginées
Oui beau travail j'aime beaucoup Merci
oh merci Arlette, me remonte un peu le moral… suis perdue (enfin j'ai une veine injuste, suis un peu surclassée dans les vues) au milieu de gens qui pensent, qui écrivent vraiment ou qui le veulent, et mois on va sentir de plus en plus que sais pas très bien où ça va mon histoire…. le il non plus le sait pas d'ailleurs… j'essaie simplement de répondre aux thèmes (et pour le 7 : le lieu interdit, c'est assez rare sourire)
découvre des frères et soeurs en humilité, trouve que certains devrait être poussés.. suis cinq avec admiration, suis rebutée par trois ou quatre écritures dont un très très long (mis il y a surtout Pierre Ménard et Christine Jeanney, là c'est plaisir)
et ça me bouffe tout mon temps… alors en juillet vais pas pouvoir
J'ai relu avec grand plaisir! J'essaie de combler mon retard; il me reste deux textes à faire d'ici la prochaine salve!
aurai plaisir à découvrir (en fraternité)
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