Un nuage benin, et puis
d'autres légèrement plus sombres, glissant les uns sur les autres,
m'ont fait croire en début de matinée que peut-être la promesse de
pluie qui nous était faite depuis dimanche serait tenue ce mercredi
Mais au fil de mes pas
dans la ville les rayons jouant les spots sur des plantes ou des
détails se sont multipliés et le bleu a gagné (nous avons tout de
même eu une nuit légèrement plus fraîche et la température de
l'après-midi n'a pas dépassé les 33 et 34°.
Brigetoun s'est tout de
même un tantinet traînée, a repassé une jupe et trouvé cela
suffisant, promené un faubert mouillé et pensé basta, fait une
longue sieste délicieuse, tenté de tenir un petit peu dans ce qui
reste de soleil contre le mur de la cour jusqu'à se faire petit tas
de terre fondante... tenté un petit texte pour les cosaques
et recopié sa
contribution à la vidéo 28 de François Bon
(les pages
de tous les contributeurs se trouvent sous
http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article211)
Et puis, dans la ville, le
plaisir immédiat, et qui s'était accentué, les forces lui
revenant, de la marche, plaisir si longuement entravé, gêné depuis
une dizaine d'années dans la capitale, plaisir de la marche rêveuse,
distraite, pour le seul bonheur des muscles et de leur mouvement
freiné – l'amusement secret qu'il avait à esquisser de temps à
autre un pas de danse dont lui seul était conscient, le pied
lentement lancé un peu en dehors, l'autre glissant juste au dessus
du sol pour le rejoindre, les yeux frôlant, avec une fausse
indifférence qui était contact à distance, les pierres
ensoleillées et les taches d'ombre. Marche rêveuse et marche
gourmande aux yeux ouverts, effleurement du cadre mouvant au gré de
son avancée, rencontre soudaine d'une géométrie saisissante, d'une
éloquence, ou brusque remord – la tête retournée vers l'arrière
pour cueillir une sensation fugitive. Savourer la superposition de
pignons, le coude brusque d'une rue et le pan coupé empli par une
porte cochère discrètement opulente avec les sculptures grasses de
son bois fauve, un chef d'oeuvre de menuisier derrière un tas de
sacs à ordures transparents, la découpe d'un ciel bleu si intense
que sombre entre les façades qui filent en se rapprochant et un
petit nuage rond flottant au centre, dans le lointain, la bigarrure
d'une calade que ses yeux cueillent juste au moment où les plantes
de ses pieds dans des sandales épousent la rondeur irrégulière des
galets, une branche de figuier s'élançant miraculeusement vers la
rue en émergeant d'un mur au dessus d'une fenêtre, la perfection
simple des percements d'une façade et de celles, légèrement
différentes, qui suivent, un haut cactus en paille tressée dans une
vitrine et, en levant les yeux, deux aigles qui s'affrontent, bec
contre bec, sur un fronton. Et même quand la fatigue venait, quand
il trébuchait, le soutien de la présence, le frôlant, des murs
amicaux. Bien entendu, puisqu'il avait pris un travail à mi-temps,
en attendant sa retraite, il y avait la nécessité, parfois, pour
sortir des remparts, d'emprunter le scooter commun du cabinet, et la
vision moins précise, plus vive, des villas ou paquets d'immeubles,
mais si cela aurait pu représenter un changement, la nécessité de
ce déplacement effaçait tout le goût qu'il aurait pu y prendre,
gommait tout le paysage sauf les indications essentielles. D'ailleurs
ses trajets réguliers de piéton lui offraient toujours des aspects
variés, et puis il y avait encore tant d'endroits dans l'enclos de
la vieille ville où se cachaient des surprises ou le plaisir calme
d'avancer dans une neutralité ennuyeuse. Quant à la campagne, dont
il avait depuis longtemps oublié les jouissances qu'elle aurait pu
lui donner, il y avait les jardins, les images contemplées
paresseusement chez lui, ou la vision fouettée, griffée qu'il en
avait à travers les vitres plus ou moins propres des trains qu'il
prenait parfois, rarement, pour aller à la rencontre d'une des
petites villes des environs, retrouvant alors la vieille gare de ses
souvenirs adolescents.
5 commentaires:
Les nuages bénins sont tolérés par le ciel (mais ça pourrait changer)
Je préfèrerais "En scooter" (comme Nanni Moretti) à "En Marche"... :-)
Dominique; sourire
mais j'en suis dissuadée par, entre autres choses, les scooters garés devant ma porte(faute de trouver autre place) et la gène qu'ils représentent parfois
une banane dans le pot d'échappement #Punktoujours
la nouvelle prend belle allure, sera-t-elle publiée?
j'ai cherché la banane….
pas une nouvelle mais un atelier et je le publie ici (outre la publication générale sur tiers livre)
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