La première rose de 2019
s'étiole et va mourir, le mistral lui a retrouvé belle puissance,
les feuilles des platanes viennent se vautrer dans ma cour et la
force du souffle, malgré les obstacles posés devant ma
porte-fenêtre, joue à l'entrouvrir.
La quatrième proposition
de François Bon pour l'atelier d'hiver, belle et exigeante, m'a
donné, en me basant sur les cinq visions intérieures que j'avais
écrites pour la première, quatre paragraphes que ne veux mettre en
mots, ni réveiller, ou, à partir d'une autre, un petit rien
inconsistant – d'ailleurs la beauté des écritures avec lesquelles
je suis entrée dans la nuit vendredi, que ce soit, j'y reviens,
Daniel Bourrion
que j'ai vu ensuite,
bien ensuite, tous les dimanches ou quasiment, bras de chemises
roulés, cheveux plaqués en arrière à force de gomina, jouer aux
cartes dans la brume que faisaient leurs cigarettes au salon de la
maison dont la charpente est faite de béton comme presque toutes ici
parce que tout avait brûlé et que les bâtisseurs d'alors, les
hommes aux cartes bras de chemises cheveux lissés, s'étaient dit
qu'en béton, à la suivante de guerre, ça brûlerait sans doute
moins, les toits et puis le reste et qu'à faire comme ça, couler
là-haut des mètres et des mètres cube de ciment gras qu'il fallait
hisser à pleins seaux, ça serait comme une assurance contre les
hommes et puis leurs armes et puis le rabot des années...
ou
Marguerite Duras : Cette discrétion sublime des femmes qui a fait
que, je le crois – même si je n'en suis pas tout à fait sûre -,
l'enfant a été mis de l'autre côté de l'église, là où il n'y
avait encore aucune tombe. Là où encore il n'y a que sa tombe à
lui. À l'abri du vent fou. Elles ont pris le corps de l'enfant,
elles ont lavé le corps et elles l'ont posé à cet endroit là,
dans la tombe, celle de la dalle de granit clair... ces écritures
donc me persuadaient - plus encore parce qu'après la mort du
jeune aviateur anglais j'ai relu, avant de m'endormir, écrire
– que rien que de faiblard, maladroit, au mieux (qui est le
pire) banalement correct, ne méritant pas que quelqu'un perde son temps à le lire, ne pourrait venir de moi.
Alors
j'ai lu un peu du Monde Diplomatique, un texte de la Revue du Quart
Monde sur la fracture numérique et puis, deux minces livres de ma
pile
La grande maison à
gauche est la confiserie de Fuchs. Tout y est merveilleusement
décoré, partout des glaces, des fleurs, des figures en massepain,
des dorures, bref, l'élégance la plus exquise. Mais tout ce qu'on y
consomme est à la fois ce qu'il y a de plus mauvais et de plus cher
à Berlin...(Henrich Heine –
lettre de Berlin – traduction
de Laurent Margantin – éditions Oeuvres Ouvertes
http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article4040)
et,
Elle le suit, mais ici
il y a le tri... C'en est fini des vivants. On aperçoit les morts
qui marchent lentement, à peine guidés par le personnel en blouse
aux bifurcations des jardins. La jeune-femme ne pourrait pas passer
sans se faire remarquer. Il y a les quatre de l'accident de la route,
toujours en groupe soudé, elle se colle à eux : les morts ne
remarquent plus rien des vivants qui les entourent. Elle passe la
zone de tri, c'est comme sans doute une scène de guerre, ligne de
démarcation, passage d'un clandestin à la frontière (François
Bon – John Doe et autres récits avec mort –
tiers.livre éditeur
http://www.tierslivre.net/tiers_livre_editeur_francois_bon.html)
et
puis, mais là je n'ai lu qu'un poème, un des plus courts, parce que
ce petit livre reçu aujourd'hui, Île en
ailes, édité par
Jacques Flament http://www.jacquesflamenteditions.com/nouveautes/
qui regroupe certains des textes poétiques que Jean Diharsce publie
sur Facebook (suivez le si ne le faites déjà) et qui me sont entrée
dans le jour, je vais le lire avec parcimonie quand le besoin en sera
Il me revient le chaud
de cet été parfait, un soir de plénitude où les mots se noient,
un chemin dans les blés au bout d'un jour intense et l'odeur de
cheveux au creux d'un cou blotti. Un instant où plus rien ne
ressemble au connu, quand la pression des doigts invente la
rencontre, un baiser sur la bouche sidérant la chouette. C'était
hier, ailleurs, je me trouvais en toi, la lune souriait.
Et
pour finir j'ai regardé les gilets jaunes faire du tourisme sur les
quais rive gauche, en souvenir de mes détours pour rentrer à pied
du bureau les soirs d'été où je n'allais pas au
théâtre.
9 commentaires:
"…sidérant la chouette…la lune souriait." Ouf, que c'est beau !
n'est-ce pas ?
« Un soir de plénitude où les mots se noient... »
Très beau vraiment, merci pour cette découverte et bon dimanche chère Brigitte !
Belles lectures Merci ..suis en esprit vagabond y revienfrai
Marie-Christine, oui Jean Diharsce est un trésor,
Arlette la porte est ouverte (sourire)
Le "tourismes" est plutôt lacrymogène ces week-end-ci à Paris... :-)
Dominique, après... quand ils ont été bloqués ne pouvant continuer sur les quais vers l'assemblée qui était le but déclaré de la manifestation autorisée ni traverser et prendre le pont, avec d'autres issues que le boulevard Saint Germain... mais la petite foule jusque là coulait tranquillement le long de la Monnaie, de l'Institut, des galeries huppées
oui belles lectures et là-dessus je me fie à vous et vous suis. Et puis continuer d'écrire, non pas pour faire mieux ou moins bien que les autres, mais être à l'ouvrage, se tenir à l'ouvrage, c'est ce que je me dis à moi-même quand je me déçois et parce qu'aussi, rien n'exclut la possibilité de progresser ce qui est en soi très revigorant. Que la beauté des écritures vous porte comme vous le désirez...
merci Catherine
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