jour de petit vent bleu,
la lumière commence à descendre légèrement le long de mon mur,
est encore loin d'éclairer la cour, mais pendant un peu plus d'une
heure me fait un petit signe
matinée de maladresse et
d'activité persévérante, en un peu plus de trois heures je suis
venue, avec entêtement et à travers des minuscules gourances,
ébauches de catastrophe au bout d'une heure normale de tâches
domestiques
ai pensé bof en voyant
notée sur un de mes carnets une possibilité de spectacle en fin
d'après-midi, suis resté avec lectures, musique, des bribes de
l'assemblée et quelques vidéos (si ne l'avez pas lu – devriez...
d'autant que c'est un très joli petit livre – si ne l'avez
entendu sur le soundcloud que j'avais mis en lien lundi, une
dernière chance d'entrer dans le monde de la
langue de la girafe et de déguster ce que
Christine Jeanney, sorcière, fait de bribes de textes ou de moments
d'écoute, retissés ensemble)
et, comme je
suis d'une paresse confondante, je recopie un billet que les cosaques
des frontières http://lescosaquesdesfrontiers.com
et Jan Doets le grand cosaque ont publié
Les fenêtres
ouvertes
La maison
pleurait derrière sa façade mise à nue par l'hiver. Comme chaque
année, seules quelques fenêtres cernées de rameaux morts
regardaient le jour, leurs volets ouverts. Mais dans les yeux des
passants, ses pierres blanchies par le froid en faisaient cette année
le symbole du deuil, et rares étaient maintenant les visiteurs qui
suivaient l'allée pour sonner à sa porte. Un mois après la fin des
vacances d'hiver, après que se soient éteints les rires et disputes
des enfants qui l'animaient, on avait vu un corbillard suivre la
courbe de l'allée, s'arrêter devant le perron et une bonne partie
du village avait accompagné Jeanne Verdier vers la tombe familiale.
Le vieux
restait seul. Il avait refusé les invitations de ses filles avec une
bougonnerie souriante, et peu à peu s'était renfermé dans la
maison, n'ayant plus de lien avec le village que par les deux femmes,
la mère et la fille, qui se relayaient pour assurer le ménage, un
peu de cuisine et ne répondaient aux interrogations qu'en assurant
en quelques mots rapides qu'il semblait serein. Il passait ses jours
dans sa bibliothèque – elles disaient qu'il travaillait elles ne
savaient à quoi – y déjeunait sur un plateau et dînait dans la
cuisine, il marchait une heure chaque jour dans son grand jardin et
la campagne proche, saluant par leur nom, avec l'amabilité brève de
qui ne veut pas s'attarder, ceux qu'il croisait et rendait une visite
hebdomadaire à son fermier, les deux hommes attablés dans la salle
devant un verre de vin qu'ils ne buvaient qu'au moment de se quitter,
échangeant quelques paroles qui trouaient leur calme silence, il
s'intéressait à l'exploitation mais sans donner son avis et
refusait régulièrement de percevoir le loyer, demandant qu'il soit
consacré aux petits investissements que l'autre jugerait
nécessaires.
Avec le
printemps des bourgeons puis de tendres feuilles ont commencé à
animer la façade, les rayons de soleil ont réveillé les pierres,
la mère a cessé de venir, laissant la place et la liberté à sa
fille la Perrine dont la gaité de jeune-mariée a peu à peu,
d'autorité, rongé sans la faire disparaître la mélancolie de la
demeure, la teintant de quelques petits rires et des chansons qui
accompagnaient son travail.
Fin juin le
vieux a fait venir un peintre qui a rajeuni les menuiseries, on a
taillé un peu le manteau de feuilles qui s'épanouissait dans la
lumière, la fille a fait venir deux amies pour un grand ménage.
Et puis un jour
devant la façade tous volets ouverts, béante pour un accueil, les
voitures ont ramené filles et enfants, des petits pas ont peuplé de
leur course musicale les couloirs, avec quelques petites frictions
l'autorité de la Perrine a tenu à distance, juste la distance
nécessaire, les initiatives des trois soeurs, et lui chaque
après-midi, après une retraite matinale que tout le monde
respectait, dans son antre comme il disait, son bureau comme disaient
les filles, s'est fait le jouet, juste un peu fragile, de la petite
bande avec une tendre disponibilité qu'on ne lui avait jamais
connue.
6 commentaires:
Rêver devant une maison... il y en avait une semblable sur le chemin de l'école, je rêvais d'un roman à écrire
"Une dernière chance"... pour Christine Jeanney ? L'humour a des fenêtres ouvertes... :-)
Claudine, celle ci me fait rêver (le pire c'est qu'elle me fait rêver, mais j'ai transformé, à des vacances pré-ado et ado en ainée d'une ribambelle de cousins où je m'ennuyais fort)
Dominique j'espère bien (et JE SAIS) que ce n'est pas une dernière chance
Chronique d'un siècle n'existant plus malheureusement. Ce qui était autrefois une possibilité de vieillir relève maintenant du conte de Noël. Le vieux, de nos jours, on le fourre dans un ehpad. Rien que le mot, ça sent la moisissure et la mort bien triste. J'aime votre récit, comme une madeleine de Proust, savoir que cette belle façon de vieillir a existé à une époque.
Vous en supplie Godart ne me sapez pas le moral, l'âge de l'Epad me per au nez sauf que je veux pas et que c'est trop cher… mais je connais bien des vieux (à commencer par le reste de la smala) qui normalement devraient échapper à cela
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