commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, avril 22, 2019

Un faux souvenir dans le calme dimanche

puisqu'effort j'ai fait, passés les soins pour l'antre, de chercher des mots, en piètre succès, puisque plaisir me suis fait, en lisant, écoutant, puisque ne reste que blanc, reprends deux billets, évocation lointaine, qu'avaient publiés les cosaques des frontières http://lescosaquesdesfrontieres.com
Vincent était marin
Vincent était marin, depuis toujours pensait-il parfois, mais Vincent n'avait plus de bateau, parce qu'il était trop vieux pour cela disait la loi, ne trouvait plus d'embarquement, s'était persuadé qu'était venu pour lui le temps délicieux de partager dorénavant, durablement, infiniment, la vie de sa femme, la belle Blanche, et autant qu'elles le voudraient et permettraient la vie de ses filles. Il avait creusé sa place, Blanche lui avait installé un bureau dans la chambre de la plus jeune des filles, Marie, qu'il avait, quelques années plus tôt, accompagnée dans une église pleine de fleurs et de chapeaux vers un grand suédois et qui s'en était allée... Il faisait de longues promenades le long du littoral, il retrouvait des camarades qu'il jugeait terriblement chenus, il tentait de petites incursions dans les musiques et les livres qui étaient du goût de Blanche et de sa bande, il s'attardait près des barques au bout du port, il rêvait de pêches méditatives et allait se décider à s'offrir une barcasse, un pointu – ravi en outre d'assister s'il le pouvait à sa construction, comme chez un ami de son père autrefois – tant pis si sa femme préférait les sorties amicales sur le voilier de l'un ou l'autre de leurs amis. Mais un soir très doux la quiétude de leur tête à tête fut fracassée par un coup de téléphone, l'annonce de la mort de leur aînée dans un accident de voiture. Et de l'ami qui les prévenait, en réponse aux questions pratiques, presque immédiatement pratiques, que posait Blanche à voix étranglée, pendant qu'il pleurait doucement, en retrait, en attente, ils apprirent que Félix leur gendre était en congrès à Buenos Aires – pourquoi à Buenos Aires, il ne savait pas, ça n'avait pas d'importance, d'ailleurs il rentrait bien entendu, il avait trouvé une place sur un vol, il serait à Paris le lendemain matin, on l'attendait, oui Alexia était là, elle s'occupait des enfants, oui il l'appelait – Blanche a reniflé et puis – oh Alexia quelle chance que vous soyez encore là, pouvez-vous faire dîner les enfants, nous partons, dans une heure ou un peu moins, nous devrions être là dans – le regardant – dans un peu plus de trois heures, pouvez-vous... ah oui merci repassez moi Monsieur Isnard, tiens je vous embrasse Alexia... oui votre femme vous rejoint, vous nous attendez, merci, vous... et elle s'est mise à pleurer, il lui a pris l'appareil, il a remercié, raccroché. Alors ils se sont regardés comme des rescapés dans des ruines, ils se sont cramponnés l'un à l'autre un court instant et puis ils ont fait leurs valises et il les a refaites posément, sont partis. Et ce furent des jours pleins de peines, d'affairement, d'allers et venues dans l'appartement au bord du fleuve, de corps qui se croisaient en évitant de se heurter, de regards muets qui se détournaient, de mondanités aussi, prises avec le détachement attentif que l'on a pour ce qui vous est étranger et insipide, et quand ce fut fini un petit colloque entre leurs trois coquilles vides, la décision de Blanche de s'installer dans un petit appartement pas trop loin – parce que Félix vous ne pouvez pas vous occuper seuls de vos cinq enfants – et l'acceptation – il a vérifié, vaguement surpris, qu'elle était sincère – de Félix, deux jours de recherches, la trouvaille de deux pièces – mais c'est charmant a dit Blanche – à un quart d'heures de marche, la location. Et il est reparti, avec toujours cette impression d'être dans un rêve, un rêve qui se faisait doux-amer maintenant qu'il avait quelque chose à faire, s'occuper de leur déménagement...

Blanche, un peu perdue dans les premiers jours – satisfaite, disait-elle, d'avoir ainsi le temps de se consacrer complètement à ses petits-enfants, – se reconstitua, en quelques mois, grâce à ses anciens amis, un petit cercle, ce qui lui permit d'admettre, à la satisfaction muette des enfants, peut-être de leur père, et sans doute d'Alexia, la femme qui depuis des années régnait avec la collaboration de leur mère sur la vie de la maison, que son rôle pouvait se limiter à une présence proche et accueillante, un recours, à la supervision des devoirs du dernier, à des sorties cinéma ou théâtre, au prêt de livres et au déjeuner du dimanche. Vincent l'accompagnait aux concerts, aux quelques diners où ils étaient invités, guère ou pas du tout dans ses visites, passait, comme dans leur ancien appartement, la plus grande partie de ses journées dans une partie de la grande pièce où elle lui avait créé un domaine, tapissant deux murs en retour de rayonnages encadrant sa table bureau, et lorsque la certitude de son âge, de son exil loin de la mer se faisait trop pressant, il sortait sur la petite terrasse jetée vers la rue avec un élan arrondi comme une passerelle qui l'avait séduite dès sa première visite, lors de ses recherches d'un point de chute dans cette ville, et il restait là, sa pipe s'éteignant, ses yeux tentant de gommer les toits, la masse des platanes, le rempart qui lui masquait le fleuve proche. Et si le temps le permettait, était assez clément, ensoleillé, pour qu'il ne s'attire pas de reproches inquiets, il prenait sa canne et s'en allait à pas lents, suivait leur petite rue, franchissait la porte, traversait un pont – s'arrêtant au milieu, les deux mains fermement posées sur la rambarde, avec l'écartement précis qui lui semblait idéal pour se sentir posséder l'eau, ce courant vert et bleu qui s'en allait sous lui vers son monde – et s'en allait au long des routes, puis des chemins de la grande île qui s'étalait dans le lit du fleuve, face à la ville, allongeant son pas à travers cette campagne si proche et presque ignorée des citadins, suivant des murs de propriétés, le grillage d'une pépinière, des champs, souriant à une herbe rousse, à une petite anse qui se découvrait brusquement entre des buissons, s'arrêtant auprès d'étangs qui étaient restes d'anciens bras du fleuve, jusqu'à rejoindre un barrage, et il restait là, assis sur l'herbe pauvre, méditant. Et puis s'en revenait serein.

11 commentaires:

Brigetoun a dit…

je n'avais pas vu que la gauche du clavier était aussi crasseuse

casabotha a dit…

oh, j'adore votre commentaire de 12:04; ça fait plaisir de vous retrouver aux affaires !

Brigetoun a dit…

ben moi je crevais de honte (ai nettoyé)

Marie-Christine grimard a dit…

Ravie de vous lire de nouveau chère Brigitte !

Brigetoun a dit…

toujours contente après vous avoir lue Marie-Christine

Dominique Hasselmann a dit…

(les Mac blancs se salissent vite, il faudrait pouvoir les éplucher comme des pommes...)

Quand les Cosaques reviennent à la charge, cela fait toujours plaisir ! :-)

Brigetoun a dit…

Dominique merci en mon nom pour votre indulgence, et merci au nom des cosaques

arlette a dit…

Tiens ...on dirait mon bureau moins abimé que le mien (a beaucoup véc mon clavier était blanc et me sers d'un vieux noir ...moins salissant il est vrai Aime tes re re agréables à relire comme une première fois

Brigetoun a dit…

moins abîmé ? aurait grand besoin d'un passage chez un gainetier… (si ça s'appelle comme ça) et je me demande s'il n'est pas plus vieux - a un peu plus d'un siècle mon meuble hérité

Claudine a dit…

beaux textes à relire
pour avoir un clavier propre, j'ai changé d'ordinateur, mais la craie revient vite

Brigetoun a dit…

avec le mac on peut changer de clavier en gardant l'ordinateur… mais ma foi je tente de faire durer les deux