Donc les deux spectacles
de la seconde série de Vive le sujet, qui avaient pour point commun la
musique, et puis l'esprit, et auraient pu être (surtout le premier)
très jouissifs si je ne les avais accueillis – en tentant de me
protéger – avec nerfs en état sensible et petite migraine
lancinante
d'abord Pontonniers
pour
lesquels on distribue des bouchons d'oreille que j'ai dédaigné un
temps puis utilisés même si leur efficacité n'était pas très
grande,avec
les constructions que j'étais tentée d'aller voir, manier, d'Alexis
Forestier, à partir des objets qu'il accumule, agence, combine et
qui prennent place dans son
théâtre-machine musical qui scrute le réel et le restitue en
fragments, sa
voix qui dit par moment en osmose avec les musiques la sienne et
celle d'Annabelle Playe (compositrice et chanteuse, musique entre
electro, drone et noise – j'avoue mon ignorance de ces mots, mais
pas vraiment de la musique qu'ils désignent) des fragments de
Frédérique Duchêne, Alexis Forestier, Ernst Herbeck et Ingeborg
Bachmann... A travers mon inconfort très grand pensais que j'aurais
aimé (photo illégale prise en révolte à un moment où ledit
inconfort était très fort... m'a fait du bien)
Suivis
de Esplandor e dismorfia (photo
– Vera Mantero – de Christophe Raynaud de Lage) récital
hybride pour deux corps-paysages animés par la respiration. Un
aggloméré qui se détruit et s'amplifie, désastre et anti-désastre
dans lequel l'accélération, les mycètes et la chair subsistent.
Splendeurs invisibles. Hyper-futur et hyper-passé. Entre dysmorphie,
le soleil et la chair...
Je
découvre ce résumé et pense qu'il outre un peu notre compréhension
de spectateur, ceci dit aimé la danse un peu étrange du corps le
plus fin qui est le féminin, féminité qui transpirait à travers
l'enveloppe molletonnée qui est la même pour les deux corps (Vera
Mantero, chorégraphe et performeuse. Son
travail croise mouvement, texte, objet et voix – le
texte était constitué d'extraits de « paysage avec
Argonautes » de Heiner Müller) – la présence masculine
étant plus statique, borne prise dans la danse et dans sa musique
souple et douce (Jonathan Uliel Saldanha compositeur sonore et
scénique
Retour,
hésitation
et
puis me changer (aurais dû prendre le petit cardigan devant lequel
j'ai hésité mais ce n'était pas vraiment indispensable) et partir
vers les Carmes parce que pas au top mais grande envie du lieu, et de
découvrir ce que Maëlle Poesy et Kevin Keiss avaient tiré de
l'Enéide (ou du début de l'Enéide)
un
sale moment au début de l'espace aménagé à la naissance de la
rue Carnot, malaise, bousculade, un moment à moitié effondrée
contre un mur regardant passer l’indifférence, au mieux le coup
d'oeil dédaigneux, d'une bonne quinzaine de personnes, ma petite
détresse se muant en fureur, pas tant pour cela que pour ce que ça
disait de notre société (j'oubliais un peu vite les gestes de
gentillesse discrète souvent rencontrés) qui m'a retapée... avant
que me rétablisse totalement dans ma foi en l'humain la rencontre
rieuse de Chantal Raffanel et de trois de ses amis.
Plus
ma place sous ma gargouille au premier rang, mais une place près de
la circulation au quatrième rang et entourée de gens discret et
aimables... se carrer, attendre
Ils
ont choisi, disent-ils, l'Enéide parce que c'est un périple de
vaincus et cela commence (c'est ce que j'ai trouvé de plus fort tout
au long du spectacle) par un groupe dansant la mer, le rythme des
vagues, l'avancée contre, la violence et la régularité etc...
danse apparemment simple et très forte (photo Christophe Raynaud de Lage comme les suivantes)
s'ouvre
ensuite la chute de Troie (belles images d'incendie projetées, bel
éclairage qui tient d'ailleurs tout au long une grande place dans la
narration) mais, malgré la traduction et le talent des acteurs
notamment d’Énée (et ce qui améliore le texte en créant la
distance même si elle n'est pas vraiment sacrée : les dieux
parlent italien ou espagnol et introduisent une gaité jovialement
triviale) on sent, surtout à ce moment que Virgile n'est pas Homère,
et que son récit est un récit de courtisan, de propagande...(en
dînant j'ai recherché parce que le souvenir était encore frais ce
passage de l'enracinement de
Simone Weil – il faut dire qu'elle a une très merveilleuse
partialité pour les grecs – Ses vers sont
souvent délicieux à lire, mais malgré cela, pour lui et ses
pareils, il faudrait trouver un autre nom que celui de poète. La
poésie ne se vend pas. Dieu serait injuste si l'Enéide, ayant été
composée dans ces conditions valait l'Iliade (j'ajoute
et même l’Odyssée). Mais Dieu est juste.
Ceci
dit il y a une belle construction, des passages rapides, des retours,
tous ces moments dansés (ah le passage de Charybde et Scylla, avec
en outre le travail de la lumière) et puis il y a l'émotion qui
vient avec Didon.
Finalement
un beau spectacle puisque plaisir grand et petite contestation ou
réflexion même minuscule possible, à côté du thème central :
l'exil.
4 commentaires:
Le critère principal d'un bon spectacle n'est-il pas qu'en on arrive à faire abstraction totale de sa personne, soucis en berne, corps apaisé et enclenchement de la machine à rêves dans un lâcher prise. En vous lisant, on perçoit cette disponibilité prête à s'offrir.
"Mais Dieu est juste." j'ai bien ri
Je croise les doigts pour la suite <3
Godart je ne désire rien autant que d'aimer… surtout quand j'ai eu du mal à me décider (sourire)
Claudibe on ne rit pas toujours avec Simone Weill mais assez souvent finalement
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