commentaires

désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, août 06, 2019

Une reprise dans le vide de l'esprit

Avignon        la Provence écrasée        goûteuse et lasse        d'un matin d'été
Brigetoun       paresseuse        supprime cinq minutes de marche       rêve à une femme        pour le 5 de l'atelier du        tiers.livre        http://www.tierslivre.net/ateliers/
et reprends sa réponse au #1 une phrase, des sols
En sautant les parquets
Je me suis assise sous la branche qu’un arbre lançait vers la plaine sous le rocher, les jambes, vibrant encore de l’effort, étendues devant moi, les talons plantés dans le sol juste à la limite de la tache d’ombre, là où le soleil de juin commence à brûler la terre, à la décaper, à en détacher une fine couche de poussière qui nie l’idée de végétation, écho des pentes cabosseuses qui nous servaient de cour de récréation chez les nonnes de Toulon ne donnant force qu’à de hautes herbes sèches en partie basse et à un très vieux figuier rampant agrippé à mi-côte dont les figues blanches presque sèches à la rentrée de septembre étaient le privilège délicieux des élèves de terminale assises sur ses racines pour se raconter leur été, écho de la pinède qui se muait peu à peu en sable gris autour des blockhaus à Hyères, ce sable sale que la résine et le sel collaient à mes jambes autour du ou des furoncles renaissants que ma mère brûlait le soir, écho de la terre meule à la limite de l’abri du gigantesque tilleul de Solliès, juste avant les rangées de tomates ou de salades, là où, les derniers graviers s’enfonçant dans mes cuisses, penchée sur leur affairement, je m’appliquais à entraver le cheminement des fourmis chargées de minuscules provisions avant de galoper avec les autres, appelés vers la rigole longeant le jardin pour assister au moment où, parce que c’était notre heure, notre vieil ami libérait l’eau – et nous le suivions au long des petits canaux pour avoir le droit de soulever les petits barrages métalliques, d’admirer l’éveil de la terre qui buvait sa ration de vie liquide – juste avant que nous repartions sur les dalles de terre cuite de l’allée, entre les rangées de buis vers le goûter, laissant nos sandales au seuil de la porte pour entrer, en refoulant les lanières du rideau, dans l’odeur de cire, de miel, de pommes murissantes, les pieds nus sur les carreaux blancs et verts qui, par delà les tomettes auxquelles nous étions habitués, nos tomettes un peu trop neuves dont les couleurs trop proches ne chantaient qu’en mineur l’harmonieux camaïeu, me rappelaient – les autres étaient trop petits ou je le pensais – les carreaux juste un peu plus raffinés de la maison de La Pérouse – je n’ai appris qu’il y a quelques années le beau nom berbère oublié pendant un siècle, Tamentfoust, de ce petit port et son antiquité – avec leur bordure d’acanthes vertes et bleues inspirée de la céramique ancienne remontée autour de la fontaine dans la cour, entre le jardin de terre battue et la villa sur la mer au dessus du hangar à bateau qui s’ouvrait sur le sable fin de la plage, juste après les restes d’une petite jetée sur les pierres glissantes de laquelle nous allions, couteau en main, décoller ces délicieuses anémones de mer que nous regarderions ensuite se réduire dans la poêle, condensant en une toute petite purée de saveurs le contenu du grand seau remonté par le petit sentier qui la prolongeait, la porte de bois peinte en vert à mi-hauteur, avant la rue de terre battue séparant la rangée de maisons bourgeoises de la petite ferme aux oies caqueteuses qui me terrorisaient, la rue pleine d’ornières sur lesquelles cahotait la traction de mon oncle où nous nous entassions pour aller à la ferme près de l’embouchure du Hamiz, les premiers coquelicots dont je me souvienne, entre les roseaux, la grande cour de terre entourée de bâtisses basses qui ne doit plus exister maintenant – la zone semble lotie, incluse dans la banlieue balnéaire d’Alger – dont je me souviens fort mal ou pas du tout, plaquant sur ce mot de ferme des images venues de toutes les vacances en Haute-Savoie ou en Auvergne en un mélange un peu flou mais à peu près homogène malgré les différences de paysages et de terroirs d’où ne se détachent que, plus récentes, les longues bâtisses basses en pierres des petites exploitations éparpillées au bord des chemins creux du hameau autour de la maison des courtes années heureuses en Limousin, au temps de ma découverte tardive de la sensualité des terres riches, de l’humus, des forêts humides, la maison aux dalles de pierre usées, aux cheminées profondes, avec sa porte surmontée d’un bandeau où était sculpté «chabatz d’entrar» et le fer fixé dans la maçonnerie pour nettoyer chaussures et bottes et… J’ai pris soudain conscience du soleil qui atteignait maintenant mes avant bras, mes mains appuyées sur la pierre de mon banc, et j’ai réalisé que madame ma fantaisie flânant derrière mes petites puis grasses jambes d’adolescente s’était tant attardée que les sols de ma vraie vie, ou ma vie d’adulte, ma vie en propre, sols du nord, planchers raboteux, planchers bien sages, jouissance des parquets des musées ou monuments, horreurs des minces parquets dits mosaïqués posés sur les sols chauffants des appartements bourgeois des années 60 ou 70, macadam – et les pavés qui sont apparus lorsque il y a si longtemps on l’a attaqué ou fait brûler – allées sages du Père Lachaise, trottoirs divers, quais de bord de Seine et quais du métro, et la navrance des couloirs suivis à la Défense pour attraper un bus vers Bougival, avec les flaques quand leur plafond pleurait pour m’accompagner vers la chambre où mon père avait décidé qu’il avait suffisamment vécu, la terre du jardin du Palais Royal, les allées de Saint Germain, et puis les monts d’Ambazac avant le plaisir visuel des calades où me tordre les chevilles… mais comme il était trop tard suis sortie du jardin, descendant vers les dalles blanches de la place du palais.




8 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

carrelage au soleil comme une surface liquide en miroir... :-)

Brigetoun a dit…

à en avoir peur de glisser (sourire)

jeandler a dit…

Une phrase proustienne où se glisse bien de la nostalgie...

Brigetoun a dit…

un très grand merci Pierre de m'avoir fait l'honneur d'une lecture patiente

Claudine a dit…

la phrase recommencée sur ce parcours revu plaisir répété

Godart a dit…

Fluidité des paysages, des sentiments, des sensations méditerranéennes et cette capacité extraordinaire de la mémoire à remonter le temps. Les retours en arrière sont toujours beaux car débarrassés de l'angoisse existentielle de l'instant présent.

Brigetoun a dit…

Claudine, vous admire d'avoir refait le parcours

Brigetoun a dit…

Godart et puis ils donnent la possibilité à soixante cinq ans de distance ou plus de re-créer les détails oubliés à partir de la brume d'une sensation presque oubliée