Dans la lignée des « vases communicants », ce numéro un de « Va-et-vient » concocté par Dominique Hasselmann reprend le même schéma de communication : un échange entre personnes qui écrivent un texte (avec ou sans illustration) sur le blog d'un autre.
Ce jeu littéraire paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème de ce premier échange est « l'heure attendue ».
Dans ce premier numéro j'ai le plaisir d'accueillir sur Paumée Dominique Autrou qui me reçoit chez lui sur pendant que Dominique Hasselmann publie Amélie Gressier, qui accueille chez elle Marlen Sauvage, qui reçoit à son tour Dominique Hasselmann.
Les contributions (à adresser avant la date fatidique) pour le numéro de de « Va-et-vient » seront publiées le vendredi 7 avril, avec pour thème : « Ce drôle d'effet ».
A vos claviers et merci de nous prévenir avant le 20 mars pour que l'ordre des contributions puisse être organisé.
Sortir de sa position de guetteur derrière les trois ou quatre touffes de cinéraire posées sur l’appui de fenêtre, s’extirper de son livre ; ce livre, plus humain que bien du monde, ne bougera pas d’ici et sa vérité se manifestera plus tard ; enfiler bottes et coiffer bonnet, tenir debout jusqu'au milieu du jardin et se faufiler entre les noisetiers dans la trouée du fond qui communique avec la pâture, jouer du bâton pour écarter les ronces, longer la haie qui descend vers le nord, vers la rivière, vers la ville dont on aperçoit les tours de la cathédrale, un fouillis longiligne de maisons anciennes et plus récentes, l'antenne-relais 4G en surplomb du parking des abattoirs et de la laiterie abandonnée, elle nous nourrit de ses ondes, tout cela sans un bruit si ce n’est celui des machines agricoles et celui des chiens. Il fait froid. Le paquet de mouchoirs en papier est resté sur la table de la cuisine.
L'endroit fait un peu plus d'un hectare, autrement dit tout un univers. Treize génisses maigrelettes y règnent paisiblement en attendant l’engraissement. Elles viennent se faire caresser et se montent dessus de temps à autre, s’agitant folâtres pour s'amuser sans penser à mâle. Celui-ci viendra peut-être plus tard sous forme de paillettes congelées dans les mains gantées du vétérinaire.
Les monticules éjectés par les mulots, les taupes et les blaireaux forment une houle compacte hérissée au pied du talus. Dans le thalweg on y perçoit le maelström. Ici, une grotte minuscule dessine le sillage d'animaux au train déterminé et pourtant non identifiables. Des plantes, des herbes inconnues sont foulées au pied ou regardées à mi hauteur de la haie plantée. On aimerait les nommer à la manière d'Elli Kronauer, personnage du si marquant Terminus Radieux d'Antoine Volodine. Il les avait apprises de son amoureuse assassinée Irina Etchenguyen et se les récite lorsque le besoin s’en fait sentir : la mauvegarde, la chougda, la marche-sept-lieues, l’épernielle. La vieille-captive, la saquebrille, la lucemingotte, la vite-saignée, la saintevaliyane, la valiyane-bec-de lièvre. La sottefraise, l’iglitsa, l’odilie-des-foins, la grande-odilie, la chauvegrille, la calvegrillette. La caracolaire-des-ruines, etc. Il y en a plein d’autres, on pourrait les citer, mais les lire dans le texte est plus approprié. Le temps file et nous sommes encore en vie sans l’avoir radicalement transformée, mais de telles rencontres justifiaient le voyage.
Jusqu’alors j’ignorais le fonctionnement de la tronçonneuse, outil qui dans mon imaginaire restait lié à un genre de cinéma, ou à certains documentaires télévisés vus les nuits d’insomnies sur des chaînes hypnotiques. On apprend ça sur le tas, ce n’est pas très compliqué mais il faut être attentif et curieux, comme lorsqu’on enrichit son vocabulaire pour passer dans la classe supérieure. Je ne suis pas doué mais j’aime ça, j’aime les frisettes de copeau qui tombent en boucles comme chez la coiffeuse. J’y travaille et je continue d’aimer ça, les machines me plaisent, on les manie avec soin et concentration sans penser à autre chose, comme lorsqu’on s’adonne à la vraie paresse. On reconnaît leur son au loin l’hiver à l’orée des forêts. Ce pourrait être aussi la douceur d’un avion de tourisme qui traverse lentement le bleu du ciel un après-midi d’été à la plage.
Les bouleaux et les frênes abattus lors de la dernière tempête et pas encore débités par les bûcherons, ces grands arbres surpris dans leur sommeil reprennent joie par la clarté des boules de gui et la vigueur des lianes qui demeurent et persistent entre les branches étendues. Des liens nouveaux se tissent. Des êtres légendaires s’immiscent au réel. Ne jamais s’en lasser, il faudrait.
Et puis il en reste un debout, solide mâture impeccablement gréée.
À l’heure attendue on entendrait un mot sublime et secourable : « Appareillons ! »
texte et photos : Dominique Autrou
pour ma participation https://ladistanceaupersonnage.fr/va-et-vient-n-1-avec-brigitte-celerier-lheure-attendue/
12 commentaires:
si fière de Paumée ce matin, Dominique !
merci beaucoup pour ce beau texte si bien accompagné, cela ressemble aux paysages qui me sont familiers.
merci beaucoup pour tous ces beaux partages
ceci dit je n'ai pas réussi à trouver votre participation
Et moi donc, Brigitte ! :-)
Maria, sur https://ladistanceaupersonnage.fr/va-et-vient-n-1-avec-brigitte-celerier-lheure-attendue/
plaisir de votre grade courtoisie Dominiqur
C’est ici : https://ladistanceaupersonnage.fr/va-et-vient-n-1-avec-brigitte-celerier-lheure-attendue/
Si je ne fais de bêtises
(et merci)
merci Dominique, l'ai mis en fin. de billet
bonne journée à vous (vais être forfait le mois prochain malheureuseent.. un court voyage sans connexion)
La sottefraise... parmi d'autres inconnues est une belle découverte : le jardinage littéraire embaume alors ici ! ;-)
oui quel joli nom (aucune idée de ce que c'est)
J'ai aimé à me paumer dans des noms de plantes qui font images ! Merci Dominique
On en retrouve au fil du récit, c’est fascinant et… amusant. Merci !
et c'est une délicieuse leçon (seulement avec ma fichue mémoire la prochaine fois ce sera nouvelle découverte)
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