Un écho

 

Mes reins et mes jambes dûment massés après l'opération pigeons (étaient en forme ce matin) et l'opération aspirateur, gélules de vigne rouge et de cassis avalées, m'en suis allée matin, et comme j'avais une vague idée en tête, idiote mais à laquelle j'avais presque décidé de céder, je cherchais des croix. Celle de l'Oratoire était haut-perchée et masquée

celles de Saint-Charles et du Musée Lapidaire étaient en évidence sur le bleu ardent mais haut-perchées également (bon, je le savais)

ai renoncé, et courses faites m'en suis revenu dans l'antre.

Mais dans l'après-midi après un coup d'oeil au tas à repasser auquel je venais d'ajouter un pyjama et un torchon, ai sorti de mon sac le petit carnet sur lequel j'avais ébauché, l'avant-dernier dimanche, au petit-matin, assise devant ma tente dans la garrigue j'avais, tout en n'étant pas certaine de m'être inscrite, commencé en attendant que des silhouettes émergent et circulent dans notre terrain, un texte répondant au thème du va-et-vient d'octobre, ai grimacé, l'ai trouvé idiot, et puis zut l'ai retapé un peu et le pose ici en faible écho aux textes de Marie-Christine Grimard chez Dominique Hasselmann https://hadominique75.wordpress.com/2023/10/06/va-et-vient-numero-6-une-croix-au-sol-par-marie-christine-grimard/, de Dominique Hasselmann chez Marie-Christine-Grimard https://mariechristinegrimard.wordpress.com/2023/10/06/va-et-vient-numero-6-une-croix-dans-le-sol/, de Jérôme Decoux chez Amélie Gressier https://plumedanslamain.wordpress.com/2023/10/06/va-et-vient-06-une-croix-au-sol-par-jerome-decoux/ et d'Amélie Gressier chez Jérôme Decoux https://carnetsparesseux.wordpress.com/2023/10/06/va-et-vient-numero-6-une-croix-au-sol-par-amelie-gressier/ sous le même titre « une croix au sol (qu'ils me le pardonnent)

Il a franchi à grand pas l'espace herbu et s'est arrêté en atteignant l'endroit où elle était plantée, calée par de grosses pierres. Il a tracé une longue rigole dans la terre, a fait trois grand pas pour vérifier sa taille, est redescendu de deux pas, a tracé une rigole perpendiculaire. Il s'est levé, a choisi et cueilli des feuilles sur les arbustes qui bornaient le terrain, il les a soigneusement déposées dans les rigoles pour les emplir, ne laissant libre qu'une infime partie de leur profondeur. Il s'est assis à côté de leur intersection. Il a attendu en tâtant le sol, a ramassé deux rameaux qui plaisaient à sa main. Il a attendu en regardant presqu'à l'assoupissement le lent déplacement de la tache de lumière qui grossissait depuis la bordure du terrain. Il a attendu en espérant que le soleil ne lui fasse pas défaut, ne l'oblige pas à imaginer un autre rite ou à se contraindre à une indifférence manifeste. Il a attendu en croisant les deux rameaux, en les liant avec une herbe bien serrée puis une seconde, puis une troisième, jusqu'à être certain de la solidité de leur assemblage. Il a attendu en sortant de son sac un canif et griffant la terre, en l'humidifiant avec un peu d'eau de sa gourde, en la griffant, en malaxant comme distraitement ce qu'il avait pu prélever. Il a attendu, tête renversée, en fermant ses paupières pour offrir son visage plus nu au soleil. La brise caressait sa peau, il a rouvert les yeux pour regarder l'ombre, les a refermés, rouverts. Il a attendu que le soleil projette exactement sur la croix de feuilles l'ombre de la croix plantée dans le sol, le deuil planté en lui, la croix qui le figeait à ce jour qu'il se refusait à laisser sombrer dans la tranquille indifférence du temps, qu'il abominait tout en ne pouvant laisser les jours effacer son importance, sauf à inventer un rite et à attendre cœur battant qu'il s'accomplisse et lui rende la liberté d'un souvenir adouci comme une petite caresse.