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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mardi, juin 04, 2024

Un lapin, une rencontre, la fin de l’histoire et un poème



M’en suis allée contre mistral adolescent ou du moins vent dans la face, avec ciel de violettes et douceur de l’air sur la peau quand le vent faiblissait, vers l’avenue de la Trillade et mon rendez-vous avec M le nouveau, à pas lents parce qu’étais en avance…




Mais comme une charmante jeune enseignante ou presque l’avait pris en charge deux heures plus tôt et qu’il préférait continuer avec elle (je décide de m’abstenir à l’avenir) me suis bornée à discuter un peu avec les bénévoles responsables d’une éventuelle action, d’apprendre que c'est sans doute différé




et de revenir me reposer (carcasse reprend virage faiblesse et a mal réagi à la petite colère intérieure derrière mon sourire) 



avant de repartir une heure plus tard pour, plus proche et cette fois quasiment certain, mon rendez-vous reporté avec M1 mon faux petit-fils, qui était bien là cette fois, dûment reposé, qui se laisse un peu pousser les cheveux ce qui lui va très bien et m’a donné de bons conseils (enfin en gros) selon sa bonne habitude.




Puisque j’ai commencé je recopie la fin de mon #4 de la boucle 2 de l’atelier de François Bon













La guerre est passée, ses deuxième et troisième fils se sont mariés en France avant cette longue période où le voyage n’était plus possible,  la paix est revenue depuis près de trois ans et son époux vient de mourir avec l’arrivée de l’automne. Elle ne vient plus que rarement, pour saluer l’arrivée et le coucher de la lumière, sur le balcon. On ne la voit plus guère qu’aux repas, où lorsque l’une de ses soeurs ou parfois, parmi les amis de la famille l’un ou l’autre de ceux qu’elle préfère ou qui sont jugés importants, sont « en visite », tasse de thé ou un verre de vin d’orange en main, au salon. Sa belle-fille l’approvisionne de livres « des journaux, des récits ou mémoires surtout Juliette, je vous fais confiance » empruntés à la bibliothèque et tout le monde sait, s’en amuse, qu’elle entasse dans un tiroir de sa commode les cahiers que lui procure l’ainée des petites-filles.


La seconde de ses petites-filles, Fabienne, la charmeuse a eu un temps le droit de lire parfois ce qu’elle écrivait qui était chronique malicieuse de la vie familiale ou petites remarques peinées ou ironiques sur ce qu’elle apprenait, comprenait, de la vie de la ville, de l’Algérie, du monde, mais avec le temps l’écriture de ces cahiers  est devenue secrète.  Dans le bouleversement du monde qu’elle perçoit ces années là, elle se débat avec l’âge qu’elle rend responsable de son incompréhension, son effarement devant l’écroulement de l’univers qui entourait son petit îlot, ces combats nouveaux, ce qui n’est pas une guerre mais teinte d’une inquiétude | cette rumeur,  ces  nouvelles qu’elle n’apprend que lorsque le hasard déchire le silence observé en sa présence par les adultes, les aînés | la vie de la famille, de la rue, des amis… mais elle devine que les certitudes dans lesquelles elle a vécu sont en train de s’effacer et peu à peu en vient à les nier ce qu’elle, à son tour, ne veux laisser deviner, tout comme elle a la pudeur de ne pas  s’accorder le risque de montrer l’intensité de sa tendresse pour eux, ceux qu’elle appelle en elle-même les siens, la peine qu’elle a de leur désarroi. Alors, dans son domaine, sa chambre qui sent les médicaments et la violette, elle note, note, note, et enfonce les nouveaux cahiers sous les autres dans l’espoir qu’elle sait illusoire qu’ils ne seront pas ouverts mais avec le désir de les garder.


Elle a quatre-vingt-douze ans, elle ne note plus rien ou rarement, elle est trop lasse, trop usée pour cela, elle doit être aidée pour tout par sa bru, elle est si navrée de lui imposer cela qu’elle se rebelle parfois contre son sourire immuable et la douceur de sa voix qui recommande, qui finit par commander. Fabienne est venue il y a plusieurs mois lui faire ses adieux, elle partait avec son mari nommé dans le sud de la France. L’ainée est à Paris depuis plusieurs années. Ne restent plus dans l’appartement qu’elle et les parents. Il y a ce jour où la ville bruisse d’une excitation qui parvient jusqu’elle. Il y a brièvement le bruit d’une dispute entre son fils et son petit-fils venu le voir ce matin. Elle ouvre la porte de sa chambre, elle les entend tous les trois discuter dans le salon, elle prend sa canne, elle se glisse furtive pour ne pas être vue, elle ouvre et ferme sans bruit la porte d’entrée, elle descend très lentement un étage avec la peur de tomber, elle appelle l’ascenseur qui monte en brinquebalant, elle est dans la rue, elle la descend à petits pas jusqu’au boulevard, la clameur qui en vient. Elle se retrouve effarée dans la foule joyeuse. Elle avance, petite et frêle tache sombre au milieu de l’effervescence, perdue, inquiète et souriante. Une vieille main prend la sienne, elle lève les yeux vers un regard tendre au dessus du petit triangle brodé qui couvre le bas d’un visage, elle balbutie, comme pour elle-même « qu’est-ce ?.. » et puis se retourne vers celui qui lui a pris l’épaule, qui dit « je la connais » et le mari de Mina, la fidèle, la guide doucement, la ramène, affolée, en ponctuant leurs marche de petites interjections tranquillisantes jusqu’à la rue, l’appartement où on vient de constater sa disparition, la livre aux embrassades et reproches par lesquels se dénouent leur effroi ahuri. Un peu plus tard, allongée sur son lit dans la pénombre de la chambre aux volets fermés, elle touche la main de sa bru posée, douce, sur son front au dessus des yeux, la tire un peu et au visage qui s’approche elle murmure « Juliette promettez moi, mes sottises, vous savez les cahiers, détruisez les, vous saurez comment le faire vous, et jurez moi de ne pas lire ». Juliette a promis, tout le monde   a pensé qu’elle avait  tenu sa promesse. Cependant un peu plus de dix ans plus tard, lorsqu’avec son mari il se sont décidé à s’arracher à l’appartement, à traverser la mer et rejoindre leurs enfants en France, feuilletant un album de photos avec une de ses nièces dans le jardin de leur villa près de Toulon, il y eu ces phrases, dites presque distraitement : « ta grand-mère écrivait bien, du moins elle racontait bien parce que dans ses dernières années son écriture, le tracé de ses lettres était devenue totalement illisible ce qui ne l’empêchait pas de continuer ».



Et, au risque de dépasser toute limite de patience, ne peux résister à l’envie d’ajouter les deux premières (soyons raisonnables) strophes d’un poème de Guillaume d’Aquitaine, le noble comte de Poitiers


Ferai un vers de pur néant :
Non point sur moi ni d’autres gens,
Non plus d’amour, ni de serment,
Ni dicts féaux ;
je l’ai composé en dormant
Sur un cheval.

Sous quelle étoile suis-je né :
Je ne suis gai ni attristé
Ni revêche ni familier,
je n’en puis au ;
Une fée de nuit m’a doué,
Sur un puy haut.

7 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Ombre et soleil : j'aime particulièrement la dernière photo. Les rues d'Avignon, comme la porte ouverte (malgré tout) à l'imaginaire…

Entendu ce matin le directeur du festival sur France Inter…:-)

Brigetoun a dit…

et un coin que j"aime spécialelent - bonne journée Dominique

Anonyme a dit…

Désolée pour tes lapins vagabonds ..je lâche également beaucoup de choses et persiste pourtant
Ton escalier plongeant est impressionnant

Anonyme a dit…

C'est moi AA..anonyme

Brigetoun a dit…

merci Arlette - oui ! iet il est rude à monter aussi l'escalier aux marches étroites sur lesquelles je pose mes petits pieds en biais (j'ai eu de la chance le jour où l'ai descendu à plat dos et le crâne en premier de m'en tirer avec une clavicule cassée)

DOMINIQUE AUTROU a dit…

Le visage de « la femme en noir » est pensif, comme ceux des platanes.
Les platanes, aussi, quels poèmes ! Un banc pour les regarder.

Brigetoun a dit…

Dominique, mais ici sur des places (et certainement en d'autres villes, cela semble être une mode, pas laide d'ailleurs) les platanes sont entourés d'un banc circulaire pour qu'on regarde depuis eux en leur tournant le dos