jouissance de la terre - et deux photos sans rapport avec rien, parce qu'elles étaient là et en souvenir d'une promenade avec le très jeune artiste toulonnais.
J'avais loupé la performance de Barcelo et Nadj, Paso doble, à la fin de laquelle le premier sculpte la terre dont il a couvert le second. Une vidéo a été faite par une maison de production au joli nom les Poissons Volants, et elle est projetée à l'hôtel de Forbin la Barben, à des heures précises, détail que je n'avais pas remarqué mais, grâce à un sourire navré, j'ai eu droit à une séance rien que pour moi.
Plan large sur une paroi de terre vaguement bosselée, du blanc au jaune selon les éclairages, posé sur un sol du roux au beige rose, dont je n'avais pas remarqué au début qu'il s'agissait aussi de terre.
On s'approche de cette terre qui palpite comme la peau d'un gros saurien (image qui m'est venue et qui ne correspond pas à grand chose, qui a vu une peau de saurien palpiter ?) - plus près : les traces de grands talochages et toujours ces excroissances devenues gorge de batracien en attente.
Des manches d'outil percent la paroi, puis des mains qui malaxent la terre, l'arrachent, la rabattent par gros festons.
Les deux hommes, vêtus de larges complets noirs sur lesquels la terre permettra de beaux effets de gamins dissipés, apparaissent et se mettent à creuser le sol - la matière déchirée qui apparaît avec les trous qu'ils y font pour extraire des amas, les plaques découpées et redressées comme des écailles verticales, ressemble à un chocolat au lait presque fondu.
Ils attaquent ensuite la paroi, à grands coups de pelles, ou avec les mains, ou parfois avec les pieds, la malaxent, l'enfoncent, la strient, Nadj avec un acharnement dansé, brutal et radieux, Barcelo, concentré, condensé, non moins violent mais plus organisé. etc..
Et je jubilais, jalouse de ne pouvoir malaxer ce matériau inouï. En même temps, c'est passablement violent.
D'autres vidéos, à voir debout en circulant de salles en salles, les plus fascinantes étant le travail de Catherine Sullivan avec ces vues séparées ou superposées, en couleur ou en noir et blanc, de ses acteurs qu'elle filme mimant, à plusieurs ou seuls, en costumes actuels puis, ou sur la même image, en costumes anciens, gestes calqués d'une interprétation à l'autre, divers sentiments, situations, avec un jeu extrêmement outré. Il y en a des heures, se répondant d'une salle à l'autre, et j'étais scotchée.
Je suis tout de même rentrée par la rue de la République et la place de l'Horloge que les Avignonnais, venus de l'intra ou de l'extra muros, se réapproprient le samedi après midi.
Nous avons passé la journée sous un haut et grand nuage d'un gris très clair.