Jour de pluie, rendez-vous à l'hôpital, extra muros, près du confluent avec la Durance, pour examiner les veines d'une jambe (idée fixe des toubibs, à cause de mon amour du tabac et du manque de réaction de ladite jambe pour une raison inconnue : arthrose ?) – perplexité énervée quant à la durée de l'attente et du trajet en autobus, au départ de la grande poste, au bout d'une bonne petite trotte, carcasse geignarde et pluie bien installée... j'ai cédé et pris un taxi. Une demi-heure d'attentes et formalités (avec photos tue-temps) et un toubib niant gentiment mon âge et constatant que mes veines sont aussi bonnes que possible à leur âge (autres examens à envisager mais plus tard).
J'intercale entre les dites photos des bribes prélevées jeudi soir dans ma lecture de poètes grecs, pendant que se déroulait le plaidoyer, l'apocalypse mêlée de conte doré, à la télévision – sélection fortement teintée, quitte à forcer les choses, par ma rage devant le suicide de l'Europe, et le refus du dédain affiché devant les peuples, et spécialement celui-là
Picoré dans le recueil « douze jeunes poètes » choisis et traduits par Michel Volkovitch http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503755/douze-jeunes-poètes
« La nuit,
rythmes tranquilles
et de nouveau gens en colère
et bouillonnement. » Marigo Alexopoùlou
« Autoroute vers Lamìa
4h48 avant le jour
Heure de la moyenne des suicides
dans notre monde psychique » Vassìlis Amanatìdis
« « Étrange », répétais-tu à haute voix toute la nuit, entendant passer les ambulances, « étrange,
comment a-t-il pu grimper, ce taureau, sur les remparts d’en face ? » Dimìtris Angelis
et, dans « malades aux larges ailes »de Mìltos Sakhtoùris http://www.publie.net/fr/ebook/9782814500709
« un homme
cherche
dans les rues
ramassant des morceaux
de papier
des paquets de cigarettes
…....
et moi
le cœur lourd
avec eux
en des temps difficiles
anéanti
j’éclate en une mort blanche
pleine de sang »
ou
« Les filles déchirées comme du carton
des marques de soufre dans la tête
de l‘herbe en colère dans la bouche
cassant la tasse du ciel
des larmes tendues dans les yeux
épingles noires toutes neuves
quand chantera la couleur des oiseaux ?
quand les papillons frapperont-ils les couteaux ?
quand aux soleils pousseront d’autres mains
et le sommeil les videra de tout ce noir »
retour à travers l'autre Avignon, dans un autobus qui chargeait, se vidait, m'apprenait un peu de la vie de ces quartiers, jusqu'à la Cité Administrative, et marche humide,
en saluant les teintes du jardin sous la pluie, en faisant du lèche-vitrines sans risque rue Joseph Vernet.
Journée un peu dolente, menues occupations, petites plongées, accompagnées d'un thé au mélange de fleurs, dans l'anthologie « les poètes de la Méditerranée » de Poésie/Gallimard, qui s'ouvre sur la Grèce avec les poètes (les plus nombreux de ce tour de notre mer) choisis encore par Michel Volkovitch, comme
Stratis Pascalis :
« La lumière est aux aguets partout
Cachée dans les veines du vent.
Au fond des yeux de l'aube l'ancienne prisonnière
Dans les sentiers rudes et obscurs de la mer
Ou le crépuscule des cyprès qui seuls additionnent les morts
Et mieux que personne résistent au déchirement de l'éclat
Dans les cloîtres des confins. »
ou Kiki Dimoula :
« Une heure caïque
tirant ses filets remonte
une visibilité vivante frétillante :
le bleu saute sur les vagues
en col blanc,
sur la petite église du village le sel ruisselle,
coupoles écaillées de tuiles,
tirelires pleines de Dieu. »
Puis le soir est venu, ai mis robe coton noir et soyeux, petit blouson de soie absinthe et un manteau, ai pris calmant, et m'en suis allée à l'Opéra écouter Patrizia Ciofi chanter, accompagnée par l'orchestre sous la direction de Luciano Acocella.
avec malheureusement beaucoup de Donizetti (mais j'ai commencé à y prendre goût)
Orchestre, Luciano Acocella, italianissime comme quand se font charmants et légèrement grisonnants.
Donizetti, donc, l'ouverture de Don Pasquale, géométrie enjouée et violons tenus
Arrivée de Patrizia Ciofi, chignon avec une pleureuse tombant sur l'épaule, bustier noir, jupe noire drapée, très colonne - et Donizetti – Don Pascuale – le très joli récitatif « quei guardo il cavaliere », voix qui garde dans l'aigu ce qu'il faut de grave sous-jacent pour donner rondeur, la rendre fruitée, et puis l'aria, superbement chanté, mais avec comme souvent un peu trop de vocalises criées pour mon goût, « so anch'io la vertu magica »
Retour à l'orchestre seul pour Verdi, l'ouverture de la Traviata, que, curieusement, j'ai trouvée relativement mal jouée, un rien mélasse (était-ce moi?)
et une entrée en scène par le côté de la chanteuse, attitude et voix recueillie, réservée, pour une très belle interprétation d'un air de Rigoletto « Caro nome che il moi cor.. » - musique à se pâmer, même dans la virtuosité finale.
Donizetti, à nouveau, l'ouverture de Roberto Devereux puis un air de Maria Stuarda « oh nube ! Che lieve per l'aria... » la ligne fermement sinueuse du chant et un trop de virtuosité finale
un entracte qui m'a semblé moins interminable que d'ordinaire - une robe noire à décolleté en V et jupe ouverte sous un pan plissé - et de nouveau Donizetti, peut être ce qui, de lui, m'a le plus séduite, un air de l'Elisir d'amore « Prendi per me sei libero, il mia rigor dimentica.. » ligne tenue, souple, ascendante, et cette façon qu'elle a, dans tous ses airs, de les jouer, vraiment, avec juste la petite stylisation due à une interprétation en concert.
Une impeccable interprétation de l'ouverture de Carmen musique inusable et finalement irrésistible, ne serait-ce que par le plaisir qu'y prennent les instrumentistes.
Un air de Chérubin de Massenet « Vive amour qui rêve », absolument délicieux, voix mélodieuse, forte, le meilleur moment avec Rigoletto et l'imprévu final.
Le prélude du Faust de Gounod et une brillante interprétation de « je veux vivre » de Roméo et Juliette du même Faust
et deux agréables, et mieux, bis, orchestre et chanteuse sous l'égide de Rossini
Voilà, voilà. M'est avis que voici un billet démesuré.
12 commentaires:
S'agissant de démesure, il me vient à l'esprit ces mots de Jacques Brel : La qualité d'un homme se calcule à sa démesure ; tentez, essayez, échouez même, ce sera votre réussite. Et la démesure de vos journées est pur ravissement pour le lecteur que je suis.
un toubib actant que malgré tout vous avez de la veine, il y a plus attristant...
"la mort blanche pleine de sang", me fait monter le sang dans les veines !
Pas pour nous!
Les toubibs nous font toujours... marcher !
vous seule pouviez parler d'un "chignon avec pleureuse tombant sur l'épaule" et de m'arrêter sur ce mot, "pleureuse", pas de celles que je connais alors rapide recherche sur Google et découverte d'un petit périodique "le-petit-manchot" dont voici le lien: http://le-petit-manchot.fr/la-revue-des-chapeaux/01-l-histoire-du-chapeau/
merci
mais là ce n'est pas une plume, juste ces mèches que l'on laisse tomber exprès d'un chignon, pas retrouvé de référence, juste un mot que je tiens, je crois, de ma grand-mère
Heureuse de savoir que tu as eu de la veine chez ton toubib !!
♥
Oui pleureuse .... mèche qui retombe mais il me semble aussi un bijou ancien????? boucle d'oreille ? mot également entendu
Les jours de pluie ...et en plus le bus et les docteurs Un trio peu réjouissant
Et pas de démesure on en redemande comme au spectacle
plus de pleures que de mâles !
Heureux que tes veins sont - relativement - ok, je ne savais pas que tu fumes toujours, je comprends que t'avais envie de dire davantage!
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