Auparavant :
Les petites rues derrière les quais après le pont, la présence de
la Seine cachée par les maisons, la rue de la Roquette, la vie
grouillante dans le bas et l'allée bordant le jardin près de chez
moi, les arcades du Palais Royal et les dernières boutiques de
décorations militaires, les quais et mes razzias de livres, le
dimanche, avant que les vélos et les rollers ne m'en chassent -
Le
vide tendrement mélancolique, de la rue des Teinturiers, en version
hivernale, et la tour des Cordeliers, échelle noire sur ciel, troncs
des platanes serrés, l'éloquence des branches, les pierres usées
de la calade, leur tendresse pour les yeux, la courbe très tendue de
la rue, être dans la douce puanteur de l'eau, l'essentiel.
rue
de la Peyrolerie – s'enfoncer dans la courbe - l’élan des murs
du palais, tant abrupts sur le rocher tranché, le creusement de la
calade, la puissance de l'arc au dessus, tendu vers le roc, sous la
maison de la commune, déboucher... vers ces vestiges, dont je ne
sais s’ils sont de Rome, traces de la ville du fleuve, ou de la
ville du vent violent (son étymologie discutée – je la veux de
source ligure, banalité du celte)
Rome
en fin d'après-midi, le pas se fait lourd, yeux tirés par
l'Ambassade des Etats-Unis, le tournant de la via Veneto, en revenant
vers l'hôtel, et la vie élégante.
Des
groupes d'adolescents et leurs professeurs, troupeaux qui émergent
de la Maison de Vilar... Début d'embouteillage, Avignon se déguise
en grande ville.
Retour
des Halles, avec courgettes, clams, patates et pageot... beauté de
la lumière, au coin de la rue Saint-Etienne, me baigne brutalement.
Charge posée à terre, s'arrêter, la regarder et la déguster,
réveillée.
Je
passe sous les guichets, devant les capots impatients du flot qui
noue les quai.. je m'arrête dans l'aisselle du pont Royal et je
prends une goulée de la familière beauté – la Seine embrassant
le square et, là haut, le derrière d'Henri IV, la courbe de la rive
gauche après la Monnaie, le ciel clair où flottent des nuages et la
lumière humide.
Plaisir
de passer sous la maison, qui embrasse Saint Pierre, découvrir autre
place - Dans cette ville, petites frontières transpercées, ces
ébauches de tunnels, entre les rues et places, trous creusés au gré
des ans, dans l’entassement des maisons.
À
Rome, descendre vers les Quatre Fontaines, voir le profil mouvementé
du porche de Saint Charles, sourire, se sentir chez soi.
une
rue, mes jambes, mes hanches, suivent son déroulement devant mes
yeux, avec la montée de mon rythme, ma pulsion, une petite musique
profonde. Le mouvement entraîne le chant du sang, mon crâne s'y
baigne, et je salue la lumière qui danse avec moi sur la peau
superbement malade du mur de l'église.
S'engourdit
une petite douleur, et si elle me fait trébucher, l'épaule, le bras
vont vers le mur pour un secours, en se déroulant largement,
lentement, vers son appui, et il vient à moi. Juste un suspens, cet
air entre nous et cette tension en retour.
La
cohue de la rue de Rivoli, le samedi après-midi, entre le BHV et la
Samaritaine, entre excitation et désir de fuite.
Écrire
le bleu, sortir dans la rue, et trouver chanson de tons humides, la
saluer et la fouler - petite humidité gaie, posée sur mon visage,
comme un crachin qui se serait égaré, mais si délicat - ne fait
pas masse, mais accueille et semble souriant - ou est ce moi ?
Avant
de sortir du métro, en croisant les parapluies repliés, tendre la
main, fouiller le sac, sortir le sien.
Rue
Bonneterie, des commerçants ouvrent leurs rideaux, groupes de jeunes
qui marchent en riant, foulées conquérantes des bottes, courtes
tuniques sur des fortes jambes, parkas ouvertes, adultes concentrés
sur leur but, des mots s'échangent, les merveilles de la boutique
Decamps, et des murs marqués par l'âge.
Les
Tuileries, belles, détrempées et vides, bancs solitaires et bronzes
luisants.
Soleil
légèrement voilé, et très glacé dans reste de vent, désert d'un
après midi dominical - attente plus courte que prévue, trop longue
encore de cette bise, dans l'épaule de la place de la Principale,
nous, nous serrant, en petit tas gelé et stoïquement souriant,
amateurs, danseurs avec ou sans spectacle (cela se saluait,
s'embrassait, se donnait des renseignements pratiques et des
nouvelles de X, de Y et d'eux-mêmes).
Reste
de lumière crépusculaire – monter la rue de Tournon, s'attarder
devant quelques vitrines, livres, décors, mode pour que s'effacent
les vide-ordures, peintures et loyers, et puis suivre les yeux levés
vers l'Odéon là bas, au bout, et se mettre en attente.
Lumière
des premiers froids – se réchauffer les yeux dans la gloire de sa
caresse sur les pierres, que souligne et découpe l'ombre – marcher
dans le vide de l'esprit et du jour, douceur du neutre - notre bleu
de lapis-lazuli - remâcher ma crainte paralysante à l'idée de ce
vase communicant.
Séville
– Noël solitaire – dans la nuit de la cathédrale le choeur des
chanoines prend tout d'un coup un son guerrier, se sentir absurdement
proie – sortir, retrouver les orangers de la grande place sous le
soleil, et tourner pour aller errer dans les Alcazars royaux,
s'enchanter des dentelles de pierre, des ombres et du bruit des pas
des quelques visiteurs.
Le
mac et moi nous étions un peu absents en ce mercredi – je reprends
le texte que Laurent Margantin avait bien voulu accepter pour les
vases communicants de février sur oeuvres ouvertes
http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article1494
14 commentaires:
Un mac épuisé, voilà qui est intéressant. D'autre part j'avais et j'ai toujours la profonde conviction qu'Avignon était et est toujours une grande ville... Dans le sens le plus noble de la grandeur. Et ce texte de Laurent Margantin conforte largement cette opinion de commis voyageur que je suis :-)
Pierre R.
pardon c'est trop d'honneur pour ce texte - il n'est que de Brigetoun
J'avais bien aimé cette mise en parallèle des rues d'Avignon et de Paris, le présent et le passé, une seule voie en fait : avenue du jour.
Magnifique promenade en ce matin d'hiver, les couleurs, les lumières... cette écriture bleue du ciel... oui, magnifique promenade en ce matin d'hiver,,, merci
Très beau texte, je suis contente de le relire (peut-être encore plus beau qu'à la 1ère lecture)!
Rome, Naples et Florence, les trois villes, sur les pas de Stendhal...
Jolie digression
(pour prouver que je ne suis pas un robot, les caractères à recopier nouvelle formule sont imbuvables)
Souvent une promenade se superpose à une autre ... fugitivement et là Merveille
Tout s'enchaîne avec un grand bonheur d'écriture
Merci à toi
Une belle lumière sur la roue (dégelée ?), de belles couleurs du temps...
Remontons les calades
Faisons quelques balades
Racontons nos salades
Ne soyons pas malades...
oh non Michel, pas bougé ces temps ci - doit dater de cet été ou de plus loin encore cette photo
J'aime l'image de la fenêtre éclairée et ses persiennes sophistiquées, à lamelles orientables, en bas. Un luxe !
les façades t'attirent, je pense aux murs du Colisée à Rome rongés par le dégel ..vu à la TV ce soir.
études archi abandonnées -un peu de boite second-oeuvre - quarante ans de gérance d'immeuble - un tout petit peu de sculpture sur pierre (très peu) - il semble que j'ai goût à ça oui
L'art de commettre une bévue... ;-)
très flatteuse bévue
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