À l'heure où la lumière
commence à nous venir, pâle et blanche encore, suis tombée du lit,
où m'étais endormie guère avant, me suis assise sur le carrelage,
ai pris le paquet, et pendant que l'ampoule s'éveillait lentement,
j'ai commencé à le dépouiller d'un papier bleu doublé de rose,
puis d'un autre, avec un gros ruban de papier et des ficelles
mordorées joliment effilochées, j'ai souri à ma soeur, sans
maugréer, sauf un peu contre ma maladresse, j'ai trouvé une belle
boite d'un rouge sourd et doux, une enveloppe montage m'expliquant
que c'était là une collecte en l'honneur des soixante-dix ans que
me suis obstinée à atteindre, l'ai ouverte pour découvrir une
série de grandes enveloppes blanches avec des noms de villes (sauf
une, «en mer»). Ai aperçu, au fond, un truc plus grand, l'ai
extrait, ai fondu une première fois devant cette oeuvre, et comme le
sommeil me revenait avec sourire me suis rendormie.
Eu le temps d'ouvrir deux
enveloppes à mon second réveil, trouvé petites enveloppes jolies,
un mot, des dessins d'enfant, des pétales de rose, un très parfait
coeur parlant italien (me sens toujours mieux en lisant auguri)...
ai refermé, attendu une heure presque correcte pour un coup de
téléphone remerciement, et me suis préparée, malgré ma flemme
douce, à partir - parce que m'étais tant acharnée à avoir une
place pour l'apprentie sage femme -
sous
un nuage vagabond, en voyage rapide dans mon ciel.
Le
jour était jeune et clair, les pierres de Saint Didier toujours
amoureuses des ombres, de petites rafales de vent abstrayaient les
affiches..
J'ai essayé un sourire
sur la photo destinée aux mails de remerciements, sans grand succès,
suis trop peu familière de petit appareil..
pu avoir une place,
entrepris d'attendre, en regardant les arrivants, les murs que
j'aime, pendant la petite demie-heure qui nous séparait du spectacle
Je reprends,
paresseusement, sur le programme du off : «Dans une Angleterre
médiévale et rurale, la môme de nulle part va apprendre à trouver
sa place dans le monde. Sous la férule d'une sage-femme revêche,
l'enfant sans nom va devenir Alice, un ventre plein et un coeur
satisfait! Récit émouvant, rude, enrichi d'une langue inventive et
éminemment théâtrale, l'histoire d'Alice est poignante, commune à
tous ceux qui veulent faire quelque chose de leur vie envers et
contre tout. Ce conte initiatique est porté par Nathalie Bécue
ancienne pensionnaire de la Comédie Française.»
photo Bruno Steffen sur
http://www.lestroiscoups.com/article-l-apprentie-sage-femme-de-karen-cushman-critique-de-marion-souliman-le-lucernaire-a-paris-88496133.html
avec une
jolie critique, que je découvre maintenant (mais il y avait mon préjugé pour la chapelle et le bouche à oreilles)
Et c'est un très beau
moment (la chapelle a la grâce, et attire les beaux textes et bons
acteurs). Elle entre, humaine, féminine et drue, en paysanne qui
pourrait être aussi bien du temps des Le Nain que du moyen-âge,
comme la table, la chaise...
Une voix mate, avec des
lumières aiguës pour la sensibilité, des harangues, des appels qui
donnent vie aux dialogues campagnards,
Une belle langue,
économique, poétique, des mots qui se heurtent sans phrase
développée, déconstruite, sensible... un parler campagnard recréé
Un beau texte, et une très
belle comédienne.
Retour dans les rues où
la vie battait allègrement (avec quelques îlots pressés par leur
vie, ou épuisés).
Le temps de cuisiner pour
carcasse, de la nourrir, de téléphoner en Bretagne ou à Grignan,
de remerciements sur internet, et enfin d'ouverture des enveloppes,
découverte, lecture, avec gratitude pour le geste, avec le plus
souvent davantage , attendrissement, amusement, et parfois étonnement
confus (en luttant pour ne pas se rengorger à tort).... il était
trop tard pour me décider à partir regarder et écouter les
travailleurs de la mer, recommandés
par, je crois, Lucien Suel, et par un coup d'oeil à une vidéo.
Ai
négligé aussi le repassage qui va continuer à s'entasser et décidé
que cinq heures était une heure parfaitement normale pour une
sieste.
Un peu
honte, juste un peu, en pensant à la richesse du off, à mes
impasses dans le in, aux expos auxquelles je me contente de penser,
aux colloques plus ou moins doctes, et aux rencontres avec les
équipes.
Suis
sortie de ma léthargie un rien migraineuse (tant pis pour moi) pour
trembler comme une feuille, avoir crâne bouillant, le calmer, avec
thé très chaud et penser à me préparer et partir, dans le début
de nuit, pour assister, dans la cour du Lycée Mistral, à «La
faculté» de Christophe Honoré, mise en scène par Éric Vigier,
mais, me désapprouvant avec un reste d'énergie, j'ai cédé au
besoin irrésistible de sommeil qui m'assaillait (nerfs trop
détendus, fatigue des jolies émotions du jour) et, lamentablement
ai renoncé et me suis allongée pour dormir, maintenue, un temps,
juste à la lisière de l'effacement, par la lecture des souvenirs de
Lassale sur Sarraute (et flottait le souvenir de ces représentations
de «pour un oui, pour un non»). J'espère, sans trop y croire, que
je pourrai avoir un nouveau billet.
8 commentaires:
Il faut savoir gérer ses forces pour profiter pleinement de ces évènements qui meublent nos heures. Et déjà que votre programme journalier est passablement bien rempli. Pour notre grand plaisir.
Chère Brigitte, j'ai récemment recommandé la lecture d'Alexandre Dumas, Jules Verne et Victor Hugo, mais je ne me souviens pas avoir parlé des "Travailleurs de la mer". Bonne journée sous le soleil.
ça me revient, c'était M.Glück !
Enveloppes émouvantes trop d'un coup!! comme les ans!!
Pensées douces vers toi en ce jour de célébrations ...diverses
La pierre et les ombres, le vent et les affiches...
Ah ! que sur les murs de Saint Didier les ombres sont belles.
Le passage d'une dizaine à l'autre est toujours une épreuve. Traversée réussie. Reprendre son bâton pour le Festival avec courage.
Auguri :-)
Je prends tout...ton ciel et ton festival
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