Comme Dominique Hasselmann
a roulé sur son vélo le long du bassin de la Villette, et que
j'avais commencé à déplier mon cerveau, le matin, en lisant, en
regardant
http://doha75.wordpress.com/2012/08/22/velleite-de-la-villette/
Comme Franck Queyraud, un
peu plus tard, suivait cet infini qui traverse
la ville
http://flaneriequotidienne.wordpress.com/2012/08/22/cette-ile-qui-traverse-la-ville/
me
suis souvenue de mon désir endormi de marche lente au bord du Rhône
ou de lecture sur l'herbe, à la Barthelasse, face à la ville.
Et
j'ai flâné, un peu, me suis assise, un peu davantage, ai regardé
les canards et les plantes flottantes, paresseusement, toute
conscience arrêtée ou limitée aux petites sensations, petits
désagréments légers juste pour pimenter, bénévolence de arbres,
des ombres, du courant, de la lumière dansante, en fin d'après
midi, sur une courte distance, entre voitures et Rhône, suis restée
à fleur de pensées, et c'était si fugace, délicat, que ne peut
être dit (et pour cause – réflexion rétrospective)
En
profite pour reprendre quelques fragments des prises de parole des
tous derniers morts de Spoon River - lues dans la matinée - ce long
poème qu'aime tant chez Benoît Vincent, qu'aurait traduit le
Général Instin, à partir de
http://www.amboilati.org/chantier/spoon-river-223/,
retenant ce qu'ils disent de flottant, errant, cheminant dans la vie,
sur la terre, dans l'espace, dans l'après..
Willie
Metcalf
Au printemps je
divaguais dans la campagne
pour trouver la
sensation, qui parfois m’échappait,
de n’être pas une
chose séparée de la terre.
Je me perdais souvent,
comme dans le sommeil,
étendu dans les bois
les yeux entrouverts.
John
Ballard
mais c’était comme
devenir ami avec le bouquet de fleurs.
J’étais maintenant
très proche de secret,
et je ne pouvais pas
sérieusement devenir ami avec le bouquet,
en serrant contre moi
l’amour que je sentais à travers ce bouquet
et j’avançais
lentement vers le secret, mais —
Julian
Scott
Vers la fin,
la vérité des autres
était mensonge pour moi ;
la justice des autres
était injustice pour moi ;
leurs raisons de mourir
pour moi étaient des raisons de vivre ;
leurs raisons de vivre
pour moi étaient des raisons de mourir
Alfonso Churchill
Ils se moquaient quand
je parlais des montagnes lunaires,
et du chaud et du froid
pénétrants,
et des vallées d’ébène
aux toits d’argent,
et de Spica, éloignée
de quadrillions de miles,
Lydia Humphrey
Allées et venues,
allées et venues, de la maison à l’église
ma Bible sous le bras,
jusqu’à ce que je
sois vieille et grise ;
pas mariée, seule au
monde,
Gustav
Richer
Moi j’étais une
silhouette incorporée
à la lumière, comme
si le soleil
l’avait laissée
flotter jusqu’à toucher le toit de verre
comme un ballon
doucement éclaté,
devenu éther dans
l’air doré
Ardo
Will
Avez-vous déjà marché
le vent dans les oreilles,
le soleil tout atour
et découvert qu’il
brillait soudain d’une luminosité plus profonde ?
À
vrai dire, tout ce qui parle dans ce billet, là, au-dessus, avant,
de l'agrément de cette promenade au bord de l'eau, de ma flânerie
contemplative, est mensonge, ou plutôt le réel tel que l'imaginais
un peu avant midi et que l'écrivais pour affermir mon désir.
Dans
la réalité, j'ai eu envie instinctive de tourner bride au bout de
quelques pas dans la fournaise qu'était à quatre heures la rue des
rempart du Rhône, et j'ai dû me forcer passage contre ce recul et à
travers cette masse solide, hostile, qui avait remplacé l'air et
brûlait mes mollets nus.
Dans
la réalité même le petit vent qui s'était levé était touffeur
remuée, sauf le long des arbres et du Rhône.
Dans
la réalité, étais trop vacillante pour dégringoler le talus et
m'asseoir sur l'herbe brûlée, à un endroit sans trop de reliefs
des précédents rêveurs au bord de l'eau.
Dans
la réalité il fallait tenter de cadrer pour que les canards ne
nagent pas entre des bouteilles, et pour que les plaques de verdure
flottantes ne soient pas plaques d'ordures,
(même
si le chapeau qui s'en allait tout seul vers le sud pouvait raconter
je ne sais quoi... une histoire à imaginer)
Dans
la réalité je me demandais comment tenaient avec plus ou moins de
relative élégance les courageux touristes.
Ai
abandonné assez rapidement le miroitement du soleil sur le Rhône,
la steppe qu'était le terre plein entre lui et mon bout de rempart,
et
m'en suis revenue vers la fraîcheur relative du Limas, l'ombre de
l'antre, et un fond de théière froid et délicieusement amer.
12 commentaires:
Comment vous exprimer toute mon émotion de vous voir ainsi nous décrire avec si belles poésies le fleuve de votre ville et de constater toutes ces surprises et trouvailles qui ont émaillé votre promenade? Vin diou !!!! Que c'est beau à voir et à lire!
Très belle promenade (je me souviens du parking et d'un immense camping où avait stationné un fils), le théâtre a aussi des reflets aquatiques.
les surprises étaient un rien saletés et beautés affleurant difficilement dans un bloc de chaleur
Somptueux. L'enlacement ville/nature est un bonheur que tu sais si bien appréhender. J'en suis d'autant plus éblouie que dans ma campagne il manque (mais est-ce un dommage, je n'en suis pas sûre) les pierres façonnées par l'homme que ton pays du Sud t'offre avec tant de générosité. Ta ville et ses environs sont magnifiques
J'aime beaucoup ce que vous dites et ce que vous montrez ! Merci.
Que de fraicheur
que de fraîcheur
je m'en vais batifoler
avec les canards
Plouf !!!
Très beau montage, brige, merci beaucoup !
Lumineux billet où tout s'enroule et se déploie avec bonheur
Et ce chapeau à l'aventure ...
euh ! une aventure de quelques centaines de mètres !
Mais une aventure qui de fleuve en fleuve nous fait traverser le monde, voguer vers le sud, traverser la steppe avant de rejoindre l'ombre de l'antre. Très beau.
Du rythme pour la tête et pour les yeux!
Très agréable flânerie photographique et en bonne compagnie...
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