Une mauvaise humeur au
réveil, rampante sous des plaisirs de mots – le frais des mollets
et sur les épaules, le volet qui bat en rythme inégal, avec
claquements d'échelle variée, que ma voisine en allée a laissé
non fixé – cette entrée des mois en r, que vais apprendre à
tolérer jusqu'à leur trouver du charme, mais sur le seuil desquels
me tiens en refus buté
La prise de possession par
le vent qui fait chanceler la carcasse vrillée d'une méchante
douleur, que je sais provisoire mais prétend le contraire, les plus
de seize degrés perdus en une semaine, mais un tableau qui me chante
l'écrasement blanc et bleu de l'orée du désert, et le jeu de
l'échange des lamentations outrées avec l'épicier
mais, les mains dans les
poires trop mures dont fais une pommade pour aller, avec un peu de
pétales de lieu et des éclats de purée de citron, submerger les
pâtes que mangerai, recette improvisée et improbable que
n'oserais pour autre que moi et où je trouve plaisir, dans l'odeur
sucrée, dans le mélange des saveurs, à laquelle j'ajoute une
petite tomate noire fondue sur feu éteint, dans un mélange d'huile
d'Olivier et de reste de sirop d'anis – cuisine barbare – avec
l'écoute du chant des baleines à bosse, les modes qui se propagent
entre les baleine mâles, avec la flûte que copia Athéna, avec
Pythagore, les bruits, les proportions et la musique, avec les
mathématiques, avec la voix de velours sourd de Jean-Claude Amelsen
dont l'émission sur les épaules de Darwin m'était spécialement
bonne ce samedi matin, m'ouvrant, avec l'aide de la chimie que
décidément j'avais dû oublier, à l'émerveillement, sans autre
raison, peut-être, qu'un accord sensible et fugitif avec mon moi de
ces moments...
(http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-ete-2012-les-battements-du-temps-35-les-chants-de-la-nature)
mais le déjeuner très
lent en compagnie de Bonnefoy et Mandelstam...
mais une petite sieste,
avec regret vague de manquer le défilé des tracteurs anciens
le petit goût attentif au
charme doux-amer-envolé de la vie de ce samedi matin
les tracteurs, je les ai
trouvés sur la première rampe qui monte vers la terrasse du petit
palais, avant de se retourner vers Notre Dame du Dom, quand suis
arrivée déjà sculptée, secouée, ébouriffée par le vent (et,
lasse, si lassée par lui, après avoir jeté toutes les photos
prises en tremblant, surtout avec la fatigue brusque de la fin, je
vais me borner à aligner les trop nombreuses photos prises pendant
les presque deux heures passées sur la pente avant de renoncer)
Le plaisir unanime, ou
presque, de nous autres, citadins de trop longtemps, devant ces
machines.
Suis montée vers la vigne, à la proue du rocher, contre la
ruée de l'air
qui secouait les ceps,
presque complètement dégarnis, qui avait détruit ou malmené les
épouvantails créés par les élèves de l'ESAA «Tatie Bogle»
(remords de ne pas leur avoir rendu visite plus tôt)
une très longue attente à
l'angle avancé du parvis, prenant les rafales que mes voisins
supportaient avec sourire de plus en plus crispé et qui me
déséquilibraient, vieille petite chose, par moments, et le visage
bienheureux dans le soleil,
avant que le cortège,
avec très grand retard, débouche sur la place, monte lentement vers
nous, étendards et capes secoués, chapeaux maintenus...
et puis j'ai laissé la
place à d'autres, et suis allée me poster, avec deux photographes à
gros appareils et allure professionnelle, en haut de la seconde
rampe, tentant de ne pas les gêner, d'attendre les moments où le
public ne s'interposait pas, ni ne se mêlait aux confréries, où
mes mains gardaient fermeté, jusqu'à l'arrivée, à peu près au
milieu, du chariot traîné qui amenait carillon et tête de Saint
Agricol (je crois),
arrivée que tous
attendaient pour entrer dans l'église entendre et chanter la messe,
mais là au lieu d'attendre un peu avant de monter jusqu'au jardin,
d'attendre, en faisant le tour du marché gourmand, la fin de la
messe, le ban des vendanges, la dégustation, le pic nique et le bal,
j'ai été prise de tremblements de fatigue, et suis rentrée,
lâche, fatiguée et contente,
rejointe et dépassée par
la calèche que ce programme ne concernait plus, pour démêler en
grimaçant l'enchevêtrement sauvage de ma tignasse, trier les
photos, être trop indulgente et en garder trop, boire du thé froid, ramasser les feuilles de la cour et
redresser deux pots, sentir le sommeil m'envahir, lire un peu sur
internet...
Aujourd'hui il est prévu
une course de radeaux plus ou moins étranges, représentant les
entreprises locales... j'espère que sur le Rhône le ciel sera moins
vigoureusement mouvant.
7 commentaires:
Là, vous nous en mettez plein la vue (vous avez élargi le format !), et j'adore vos photos de tracteurs.
Plus la voix de Jean-Claude Amelsen, écouté aussi hier, un microsillon tracé dans nos oreilles.
merci à vous - mais là je pense vais abandonner
Le vin plus que le thé rend l'humeur joyeuse. Et quant au vin doux, il rend un peu qui en abuse un peu.
Magnifique déploiement en la ville. Préfère les calèches aux tracteurs d'autant que ceux qui vont dans les vignes sont bien trop hauts sur pattes !
avec l'espoir que St Agricol vous sera infiniment gré de cette page
le pauvre n'a que son nom pour lui, pas de date de naissance ni de décès, même le VIIe siècle relève des hypothèses pour son passage en ce monde
N'empêche, tu l'as fait, toi, avec plein de belles photos.
J'ai fait un tour au rocher dans l'après-midi, le mistral m'a découragé !
Comme une fraîcheur maraichère vous nous présentez là une journée dont seule est capable Avignon. Rappeler l'Histoire autour de Saint-Agricol et garder dans les mots un accent résolument moderne. Quelle journée. Et je souhaite par dessus tout que la lassitude s'éloigne et ne vous gagne point. Vous avez si bien su résister : les rafales que mes voisins supportaient avec sourire de plus en plus crispé et qui me déséquilibraient, vieille petite chose, par moments, et le visage bienheureux dans le soleil
Bravo Brigitte pour ce reportage haut en couleurs. Les photos sont belles, la présentation aussi. Je voulais y aller et j'ai eu une proposition pour sortir d'Avignon, je n'ai pas hésité...
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