vouloir tancer banquière
(comme si c'était possible), ne plus avoir patate ni cigare, écouter
l'air se ruer, le ciel se déverser sur la ville, pendant que hurlent
les chiens au dessus de moi et que des voisins tambourinent et crient
pour les faire taire – poser oeil vitreux sur parapluies, choisir
celui qui semble le plus solide
s'en aller pleine de gaie
résolution malgré le visage lugubre que se donnait la place, résister au vent qui
tenait à retourner le parapluie ou à m'emmener, accrochée à lui,
d'un côté à l'autre des
petites rues, d'une rivière dorée à l'autre – ne pas avoir accès
bien entendu à responsable – vider à coeur contrit le peu qui
restait (oh honte) sur un livret A, menacer d'on ne sait quoi si un
rendez-vous ne m'est pas donné rapidement et m'en aller en rusant
avec sire vent,
sourire en passant devant
vitrine, en faisant mauvaise plaisanterie, «ben c'est pas le...»
et puis céder, un peu
avant l'antre, à une pulsion forte de futilité, ronger la petite
aisance retrouvée, se maudire et se réjouir avec honte de pouvoir
être stupide sans trop graves conséquences (juste faire fêtes avec
hareng et bintjes, et se passer de...)
aimer bien la coupe de
cette seconde petite robe noire, le grand pli qui enrobe le dos trop
bossu...
et décider de la mettre
avec collants de laine, gros manteau, pour monter résolument dans la
nuit vers le théâtre, la Traviata, au risque du vent tonitruant.
Dans une salle presque
pleine, une Traviata mise en scène par Nathalie Duffaut, dirigée
par Luciano Acoccela, avec Patrizia Cioffi en Violetta, Laetitia
Singleton en Flora, Ludivine Gombert pour Annina toujours charmante
mais dans un rôle quasi muet, Loreline Mione dans le rôle de la
soeur d'Alfredo et Ismaël Jordi, Afredo, Marc Barrard, le père,
Raphaël Bemard, Gastone de Letorières, Jean-Marie Delpas, le baron,
Cristophe Gay, le marquis et Luc Bertin-Hugault, le Docteur Grenvil.
Un premier entracte pour
regarder – plutôt aimé – en rongeant mon frein et baillant un
tantinet les aquarelles de Danielle Doucet
un second entracte pour
cigare dans un vent presque apaisé et légèrement transie par petite froideur de saison
Trouvé, pendant que
cuisaient pâtes du déjeuner, des remarques sur un forum (que je
découvrais
http://www.odb-opera.com/modules.php?name=Forums&file=viewtopic&t=11843)
en reprends quelques unes suivies de mes réactions
24 novembre 17h05
Le soir de la générale,
Patrizia Ciofi n'a pas chanté pour économiser sa voix. C'est ce que
Nadine Duffaut a dit au public très mécontent. L'orchestre a même
cessé de jouer avant la fin.
Mais à 23h38
La première de la
Traviata s'est bien passée contrairement à la générale.
Nous avons eu droit à
une très belle Violetta (dans tous les sens du terme) avec ne
Patrizia Ciofi excellente comme toujours tout au long du spectacle
qui nous a même régalés d'un mi bémol – pour
le mi bémol je ne sais pas, pour la beauté du chant, surtout dans
les scènes finales (où il était purifié des prouesses vocales)
oui, et fort grande (et moi j'ai superbement raté son salut)
Jean-Marie Delpas a très
bien assuré aussi dans le rôle du Baron...
Toutefois on a pu être
déçu par Marc Barrard (malgré sa belle voix)dont on attendait
beaucoup dans ce rôle-là et qui est passé carrément à côté. Un
peu excessif (pour la voix belle sans plus, pour la mauvaise
performance d'acteur qui n'était pas flagrante)
Rien d'extraordinaire à
signaler chez Ismaël Jordi dans le rôle d'Alfredo plutôt fade avec
des aigus tirés. Alors là,
non, je sais que le publc près de moi l'a aimé, c'est un bon ténor
glorieux, tout ce que je
n'aime pas - mais ça n'engage que moi – avec une voix souvent trop
forte (tout émotion tombe quand il arrive à la fin et la mort de
Violetta tourne au concours vocal) pleine de métal vibrant
Au niveau de la mise en
scène, j'ai entendu que certains spectateurs n'ont pas apprécié la
présence de personnages représentant la gestapo arborant une croix
gammée sur leur brassard. Pas
forcément gênant à partir du moment où Nathalie Duffaut a pris le
parti de transporter l'action au Lutetia pendant la guerre, mais
j'avoue que me suis interrogée sur la pertinence de l'idée
(agréable visuellement par ailleurs), éclairée un peu simplement
par la projection, dans la chambre de Violetta d'une vidéo de femmes
tondues à la libération, à condition de considérer que tous les
bourgeois consommateurs de courtisanes sont des nazis ce qui me
semble un tantinet excessif.
Retour
en pensant le vent tombé, en me heurtant en chemin à de belles
bourrasques qui me bousculaient et massaient agréablement et
énergiquement mes rides.
8 commentaires:
Intéressant ce débat sur les choix de mises en scène, notamment cette Croix gammée sur le brassard des personnages. Une tendance veut que les opéras soient revampés à une sauce résolument moderne. Des choix, dis-je. Et cette pluie qui tombe.
Par ce temps, la Traviata en fait des gammes.
Ta vitalité est réjouissante ...
avais lu l'article du Monde (Taviata ) et pensé que tu y serais avec tes commentaires que j'aime
Probablement interprétation globalement réussie à ce que l’on m’a dit (comme vous le soulignez) car je n’y vais que samedi (en fait je me demande si je vais bien y aller). Quelle idée de Nadine Duffaut de mettre en scène nazis et femmes tondues ? C’est ramener l’horreur nazie à la dimension d’une tragédie romantique, à la débauche des bourgeois. De quoi faire le miel de certains qui à l’extrême droite s’évertuent à dévoyer l’histoire. Duffaut a été sifflée pour cela paraît-il dimanche et je doute qu’elle soit revenue sur scène saluer hier soir.
Il y avait de tout dans cette Traviata ! Le cigare retrouvé, la pluie apaisée, le vent essoufflé.
Ce que j'aime, c'est le tableau (touchant) des trois parapluies se serrant l'un contre l'autre. Chacun ayant nécessité d'un câlin.
Mais il fallait oser, on ne peut pas lui ôter ça...
un bémol : le recours aux années 40 ou au stanilisme est devenu depuis trente ans à eu près un poncif des mises en scène
oui, mais pas toujours pertinent
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