Rêvais de m'offrir une
des gravures qui me plaisent tant, ces jours ci (d'un auteur dont
j'ignore le nom) dans une vitrine de la Galerie Ducastel, ce que
ferais peut-être en des jours moins contraints, (elles sont d'un
prix très raisonnable) quand j'ai entendu un bonjour Brigitte
et vu s'éloigner vivement une silhouette joggeuse non identifiée
auquel ai répondu quelque chose ressemblant à un Bonjour, merci,
avec un temps de retard le rendant vraisemblablement inaudible – sans
doute une éditrice adepte de la couture à la main, que je remercie
ici si elle passe.
Ai continué d'un pas
relativement vif, mais plus mesuré, dans les rues baignées d'un
soleil tendre, en compagnie d'un vent en belle adolescence, qui
mettait fraîcheur sur les joues, la nuque... en repensant à ma
belle découverte dans la nuit des poèmes réunis par Philippe
Jaccottet sous le titre de leçons que,
ne sais pourquoi, je n'avais jamais lus, sautant tout de suite (ce
titre ?) à ceux de À la lumière d'hiver
(Poésie/Gallimard).
Sinon le premier coup,
c'est le premier éclat
de la douleur : que
soit ainsi jeté bas
le maître, la semence,
que le bon maître soit
ainsi châtié,
qu'il semble faible
enfançon
dans le lit de nouveau
trop grand...
et
Une stupeur
commençait dans ses
yeux : que cela fût
possible. Une tristesse
aussi,
vaste comme ce qui
venait sur lui...
ou
Muet. Le lien des mots
commence à se défaire
aussi. Il sort des
mots.
Frontière. Pour un peu
de temps
nous le voyons
encore...
puis,
quelques pages plus loin
Bourrés de larmes,
tous, le front contre ce mur,
plutôt que son
inconsistance,
n'est-ce pas la réalité
de notre vie
qu'on nous apprend ?
Poèmes
de tristesse, de refus, de révolte et de tendresse
On le déchire, on
l'arrache,
cette chambre où nous
nous serrons est déchirée,
notre fibre crie
un
petit livre qui finit (cette partie) sur
demeure en modèle de
patience et de sourire
tel le soleil dans
notre dos encore
qui éclaire la table,
et la page, et les raisins
qu'il
faudrait laisser traîner, sans un mot - toute parole est maladroite,
sur l'instant, à ce moment là - près d'un endeuillé en espérant
qu'il l'ouvre en un moment de vide solitaire et qu'il y retrouve la
même triste consolation de laisser couler ses larmes, le même
accompagnement qui m'étaient venus, dans mon nid-taudis parisien, le
lendemain de la mort de mon père, après les avoir quittés et une
journée un peu comateuse au bureau, en fouinant, pour m'accompagner
justement, et en trouvant ces vers de Léon-Paul Fargue que j'avais
recopiés, ramenés en offrande à la famiglia, (et notre groupe
orphelin m'avait chargée de les lire lors de la messe)
Ah je vous vois, mes
aimés. Mon père, je le vois. Je te verrai toujours étendu sur ton
lit,
Juste et pur devant le
Maître, comme au temps de ta jeunesse,
Sage comme la barque
amarrée dans le port, voiles carguées, fanaux éteints,
Avec ton sourire
mystérieux, contraint, fier de ton secret, relevé de tout labeur...
Mais
là nous étions dans un matin de jeune printemps, les gens étaient
bienveillants et calmes, les familles murmuraient de père à enfants
en attendant devant le fleuriste – nos excités, et vrai que nous
en avons ici, étaient sans doute partis pour Paris – les attentes
devant les étals étaient d'une civilité tranquille, et les légumes
bien beaux Madame...
Suis
revenue, couffin plein, dos tiédi par le soleil, nuque et cheveux
frais de vent.. saluée par le tintement des cloches de Saint-Pierre
(on aurait pu le croire), le chantonnement des arbres frissonnant
dans le mouvement de l'air, croisant deux petites vieilles arrêtées
pour échanger un solennel bon Dimanche
ai
dépassé une dame qui souriait avec une franchise candide en disant
à l'appareil qu'elle tenait contre sa joue promis.. je te tiens
au courant dès que je suis à Avignon, ai grimpé mon
escalier-échelle, étalé, rangé, traité ma petite charge
sous
la garde d'un lutin déguisé en bintje (ou le contraire) à la tête penchée.
P.S.
Ai un peu hésité, parce
que je ne suis pas certaine qu'il sera de mon avis, mais ne peux me
retenir d'ajouter un lien vers le beau texte, la bribe écrite dans
la nuit, de Francis Royo, que trouve parente de ces textes, par la
tonalité, par la beauté http://analogos.org/2013/05/27/bribes-5-4/
Veille
au milieu de
la nuit
quand la solitude a ce goût de rose
quand la solitude a ce goût de rose
inattendue vous
laisse lire la suite et les deux très beaux vers qui clôturent et
ouvrent sur l'ailleurs ce poème
7 commentaires:
« les attentes devant les étals étaient d'une civilité tranquille »
-
Les beaux fruits ne souffrent pas d'être bousculés. Ils doivent, oserais-je répéter, préférer la douceur d'une civilité tranquille aux rumeurs tonitruantes des rues envahies.
Philippe Jaccottet, Léon-Paul Fargue... en belle compagnie, vous étiez...
Matinée lutine. S'il ne lui manque pas la parole, il ne lui manque que le regard.
Bien belle compagnie en effet en ce matin de jeune printemps... De bien bonnes choses dans le panier aussi. Les excités partis, restait la douceur, j'aime l'idée.
Enchaîner les mots des poètes et la vie qui va ..
Cela va... bien mieux
Sous le regard du Bouddah Bintje
fais toi plaisir avec ces gravures
en juillet quand j'aurais payé les assiettes.. devrais pouvoir
Arlette, tu as raison et zut vais manger Bouddah ce soir
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