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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

lundi, mai 27, 2013

Dimanche de joli vent, pour belle lecture d'un deuil


Rêvais de m'offrir une des gravures qui me plaisent tant, ces jours ci (d'un auteur dont j'ignore le nom) dans une vitrine de la Galerie Ducastel, ce que ferais peut-être en des jours moins contraints, (elles sont d'un prix très raisonnable) quand j'ai entendu un bonjour Brigitte et vu s'éloigner vivement une silhouette joggeuse non identifiée auquel ai répondu quelque chose ressemblant à un Bonjour, merci, avec un temps de retard le rendant vraisemblablement inaudible – sans doute une éditrice adepte de la couture à la main, que je remercie ici si elle passe.

Ai continué d'un pas relativement vif, mais plus mesuré, dans les rues baignées d'un soleil tendre, en compagnie d'un vent en belle adolescence, qui mettait fraîcheur sur les joues, la nuque... en repensant à ma belle découverte dans la nuit des poèmes réunis par Philippe Jaccottet sous le titre de leçons que, ne sais pourquoi, je n'avais jamais lus, sautant tout de suite (ce titre ?) à ceux de À la lumière d'hiver (Poésie/Gallimard).

Sinon le premier coup, c'est le premier éclat

de la douleur : que soit ainsi jeté bas

le maître, la semence,

que le bon maître soit ainsi châtié,

qu'il semble faible enfançon
dans le lit de nouveau trop grand...

et
Une stupeur
commençait dans ses yeux : que cela fût
possible. Une tristesse aussi,
vaste comme ce qui venait sur lui...
ou
Muet. Le lien des mots commence à se défaire
aussi. Il sort des mots.
Frontière. Pour un peu de temps
nous le voyons encore...
puis, quelques pages plus loin
Bourrés de larmes, tous, le front contre ce mur,
plutôt que son inconsistance,
n'est-ce pas la réalité de notre vie
qu'on nous apprend ?

Poèmes de tristesse, de refus, de révolte et de tendresse
On le déchire, on l'arrache,
cette chambre où nous nous serrons est déchirée,
notre fibre crie
un petit livre qui finit (cette partie) sur
demeure en modèle de patience et de sourire
tel le soleil dans notre dos encore
qui éclaire la table, et la page, et les raisins

qu'il faudrait laisser traîner, sans un mot - toute parole est maladroite, sur l'instant, à ce moment là - près d'un endeuillé en espérant qu'il l'ouvre en un moment de vide solitaire et qu'il y retrouve la même triste consolation de laisser couler ses larmes, le même accompagnement qui m'étaient venus, dans mon nid-taudis parisien, le lendemain de la mort de mon père, après les avoir quittés et une journée un peu comateuse au bureau, en fouinant, pour m'accompagner justement, et en trouvant ces vers de Léon-Paul Fargue que j'avais recopiés, ramenés en offrande à la famiglia, (et notre groupe orphelin m'avait chargée de les lire lors de la messe)
Ah je vous vois, mes aimés. Mon père, je le vois. Je te verrai toujours étendu sur ton lit,
Juste et pur devant le Maître, comme au temps de ta jeunesse,
Sage comme la barque amarrée dans le port, voiles carguées, fanaux éteints,
Avec ton sourire mystérieux, contraint, fier de ton secret, relevé de tout labeur...

Mais là nous étions dans un matin de jeune printemps, les gens étaient bienveillants et calmes, les familles murmuraient de père à enfants en attendant devant le fleuriste – nos excités, et vrai que nous en avons ici, étaient sans doute partis pour Paris – les attentes devant les étals étaient d'une civilité tranquille, et les légumes bien beaux Madame...
Suis revenue, couffin plein, dos tiédi par le soleil, nuque et cheveux frais de vent.. saluée par le tintement des cloches de Saint-Pierre (on aurait pu le croire), le chantonnement des arbres frissonnant dans le mouvement de l'air, croisant deux petites vieilles arrêtées pour échanger un solennel bon Dimanche

ai dépassé une dame qui souriait avec une franchise candide en disant à l'appareil qu'elle tenait contre sa joue promis.. je te tiens au courant dès que je suis à Avignon, ai grimpé mon escalier-échelle, étalé, rangé, traité ma petite charge

sous la garde d'un lutin déguisé en bintje (ou le contraire) à la tête penchée.


P.S.

Ai un peu hésité, parce que je ne suis pas certaine qu'il sera de mon avis, mais ne peux me retenir d'ajouter un lien vers le beau texte, la bribe écrite dans la nuit, de Francis Royo, que trouve parente de ces textes, par la tonalité, par la beauté http://analogos.org/2013/05/27/bribes-5-4/
Veille
au milieu de la nuit

quand la solitude a ce goût de rose

inattendue vous laisse lire la suite et les deux très beaux vers qui clôturent et ouvrent sur l'ailleurs ce poème

7 commentaires:

Pierre R. Chantelois a dit…

« les attentes devant les étals étaient d'une civilité tranquille »

-

Les beaux fruits ne souffrent pas d'être bousculés. Ils doivent, oserais-je répéter, préférer la douceur d'une civilité tranquille aux rumeurs tonitruantes des rues envahies.

Dominique Hasselmann a dit…

Philippe Jaccottet, Léon-Paul Fargue... en belle compagnie, vous étiez...

jeandler a dit…

Matinée lutine. S'il ne lui manque pas la parole, il ne lui manque que le regard.

Fardoise a dit…

Bien belle compagnie en effet en ce matin de jeune printemps... De bien bonnes choses dans le panier aussi. Les excités partis, restait la douceur, j'aime l'idée.

arlette a dit…

Enchaîner les mots des poètes et la vie qui va ..
Cela va... bien mieux
Sous le regard du Bouddah Bintje

Gérard Méry a dit…

fais toi plaisir avec ces gravures

Brigetoun a dit…

en juillet quand j'aurais payé les assiettes.. devrais pouvoir
Arlette, tu as raison et zut vais manger Bouddah ce soir