Or donc, j'enrage un peu,
chaque fois, d'être obligée, après avoir admiré les roses, en me
retenant de les manger, de n'avoir pas le droit de revenir sur mes
pas, de devoir suivre l'ordre de la visite du palais, pour sortir par
derrière en traversant (non pas directement mais en suivant une
piste en colimaçon entre les comptoirs) la boutellerie et la
boutique des souvenirs.
Or donc, me suis armée de
bonne volonté, me suis faite touriste, suis passée de la chambre du
Parement (après avoir tenté je l'avoue de photographier les très
fragmentaires, effacés, presque virtuels, restes de fresques, tout en
haut, sous la voûte, suis donc passée dans la chambre du pape,
souriant aux rinceaux de la fresque restaurée, et captant (ne le
dîtes pas) la polychromie du carrelage qui m'est cher, puis dans la
chambre du Cerf, et là je me suis arrêtée un instant, m'absentant
de mon voisinage armé d'audio guide, pour pénétrer dans le rêve
de la forêt, de la chasse, ai pris mon appareil et la jeune femme a
côté de moi m'a rappelé avec une autorité aimable qu'il était
interdit de photographier – me suis excusée – elle m'a dit
qu'elle espérait que je ne l'avais pas fait dans la chambre
précédente, et j'ai menti.
Pour la suite du trajet,
la pierre est photographiable, mais j'ai traversé à grands pas
pressés le beau volume de la grande chapelle, me suis souvenue de
l'appareil au creux de ma main, en sortant sur le parvis-loggia
et puis, par le grand
escalier, les salles, en longeant le dessous de l'estrade, en
négociant les petits escaliers qui tiraient sur carcasse (abdominaux
n'aiment pas descentes)
ai vu la lumière sur la
ville, et la Mirande la salle admirable (ou hôtel de Vervins
construit sur la place de la livrée d'Arnaud de Pellegrue neveu de
Clément V, on est touriste ou non) et sans quitter le domaine papal,
ai dégringolé le début de la rue du Vice Légat
vers le jardin d'Urbain V
et le petit escalier, habituellement fermé par une grille, montant,
une terrasse au dessus au jardin privé de Benoît XII.
Plaisir calme,... étonnement
en y repensant qu'un bout de terre vaguement herbu par endroits,
étalé sous la lumière
surplombé par le mur
sévère, noble, un peu blessé, légèrement anarchique de l'aile du
consistoire (le vieux palais),
arrive, à l'aide de
quelques transats, qui se sont peu à peu garnis de corps détendus,
d'un tuyau d'arrosage, de
pots de fleurs,
de jeux d'enfants (et
quand suis partie il y avait six petits pêcheurs à la ligne dont
les voix chantonnaient)
à créer la béatitude
oisive d'une «campagne», d'un jardin de villa..
Un agréable endroit, un
peu à l'écart de l'agitation touristique,
où seul le pape gardait
un visage de pierre.
Ai pris un café peut-être passable, ai tourné, gobelet en main, autour des rosiers mis en vente
pour une oeuvre (avec des orchidées mais je ne me sentais pas de
force à éviter leur mort rapide),
me suis offert un espoir
de Lyse un rosier qui vient d'être créé
et
me suis arrachée à la délicieuse langueur du jardin, parce qu'il
était déjà presque midi, pour filer dans les rues, par une petite
place que j'aime
par
Saint Pierre,
par
le petit dédale du Figuier, vers la FNAC, le vendeur, la carte
mémoire qu'il m'a autorisée à acheter cette fois... mais comme il
est soucieux des petites vieilles, et sans grande confiance en elles,
il m'a bien précisé que mon rosier devait être arrosé...
et
puis m'en suis revenue rapidement, dans un air où le reste de
mistral s'était complètement endormi, laissant venir de beaux,
lumineux, gros nuages blancs (qui ne sont pas restés)
Depuis
ai rongé très vaguement les tâches (1/7ème environ) que m'étais
assignées (mais bute sur l'argenterie et Babellio ne sais pourquoi)
et j'ai bercé mes remords.
6 commentaires:
Les papes aimaient le théâtre.
Et vous aimez Avignon : l'ordre des choses est posé.
Si l'on veut goûter aux roses - les cétoines dorés adorent cela - il faut déguster la confiture de roses ( de Provins )... Une belle errance parfumée comme si nous y étions.
Beau cheminement, dans et hors du Palais. Suis passée par le jardin hier, bonne idée que d'en avoir permis l'accès. Et belle idée à toi d'avoir capturé l'image du pape sans tête.
Tout ça fait quand même une jolie balade.
:))
Les grilles du jardin de Benoît XII sont déjà sans doute refermées à l'heure qu'il est.
:((
Tiens on voit sur une de tes photos les formes de plastique noir qui cachent provisoirement des œuvres d'art...
Grand plaisir de revoir le Palais et ce carrelage magnifique
Après une si belle flânerie il est bon de remettre les obligations même assignées
magnifique le carrelage de ta première photo
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