et trop d'images, trop
à dire... donc copier...
Dans la ville qui envisage
de s'ébrouer vers dix heures du matin (touristes et festivaliers
s'entend)
une Brigetoun bardée de
volonté et d'envie de voir, dans la chaleur naissante,
qu'adoucissait une menue brise, jupe courte et tête de mort en cours
de résurection...
avançant avec
petites pulsions de danse, vite et facilement freinées, dans petites
rues, se mettant sous protection de la vierge ou d'un dieu marin, on
ne sait jamais..
ayant une
pensée émue pour les cantonniers, arrivant au théâtre des Halles
pour constater que même là (c'est tout de même une des bonnes
adresses) il n'y a pas foule
Le plaisir du
jardin, d'un café très, trop, fort, et délicieux, des groupes
discutant calmement et lisant – assise le nez dans Holderlin, sans
savoir ce que je lis, trop béate, devant une table en bois, sous le
cèdre, face à trois quadras hongrois qui échangent des phrases
courtes et incompréhensibles – si toutes les attentes avaient ce
charme.. (les deux premières photos ci-dessous proviennent du site
du théâtre)
attente pour l'Ubu
roi (version
hongroise avec traduction sur un panneau au desus de la scène)
qu'Alain
Timar a monté avec douze acteurs du Théâtre Cluj (roumains)
témoins privilégiés des garanties
sans faille de la démocratie – qu’il a encouragé à
“transgresser avec entrain les conventions théâtrales”. Dans
cet Ubu roi joué en hongrois, “chaque acteur peut se retrouver
dans la peau du bon ou du méchant, du gagnant ou du perdant en
fonction de l’humeur ou de l’histoire”. Tous seront donc tour à
tour nobles et conjurés, conseillers et larbins de phynances,
gardes, capitaines ou ours…
remarquables
acteurs, jeu dansé (peut être un peu trop beau d'ailleurs, une
folie très dessinée dans l'espace), audaces qui sont parfois crues,
relativement, mais toujours élégantes.
Tous
(qui échangeront souplement leurs rôles au cours du spectacle) en
collant blanc – plateau nu, avec simplement, au centre, au fond, un
gigantesque rouleau distributeur de papier, papier qu'ils déchirent,
froissent ou drapent, pour en faire nichons, panses, culs, sexes ou
tiares, jupes, capes, et la panse arrachée à un vaincu devient
nourriture etc... et les visages miment autant que les corps. Un
grotesque sans violence..
Peut-être
tout de même un rythme un peu freiné par cette maîtrise, ou par la
nécessité de garder un oeil sur la traduction... Mais malgré ce
petit bémol, un plaisir jubilatoire
Malheureusement j'ai réalisé que je n'avais pas pris mon billet pour l'après-midi, que je ne pouvais donc sauter un repas, qu'il fallait que j'ai le temps des trajets, d'une cuisine rapide, d'un déjeuner express, et j'ai dû sortir discrètement un peu avant la fin
pour
m'en revenir dans un Avignon qui commence à trouver son rythme, à
travers une foule encore supportable.
Enregistrer
photos, me forcer à quelques bouchées, laisser passer un peu de
temps, et repartir dans la ville qui se dilatait dans la chaleur du
milieu du jour.
De
blanches rencontres et la vision un rien décourageante de la queue
écrasée par le soleil contre le mur – quelques mots échangés,
brumisation et bonbon réglisse...
et
attendre, contre une colonne, se faire oublier pour pouvoir rester
debout, puisqu'il n'y avait plus de bouts de rangs libres, et puis un
peu plus d'une heure vingt d'intense plaisir, d'intelligence,
d'insolente élégance, avec le projet luciole
de Nicolas Truong, reprise, amplifiée, et
avec une scénographie plus soignée, d'un «sujets à vif» que
j'avais aimé, sans en être marquée, trop fatiguée etc... (j'ai
trouvé, en rentrant, une vidéo de présentation de cette ébauche
qui peut presque donner une idée du ton
Trop
à dire alors simplement le texte de présentation sur le site du
festival
Par une belle nuit de
1941, Pier Paolo Pasolini est bouleversé par le spectacle de
lucioles qui brillent dans l'obscurité, alors que la guerre fait
rage autour d'elles. Le poète italien y voit le symbole de la joie
et du désir qui peut continuer d'illuminer « amis et amants », au
cœur même de la catastrophe du fascisme.(superbe
lettre qui est dite comme entrée dans le spectacle par Nicolas
Bouchaud) Trente-quatre années plus tard, il publie dans
le journal Corriere della Sera un article politique et polémique,
qui prend acte de La Disparition des lucioles, phénomène qu'il date
des années 60. Pour lui, leur extinction due à la pollution est la
métaphore d'une humanité rongée par une pollution des esprits, par
ce que Michel Leiris appelle la «merdonité » de la modernité.
C'est sur les traces de
Pasolini, telles que Georges Didi-Huberman les a suivies dans
Survivance des lucioles, que Nicolas Truong s'interroge, à son tour,
sur « la vivacité de la pensée critique » de nos jours.
Tout autant amateur de
théâtre que de philosophie, il cherche ce qu'un «théâtre
philosophique» peut avoir de plus à dire que les mots des
philosophes couchés sur les pages d'un livre.
Avec un art consommé
du montage, il fait résonner les textes entre eux, établit des
dialogues entre les penseurs comme entre les écoles de pensée qui
interrogent la modernité. Catastrophistes, déconstructionnistes,
rationalistes ou démocrates, tous auront voix au débat. De Pasolini
à Jacques Rancière, en passant par Foucault, Giorgio Agamben ou
Jaime Semprun, leurs concepts se feront entendre à travers deux
acteurs passeurs, Judith Henry et Nicolas Bouchaud, qui permettront
aux
«émotions de pensée»
de surgir sur le plateau. Non sans humour ni légèreté, ils feront
briller les lucioles qui peuvent encore enchanter nos nuits, si l'on
sait ouvrir les yeux au bon moment et si l'on accepte, un tant soit
peu, de se mettre en situation d'écoute. Avec ce Projet Luciole, la
philosophie deviendra matière à produire du jeu et à prendre
plaisir à réfléchir ensemble. Matière, en somme, à faire du
théâtre.
Et
l'on voudrait avoir un enregistrement de ce montage de textes, et je
garde la jubilation de la diction – et du jeu parfois apparemment
décalé – des deux assez formidables acteurs... quelques images
aussi comme au début, à l'appel du nom des auteurs, la chute,
différente selon les cas, de livres s'écrasant sur la scène, ou ne
s'écrasant pas quand c'est le Comité invisible, lourd pour Deleuze,
triple pour Adorno, rafale pour Badiou mais après qu'on l'ai appelé
trois fois, en grêle pour Pasolini.. et pour le plaisir des yeux, le
moment (où est évoqué entre autres Char à l'époque où il
écrivait les feuillets d'Hypnos et craignait le monde qui allait
succéder à celui de la résistance) où la nuit se fait sur le
plateau, parsemée par la chute de feuilles lumineuses qui posent des
taches de lumière mouvante pendant que les acteurs parlent dans le
noir...
les
applaudir avec gratitude
rentrer,
en prenant quelques photos prétextes pour s'arrêter... tenter de
trouver mots et choisir trop de photos, arroser, réaliser, à temps,
que c'est mardi que le départ nocturne sera vers mon très cher
cloître des Célestins et les congolais, que là il me faut prendre
autre direction vers les Carmes, l'histoire d'un village perdu... et
Jan Lauwers (bons et mauvais souvenirs, curiosité) – voir, avec
appréhension, que le ciel s'est couvert d'une couche blanche, lui
dire de se déverser entre une heure du matin et midi, pas après..
chercher et trouver deux photos du spectacle (de Wonge Bergmann)
et
partir – jean, tunique de léger coton fleuri et parapluie amarré
au panier - vers les Carmes et la longue attente pour avoir place en
bas.. si possible sous ma gargouille habituelle
Je
reprends, encore, suis paresseuse, une partie de la présentation de
la pièce, écrite et mise en scène par Jan Lauwers
Explosion meurtrière,
deuil et abus d'enfants, suicide : les malheurs s'abattent en pluie
sur les personnages de Place
du Marché 76, la dernière création
de Jan Lauwers.
Le maître de cérémonie
qu'il campe nous enjoint à imaginer ce village, pauvre et reculé,
tout en nous rassurant : «Ici, ce n'est que du théâtre.»
Comment, un an après
la mort de vingt-quatre personnes dans une explosion sur la place du
marché, le village en deuil peut-il résister à la séquestration
d'une enfant, soixante-seize jours durant, par l'un de ses habitants
? Un balayeur anonyme, bientôt rejoint par un immigré tombé du
ciel, sont les guides aux côtés desquels nous observons la petite
communauté se resserrer, se déliter, s'accuser, s'étreindre et se
reconstituer. Ici, les coupables ne sont pas des démons et les
innocents ne sont pas des saints : chacun peut être aspiré à tout
instant par ses propres failles. En quête de consolation, chacun
aspire au bonheur et au réconfort de l'amour.
… une communauté
d'acteurs autant que de villageois, qui chantent, dansent et jouent,
maniant la fantaisie tout autant que la gravité, pour mettre à
distance la tristesse du récit et le transformer en fable musicale,
drôle et enlevée. Sa troupe compose une galerie de portraits à la
fois réalistes et monstrueux, projetés dans une histoire
kaléidoscopique rythmée par le passage des saisons, dont chacune a
fait l'objet d'une composition musicale interprétée en live...
Forte
de quoi me suis installée, ai forcé mes yeux à l'ouverture, mon
esprit à la réception..
le
dernier spectateur s'est installé, et la pluie est arrivée, me suis
réfugiée sous le cloître, n'ayant qu'un pas à faire et j'ai été
rejointe par une bonne partie du public (les autres étaient de
l'autre côté du cloître, ou quelques uns stoïques et munis
d'imperméables au centre), et parmi eux une charmante dame qui m'a
demandé si j'allais mieux que la veille, qui lit Paumée et bon
nombre d'autres blogs que je suis, et nous avons piapiaté
abondamment (en fait je crains de l'avoir un tantinet inondée de
mots) pendant la très longue attente avant que la pluie faiblisse.
Retour
dans un cloître ruisselant et bien imbibé, les acteurs ont
commencé à jouer avec une belle endurance pendant que la pluie
reprenait force, je suis restée par solidarité tunique imbibée,
jean mouillé (et plus seulement les fesses qui l'étaient fortement)
– avec un peu de mal pour moi à entrer directement dans le
spectacle... et je crois n'y être jamais arrivée complètement –
perplexe, une capacité formidable de la troupe à jouer, chanter,
danser, improviser quelques mots pour inclure la pluie, une musique
très forte qui me secouait ou des chansons genre folk-song de toute
beauté, une histoire folle, des drames bien affreux mais traités
avec un rien de loufoquerie, des invraisemblances assumées, de
mauvais et beaux sentiments, une troupe unie, sympathique mais une
impression de décousu qui venait peut-être de ma carcasse
transie...
Quelques
minutes avant une heure j'ai senti brusquement (nous étions je pense
à la moitié de la pièce) que je ne pouvais plus endurer et m'en
suis allée, pleine d'admiration pour la troupe et le public (très
peu de défections, donc cela plaisait à peu près unanimement –
une pensée émue pour l'amie blogueuse qui devait aller récupérer
sa voiture près des remparts, à belle distance, avant de rouler un
bon moment)...
suis
rentrée, sans remord, marchant aussi dignement que le permettais la
chape de fatigue et de froid qui m'était tombée dessus, désolée
d'être passée un peu à côté de ce spectacle (même si j'ai
beaucoup aimé un certain nombre de choses) – dans un Avignon
presque désert.
11 commentaires:
Et voilà que vous bravez les éléments! Bravo pour votre courage et encore merci, merci!
Ah mince, la pluie (comme l'année dernière juste à la fin du spectacle de Teresa de Keersmaeker...
Mais quelle journée ! D'Ubu en "lucioles" (beau livre de Didi-Huberman)... la nuit se devait d'apporter l'imprévu.
j"étais heureuse et fière de moi, mais ça n'a pas tenu, moins stoïque que mes compagnons de Carmes (mais vraiment trop gelée pour apprécier et là j'éternue et migraine ... violent et bref je pense, j'espère)
Les lucioles vraiment jubilation
Et bien dans la cour d'honneur le spectacle a tout simplement été annulé. Le temps d'arriver chez moi, il ne pleuvait plus...
merci pour ces sauts de spectacle en spectacle, pour ces images des rues, je suis à Avignon et, pour l'instant, moins courageuse que vous, je n'ai presque rien vu.
Un film cette page... !
La pluie n'a pas éteint les lucioles de la nuit venues entendre et voir le spectacle et vous étiez parmi ces Lucioles admirables. Qu'en aurait pensé Passolini qui portait sur les lucioles un si beau regard.
ce n'est pas un billet mais un fleuve, fécond, faisant des bonds, ne tournant surtout pas en rond...
J'aurais aimé les lucioles fortement et la débandade sous la pluie était un spectacle en soi
Bravo pour ton périple aventureux
A demain c'est un régal, mieux que les articles du" Monde "!!
Je croule sous ton article !!Comme Alfred Hitchcock on t’aperçoit quelques fois...
Vous m'avez donné envie de voir le projet luciole, je le garde de côté, j'espère qu'il passera non loin de chez moi (toulouse au pire)
Quant à la pluie, je suis une novice, n'étais venue qu'une fois au festival l'année passée, n'aurais jamais pu imaginer que les comédiens continuaient de jouer en dépit de mauvaises conditions météorologiques. Je crois que comme vous j'aurais éprouvé des difficultés à entrer dans le spectacle. Bravo d'être restée quasi une heure et bravo aux acteurs évidemment !
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