Âme légère et corps
faible, petite incursion matinale dans la ville proche, qui semble
fonctionner, elle aussi, avec un début de lassitude,... en quête de
brumisateurs, de crème de vigne rouge pour les jambes et du canard
enchaîné
Se revivifier
les yeux dans toute
verdure que pouvais trouver,
rencontrer touristes
chargés de sacs sur le dos et d'appareils à forts museaux
télescopiques sur le ventre, des familles et des groupes, un homme
portant une croix légère (mais encombrante),
un groupe d'acteurs en
mode détente,
et son joli sourire,
des affiches prêtes à
être enlevées (dans mon quartier, sur la rue de la République et
place de l'horloge, le nettoyage est fait avec une certaine
sévérité... la joyeuse profusion anarchique est pour le reste de la ville)
et surtout un merveilleux
banc de poissons,
une pluie jaune des arbres
qui affolaient de petites guêpes...
et puis rien – se laver
les cheveux – déjeuner - un peu de ménage qui me lassait tout de
suite – une longue sieste – de la musique – ramassé feuilles
calcinées de mes plantes en me lamentant déjà sur leur état lundi
matin -
trié, fait une partie du
repassage
et suis partie en grand
désir vers un adieu à l'animation des Corps Saints, une trop longue
filet d'attente comme toujours, et comme toujours ma place dans le
cloître des Célestins, pour au delà, de
DeLavallet Bidiefono, les corps et voix passage vers le monde des
absents.
(photo
copiée sur le site du festival)
À Brazzaville, où il
vit depuis plus de dix ans, la mort est omniprésente. Après des
années de guerre civile au souvenir brûlant, elle surgit encore
brutalement, à l'occasion d'accidents causant des centaines de
victimes, ou plus silencieusement, conséquence de la pauvreté, de
la malnutrition, de l'absence d'un système de santé efficient. Dans
sa nouvelle création, DeLaVallet Bidiefono a souhaité mettre en
scène ce compagnonnage funeste, figurer cette empreinte sur le
quotidien de ses concitoyens. Un quotidien rythmé par les veillées
funèbres qui durent six jours, pendant lesquelles le chagrin se
manifeste par le rire et par les larmes. Six jours durant lesquels on
entre en transe pour que s'expriment les défunts.
en
grand désir j'allais donc parce que le thème est beau et m'est
sensible (comme à tous je pense, avec modulations selon les
civilisations... je pense aux pleureuses méditerranéennes, à
l'ankou, à la manipulation des morts et au texte de François Bon
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1564)...
en grand désir parce que le cloître des Célestins avec sa petite
magie était fait pour accueillir cela, en grand désir parce que
j'aime assez cette impression de suivre un groupe, puisque DeLavallet
Bidiefono est depuis longtemps ami des frères Niangouna, qu'il a
fait travailler les acteurs de Shéda, que le beau texte que, dans la
nuit des Célestins, prononce la voix profonde du très fin
chanteur, Athaya Mokonzi,
texte d'injure à Dieu, aux hommes, à Satan, au théâtre, à tout,
est de Dieudonné Niangouna,
(photo
Nicolas Guyot)
Il
y avait donc le cloître, la terre battue, les deux platanes, six
danseurs (du groupe de danseurs amateurs que DeLaVallet Bidiefongo
forme à Brazzaville), un slameur/chanteur, deux musiciens, l'énergie
des corps, les basses et percussions de la musique, sa douceur
lancinante parfois, le chant, les claquements de pieds sur le sol...
et la danse, guerrière, appel, incantatoire, traces du souvenir de
rituels, basée sur les souvenirs personnels de certains des danseurs
(la femme qui a traversé un chant de morts pour aller chercher du
manioc pour son enfant), combats et plaisir de la force...
Nous honorons plus les
morts que les vivants, c’est sur cet aspect-là que je veux
travailler... À Brazzaville, les tombes sont partout, la ville est
elle-même un cimetière, dans lequel nous vivons. J’en viens
parfois à me demander si c’est nous qui sommes morts, ou eux qui
sont partis. Nous partageons le même espace. (passage
de l'entretien avec Bidiefongo sur le programme de salle)
Il
y avait les costumes très chics des deux musiciens (bleu pour l'un,
argent pour l'autre), le cuir luisant et les petits talons (un bref
numéro de claquettes) d'Athaya Mokonzi et cette voix sombre qu'il
chante ou lance les mots, la longue jupe noire de DeLaVallet
Bidiefongo et son très grand corps musclé, les tenues noires,
simples, des quatre danseurs et des deux danseuses, il y avait
l'arrivée de Molonzi, le début du texte, la naissance de la musique
et les danseurs qui se croisent à grands pas, qui arpentent le
plateau et les arcades jusqu'à ce que la transe vienne, il y avait
ce grand calme, le silence, le danseur qui est ouverture, les
fumigènes, la suffocation, les corps qui s'aident et s'étreignent,
il y avait la violence, les rictus, les combats, les corps grimpés
sur l'échelle et qui crient tous leur histoire, la tête de
Bidiefongo dans un tambour sur lequel tape le batteur, en accord avec
la danse, il y avait...
Il
y avait aussi quelques moments où cela semblait se défaire, où mon
attention fuyait, et puis la tension revenue.
Il y a eu de forts,
répétés, applaudissements...
la
sortie dans la ville entre zones de nuit paisible
et
la vie qui se refuse à l'abandon, encore un peu, encore...
6 commentaires:
encore une belle dérive ville, avec sa conclusion dans le grand ailleurs – même le côté surexpo des photos contribue à faire de la dérive une fiction, plus les sourires et le museau télescopique !
mes appareils sont aussi fatigués que moi, ont des tas d'idées, me racontent des tas d'histoire, se règlent de façon incompréhensible, les engueule sais pas faire mieux, ou ne prends pas temps de faire mieux
C'est le regard et la patte de l'artiste qui transforment la ...dérive
Qu'importe l'appareil pourvu qu'on aie l'ivresse !
:D)
— Quel livre est-ce ? me disait l'un.
— Tu me fais de l'APN, me disait l'autre.
J'opte pour le beau sourire et je laisse le banc de poisson si beau soit il
bonjour chère Brigitte merci pour le vent du festival-les photos de Guyol tes photos de la rue tellement coloriés la nature les personnages des pieces et encore l'éclat de la pierre en or et merci pour tes mots fantastiques -les danseurs qui se croisent a grand pas qui arpalent le plateau le plateau et les arcades jusqu a ce que la transe vienne.....
je tembrasse chère Brigitte.
merci!
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