Un joli matin, une
Brigetoun lasse (malgré repos) qui prend la journée en douceur..
départ vers le teinturier, le pharmacien, Carrefour, pour quelques
petites courses, cheminant sereinement en dehors du festival.
Rêvé un moment en
découvrant, grâce à un parasol, l'existence d'une petite terrasse
près des contreforts de la Principale...
rencontré deux charmantes
musiciennes, et un pitchounet
longé mur d'affiches
neuves (principalement pour ce que je nomme non-spectacles, qui
deviennent un peu envahissants)
vu rue de la République
des petits tas d'affiches, je pense que les services municipaux ont
fait le nettoyage, et déposé toutes celles qui pendaient sans
ordre, étaient un peu détachées... et j'ai rencontré des groupes
de jeunes gens «très bien» qui commencent dès maintenant à en
décrocher, anarchiquement, pour choisir celles qu'ils désirent
emporter (ça les amuse nettement)...
Un peu navrée pour les
compagnies... souhaite que toutes puissent réagir.
Déjeuner,
un peu de soleil dans la cour, ramassé une partie des
feuilles carbonisées, et comme les vieilles dames ça sieste, ai
siesté.
Me suis réveillée tout
doux, ai pris mes catalogues, admiré tout ce que pouvais faire,
décidé, tout benoîtement, de ne rien choisir, et me suis très
tranquillement contentée de rêver que j'étais dans deux ou trois
endroits à la fois, et puis de prendre le thé et de lire, jusqu'à
la tombée de la nuit.
Tenter de me réveiller
complètement, me changer, partir pour être avant 22 heures à
Aubanel,
payer d'une forte attente
le fait d'avoir une place qui me convienne
découvrir avec petite
curiosité Reise durch die nacht
(voyage au coeur de la nuit) spectacle de Katie Mitchell d'après un
roman de Friederike Mayröcker
Dans un train de nuit
reliant Paris à Vienne, Regina, la narratrice, s'astreint à écrire
un discours pour les funérailles de son père et recolle des
souvenirs fragmentaires de son enfance, enfouis dans un passé
traumatique qui semble ne plus vouloir refaire surface. Cette nuit
sans sommeil est peuplée de visions fugitives, dont la prégnance
perturbante effrite la personnalité de cette femme dans la fleur de
l'âge. Tout, même son compagnon, lui semble soudain étranger et
lui inspire une profonde aversion. En quête d'elle-même, elle
espère trouver dans une brève passade amoureuse la secousse
salutaire qui l'extirperait de la somnolence dans laquelle a sombré
son existence.
Spectacle
créé, je crois, à Cologne.
Sur
scène, un wagon du train, que parcours l'actrice Julia
Wieninger – pendant que des vidéos d'elle, des autres acteurs,
prises en direct, sont diffusées en gros plan. Katie Mitchell dit
qu'elle ne fait pas du cinéma mais du théâtre puisque c'est en
direct, dit qu'elle veut que tout le monde, dans une grande salle,
puisse profiter du jeu des acteurs, parle du flux du texte, comme
chez Virginia Woolf (elle a monté un spectacle d'après les Vagues),
l'actrice principale est très bone (avec peut-être un peu
d'exagération dans la laideur expressive), le texte est beau,
poétique (ce que je lisais sur les panneaux) et ça pourrait être
très bien
seulement ça n'a pas
fonctionné pour moi, (et pas que)
il y a un long écran de
la largeur du grand plateau, et qui occupe la moitié de la hauteur
sur lequel nous voyons l'extérieur du train roulant ou le paysage
défilant, beau, un peu brut et flou, entre les scènes, ou des gros
plans, parfois pris de si près que les visages en sont déformés,
ou flous, en découpages assez musicaux de ce qui se passe dans le
wagon, ou dans un brouillard doré dans les souvenirs, dans une
chambre, avec un grand homme à la barbe blonde, scrutateur, parfois
souriant, une poupée cassée, une évocation de violence – et ça
pourrait faire un beau film un peu onirique et qui traduirait assez
bien le flux de la pensée (même si l'adaptation a rétabli un
semblant de chronologie et a ajouté une histoire de passade
amoureuse avec le steward comme un caillot, qui tire un peu cette
méditation, et le difficile passage d'une femme vers l'approche de
la vieillesse, vers une banale petite tragédie conjugale)
et puis surtout, il y a,
occupant la même hauteur, dans l'obscurité, le wagon dont on ne
voit à part deux trous qui s'ouvrent pour laisser passer les caméras
(plusieurs), les lampes etc... dont on ne voit donc que la paroi et
les fenêtres, aux rideaux parfois tirés derrière lesquels sont les
acteurs – ce qui devrait permette de ne s'intéresser qu'au film
(contrairement à ce que dit Katie Mitchell) mais il y a toutes ces
jeunes silhouettes en noir qui s'affairent, qui attirent l'oeil, qui
font que je ne faisais plus que les regarder.... beau petit reportage
sur un tournage dans des conditions difficiles, mais pas tout à fait
ce qui était prévue.
Eu envie, tout de même, de lire le roman
Suis rentrée, un rien
dépitée, doucement, dans la ville qui vivait, mangeait, écoutait,
buvait, encore avec petite liesse, ai chargé photos les moins
loupées, pris ces notes, et suis repartie
un peu après
une heure vers la cour d'honneur pour y entendre la lecture par Denis
Podalydès d'un texte de Pascal Rambert Avignon à vie (une
commande de France Culture déjà lu par Denis Podalydès en 2011 à
Calvet) que j'aime assez pour l'avoir (l'ai survolé dans
l'après-midi et picoré deux passages, un peu au hasard) alternance
de proses
La cour comble,
même un chat s'est intéressé à la chose, a traversé le plateau
sous l'oeil un peu étonné du public, est venu frôler les jambes de
Padalydès, et le texte, au bout de quelques strophes s'est arrêté
dans un fou-rire
on descend à
Avignon en TGV donc inévitablement on pense dans notre tête on voit
dans notre tête la Cour d'Honneur la Cour d'Honneur on voit le vent
qui sort des corps le vent qui sort des gorges des mains oui le vent
sort des mains dans la Cour d'Honneur le vent sort des mains et alors
? le vent sort des mains le vent sort du ventre oui du ventre et
alors ? il sort des mains et du ventre le vent et des jambes toutes
maigres d'Anne Martin le vent sort de son corps de son corps du corps
d'Anne Martin au centre des oeillets dans la Cour d'Honneur et ce
sera la première image oui allons-y toute couverte d'oeillets la
Cour d'Honneur pour Nelken en
quelle année et alors ? (je ne
sais pas je n'y étais pas pense Brigetoun)
et de poèmes,
l'histoire d'un ou plusieurs séjours au Festival, la vie du
festivalier, une histoire d'amour, le trajet en TGV, et le souvenir
de la vieille gare, ce qui ne parlait qu'aux plus vieux, de l'arriée,
de la place, des remparts, les lieux (et même le camping mais ça
c'est dans la prose), les metteurs en scène, Vitez, Lagarce, les
acteurs et une belle image du Palais en hiver
Devant tant
de beauté et de sévérité.
Combat de
roches. Pliures. Pierres froissées.
Saignements
verts des mousses. Gravier plein de sang.
Nappes
pierreuses comme de froids hurlements.
Et l'on
comprend alors : ce que l'on voit l'été
Sur scène
ces cris ces batailles ces guerriers
Est le
relief vivant de l'affrontement sourd
Minéral
éternel qui brûle sous la Cour.
Et,
ma foi ça paraît un peu sot, j'en suis désolée, même si la cour
n'est pas forcément l'endroit que je préfère, le cadre de mes plus
beaux souvenirs, Podalydès debout dans la nuit avec ce texte, il
était agréable de se laisser aller à la magie et à la connivence.
Retour,
trois heures, Paumée, morue, patates, dormir en oubliant Aubanel.
5 commentaires:
La Cour d'honneur reste un endroit magique : en fait ce cadre oblige les metteurs en scène à être à sa hauteur.
Vous faites bien d'y aller régulièrement, ça requinque, cette beauté-là.
Un jour tenter un spectacle: La cour, un chat la traversant. Rien d'autre!
il a eu un grand succès - Podalydès a prétendu que c'était l'esprit de Vilar et qu'il ne pouvait pas lutter - ai pensé à Casarès
Le festival se regarderait-il un peu lui-même cette année ?
Vivement 2014...
Décidément, tout va changer.
Enfin, peut-être.
avec Denis Podalydès le chat s'invite au théâtre
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