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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, mars 12, 2014

Avignon d'antan : le mariage de Madeleine de Villeneuve, Avignon d'aujourd'hui : guitare dans la nuit


dessin de Jean-Etienne Liotard
Le duc et Madame de Vaucluse, pendant qu'on leur servait et qu'ils buvaient leur chocolat matinal, parlaient justement, puisque c'était le fait marquant du jour, de ce mariage projeté, de la dureté de Madame de Villeneuve, le duc s'attendrissant, Madame de Vaucluse l'accompagnant, tout en laissant paraître une discrète compréhension pour ses motifs, quand on vint leur annoncer Monsieur de Salvador, et, sur leur accord, ils le virent entrer, dans un état fort hétéroclite, accompagné de Madeleine de Villeneuve, misérablement trempée et transformée en fontaine de larmes, le jeune homme en appelant immédiatement, avec vivacité, à leur aide, pendant que la jeune fille défaillait non sans un reste de grâce, ce qui interrompit toute explication, le temps de s'empresser auprès d'elle, et comme la femme de chambre qui les suivait s'écriait que sa maîtresse se trouvait mal d'avoir eu si cruellement froid, le duc fit préparer un lit, Madame de Vaucluse emmena la malheureuse enfant, lui fit donner un bain chaud et ne la laissa que bien douillettement installée.
Monsieur le duc fit donner à Monsieur de Salvador des vêtements secs, l'installa près d'une cheminée et le quitta pour recevoir une visite, plein de curiosité sur ce qui avait amené cette irruption, qu'il tint bien entendu secrète.
Il venait le retrouver quand la femme de chambre vint annoncer que Mademoiselle de Villeneuve, après les soins qui lui avaient été donnés, était en état de les recevoir ; ils la rejoignirent, trouvèrent Madame de Vaucluse à son chevet, et les deux jeunes gens firent le récit de leur aventure devant le duc qui leur dit qu'ils avaient eu raison de s'adresser à lui et qu'il les prenait sous sa protection.

dessin de Boucher
Dès que la matinée eut atteint l'heure convenable pour des visites, le fiancé arriva chez sa future belle-mère qui envoya Marinette, sa femme de chambre, prévenir sa fille. Elle la chercha dans toute la maison, ne la trouva pas, et revint en informer sa maîtresse et le futur qui attendait toujours, dans l'espoir d'exprimer à sa promise sa joyeuse impatience à l'approche de la cérémonie.
La mère s'écria que c'était impossible, qu'elle était certaine que sa fille ne saurait vouloir s'opposer à ce qu'elle avait décidé pour elle.
Le fiancé était comme assommé, stupéfait, rendu muet par la surprise et la gène. Sur le conseil de Madame de Villeneuve, lorsqu'elle se fut un peu calmé, il se retira, bien décidé à rester discret, à ne rien ébruiter, et assez peu fier du rôle qu'on lui faisait jouer, pendant qu'elle envoyait des gens par toute la ville en quête de renseignements.
De son côté Madame de Vaucluse, pour enlever tout pouvoir à la mère, se rendait, accompagné de Monsieur de Salvador, chez l’archevêque, pour le prier de marier les deux amants, ce que, bonhomme et galant comme il l'était, il accepta ; il en chargea en prêtre qu'ils ramenèrent dans leur carrosse chez le duc où il bénit le couple, le mettant ainsi à l'abri des interventions de Madame de Villeneuve.
Quand ils eurent abondamment loué la générosité de leurs protecteurs et que ceux ci se furent attendris devant leurs épreuves et leur joie, Madame de Vaucluse accompagna Madeleine de Villeneuve chez des religieuses, pour qu'elle y attende que sa mère se calme et que le mariage puisse être conclu avec, si possible, le consentement de tous les parents... celui de la famille de Monsieur de Salvador étant déjà acquis.

Elle revenait quand on annonça au duc Madame de Villeneuve. Il fit sortir Monsieur de Salvador, en évitant qu'il ne croise la mère courroucée, et se prépara à soutenir la colère de cette dernière.
Elle arriva en tempête, dit qu'elle ne pouvait croire qu'il eut consenti à donner asile à un enleveur de fille, traita de tous les noms Monsieur de Salvador, annonça qu'elle allait lui intenter un procès...
Le duc la laissa vider son sac, puis décrivit l'état dans lequel était Madeleine de Villeneuve lorsqu'elle s'était présentée chez lui, dit que tout le monde l'aurait accueillie, qu'elle était en danger de mort, ce qui était peut-être un peu exagéré, et Madame de Vaucluse, calmement, en femme qui s'adresse à une mère, refit l'histoire de cet amour contrarié, fit appel à sa tendresse, laissa paraître une pointe de désaccord devant sa sévérité, et pour la tranquilliser lui assura, appuyée du témoignage de la femme de chambre, que sa fille était dans un couvent.
Mais que faire maintenant ? demanda la mère. Plus rien que consentir lui répondit le duc, elle est mariée et ce mariage n'est pas moindre que celui que vous envisagiez.
Madame de Villeneuve s'emporta encore un peu, renia sa fille, dit qu'elle ne s'en occuperait plus, ce qui équivalait à préciser qu'elle se passerait de dot... et comme elle n'était visiblement pas encore prête à accepter la situation de bonne grâce, le duc la laissa partir.
Dans les jours suivants, le duc et Madame de Vaucluse se répandirent en démarches – je pense qu'ils étaient fort contents du rôle qu'ils jouaient, et secrètement assez satisfaits de la petite agitation que cela mettait dans leur vie – La mère, la réflexion venant et sur quelques conseils amis, finit par consentir à rencontrer sa fille et se réconcilier avec elle, pourvu qu'on ne lui demande pas une dot trop importante, ce qui fut accepté, d'autant qu'à sa mort, sa fille rentrerait dans sa part de l'héritage paternel, et un dîner fut organisé avec Monsieur et Madame de Salvador et leur fils.
Madeleine sortit du couvent, le notaire fut appelé, le mariage conclu, qui depuis lors fut le plus heureux du monde.

En ayant ainsi fini avec le duc d'Ormond, et continué à vider Paumée de ses lecteurs, m'en suis allée, en début de nuit, à l'opéra, écouter Milos Karadaglic, dit Milos, un guitariste, beau ténébreux mais pas que, un éveilleur de sons doux et ronds, jouer Bach, la suite en do mineur de façon merveilleuse, et puis se lancer dans un discours en anglais, charmant un moment, un peu agaçant à la longue, qui s'avérait très longue, ne tenant aucun compte de la compréhension ou non compréhension de son public, lequel pour une partie était très fier de rire quand il le fallait, pour une autre, attendait que cela se passe, pour nous expliquer qu'il ne suivrait pas le programme, avant, enfin de donner, et jamais je n'avais entendu si riche guitare, deux morceaux de Manuel de Falla...
Seulement cela a continué, dix minutes/un quart d'heure de discours que, furieuse de cette inconsciente grossièreté, cette arrogance involontaire d'ancien enfant prodige, de beau gars, de bon instrumentiste au succès mérité, je me suis appliquée à ne pas comprendre, que je ne comprenais d'ailleurs tout simplement pas parfois, devant une salle de plus en plus résignée et silencieuse, pour un gros quart d'heure de musique merveilleuse... des airs argentins, brésiliens etc... mille fois entendus mais jamais ainsi.
Malheureusement, peu à peu l'exaspération mettait de plus en plus de temps à s'effacer en moi, pour laisser place au plaisir, d'autant que les morceaux étaient tout de même d'inégale qualité, et m'en suis allée, la première, à grands pas avec des «ta gueule ! joue !» rentrés.

un lien pour l'écouter http://milosguitar.com/video/

6 commentaires:

Gérard a dit…

merci pour ce cadeau...Milos à la guitare

Danielle Carlès a dit…

Ça m'aurait énervée aussi.

Dominique Hasselmann a dit…

Guitare... mais je ne peux m'empêcher de penser à l'interprétation sublime de ce même concerto d'Aranjuez par Miles Davis (que le conte d'Ormond ne devait pas connaître) !

Brigetoun a dit…

le fait est que j'en doute
Quant à Milos si j'ai bien compris il a été tenté par la guitare jazz avant d'opter pour la guitare classique et latine (avec des essais flamenco)

Isabelle Pariente-Butterlin a dit…

Je découvre grâce à vous ce concerto … quelle merveille … merci mille fois. Et vous lisant, vous qui contez si bien. Le temps ce soir ainsi passe doucement. Vous avez l'art de conter, et comme ce concert, et votre exaspération (pardon) deviennent amusants, et comme j'aurais aimé vous entendre le lui, ce splendide "ta gueule ! Joue !" !!!

tanette2 a dit…

Un petit bonjour en passant et avant de m'absenter pour une petite semaine...