regarder d'un oeil vague
les carreaux mouillés de la cour, le bleu de l'hortensia exalté par
le jour frisant sous couverte blanche, se dire qu'il sera inutile
d'arroser, sortir petit chandail-à-côtes-qui-ne-se-repasse-pas,
retrouver le plaisir des bottes et s'en aller chancelant sous la
charge, la force en allée dans une inattention, avec un sac bourré
de linge à nettoyer.
Se rencogner dans sommeil
qui réclame plus que son dû et, tant pis pour éventuels passants,
un dernier (pour le moment) survol des oeuvres rassemblées en
hommage aux lucioles.
Spencer Finch –
Blue – lampes, câbles électriques métalliques -
Madame,
Monsieur, Je sais que votre structure permet à un public en
difficulté de reprendre la vie active. J'apartiens à ce public car
je suis incarcéré en centre de détention depuis le 8 mai 1990.
Votre activité m'intéresse vivement, car j'ai une expérience
variée comme vous le verrez sur mon CV ce qui me permet d'être très
polyvalent. Si je pouvais bénéficier d'un contrat au sein de votre
structure cela me permettrai d'obtenir une semi liberté dans le
cadre d'un aménagement de peine. C'est avec ma conseillère
d'insertion et de probation Mme B. que je construis mon projet. Vous
pouvez la joindre directement par téléphone. Dans l'attente d'une
réponse de votre part et d'un futur rendez-vous je me tiens à votre
disposition. En espérant que vous comprendrez ma demande et que
celle-ci retiendra votre attention. Je vous prie de croire, Madame,
Monsieur, à l'assurance de ma considération distinguée. Merci de
votre compréhension
Roni
Horn – Cabinet of – photographies – mais aussi les photos de
graffitis de Brassaï
Je ne me
suis pas pendu. Mais il y a eu «commencement d'exécution», comme
pour beaucoup de mes camarades qui ne s'en sortent pas. Lorsqu'on n'a
plus le droit d'être un homme, il ne reste plus que la mort. J'ai eu
la chance de survivre, car j'avais ma porte de sorti : les études et
l'espoir de témoigner après ma libération. Je ne suis pas mort car
j'espérais être un jour un homme encore. Entre la dégradation et
la mort, je choisis la mort.
Alessandra
Tesi – spazi Buccati – impression photographique sur aluminium -
mais
aussi le très grand tapis de petites lampes de Massimo Bartolini
dans la demi-obscurité d'une voûte.
Et déjà la
nuit pâlit dans une clarté
Qui griffe
la cornée et y réfléchit
Une image de
murs mutilés. - Pasolini
Claude
Levêque – j'arrive d'un autre monde – néon brouillard son -
mais
aussi la belle vidéo de Jean-Michel Pancin «tout dépendait du
temps» : la main d'un ancien prisonnier dessinant son trajet de
cellule en cellule, en espaces, dans la prison Sainte-Anne pendant
que sa voix of dit sa vie.
On vous met
nu dans le couloir. Certains gardiens ne se gênent pas pour vous
tripoter. La dernière fois, ils ont enlevé tous les mégots qu'on
avait mis de côté. Une photo de ma fiancée. On s'est plaint. On
nous a dit de le faire auprès du chef. Comme ça aurait été le
mitard, on ne peut rien dire.
collectif
Claire Fontaine – Tennis Ball Sculpture / Mexican – balles de
tennis et bonbons mexicains (en écho aux objets lancés dans la cour
pour les prisonniers)
mais
aussi l'Institution en cage de Louise Bourgeois.
Ici,
reposent les cendres du pauvre Tulac qui, fatigué de voler en ce
monde, va voler dans l'autre.
Adel
Abdessemed – cocktail – lutrins, carnets avec dessins au fusain -
mais
aussi les photos atroces en noir et blanc, corps tourmentés, déchus,
étranges, de Roger Ballen
Mais si je
possède l'histoire
elle me
possède elle aussi ; je vis dans sa lumière :
mais à quoi
bon la lumière ! - Pasolini
Douglas
Gordon – Three Inches (Black) – 11 photographies couleur -
mais
aussi les chaises électriques de Warhol
Permettez
que je me présente, je me nomme Jean, de baptême, détenu à la
centrale pour une très longue peine. Je suis retraité en parfaite
santé, sportif, actif, épicurien, et plein d'allégresse. Je
cherche une correspondance avec une femme célibataire retraitée.
Kendell
Geers – Twilight of the Idols (Saint Sebastian) – ruban de
balisage et objet trouvé -
mais
aussi la vidéo de l'agonie du fils dans Mamma Roma de Pasolini
Bonjour à
toutes et à tous,
Alors voilà
aujourd'hui cela fait 3 mois que j'ai envoyée ma demande de parloir.
N'étant pas un membre de la famille, le directeur du cp m'a demandé
une enquête de moralité il est précisé que celle ci met au
minimum deux mois. J'appelle régulièrement le cp mais aucune
réponse à ce jour. J'ai été voir le commissariat pour savoir
s'ils avaient reçus une demande d'enquête de moralité, le chef de
poste m'a dit qu'il ne pouvait rien me dire pour l'instant. La dame
de la sous-préfecture m'a dit qu'elle avait bien reçue ma demande
mais pour l'instant toujours rien... Je ne sais plus quoi faire, je
commence a perdre patience, 3 mois sans le voir, ça commence
vraiment a être difficile...
Francesco
Vezzoli – Self-Portrait As Emperor Hadrian Loving Antinoüs –
buste d'Antinoüs en marbre de Carrare (XIX°siècle) buste de
l'empereur Hadrien en marbre avec les traits de l'artiste -
mais
aussi, de Gordon Matta-Clark, la maison fendue (épreuve argentique
contrecollée et ruban adhésif noir)
Une fois
échappé d'ici, il vaut mieux aller habiter les bois, comme font les
sauvages.
Yan
Pei-Ming – Marat – peintures réalisées pour l'exposition, 3
grandes huiles sur toile, chacune dans une cellule, dominante ton
assorti à porte -
mais
aussi «Time, Clock Of The Heart (After Ingres)» de Vezzoli portrait
imprimé sur toile et papier et papillons brodés -
Si les
prisons éclataient et que les détenus puissent s'enfuir, ô quel
plaisir. Le soussigné Bersagliere de la Porta Palazza.
Cy
Twombly – Fulson St Studio, NYC, impression sur papier
mais
aussi tout le deuxième étage (plus réduit) dont j'ai manqué
l'entrée, que je veux parcourir, voué à la guerre, au racisme... à
Basquiat, Alighiero Boetti, à Genet «un chant d'amour» et Anselm
Kiefer
Durand
cellule 134 est une balance
Douglas
Gordon – Punishment Exercise (Black and White) – 117
photographies noir et blanc
mais
aussi les délicates roses en papier confectionnées par les
prisonniers, et une femme dans la file d'attente, derrière moi,
parlait de celle qui lui avait été offerte, enfant..
Amis de la
prison, répétons la chanson
Et vive la
gaieté dans la captivité
Car entre
nous il nous faut nuit et jour
Du courage
entre nous, vive le troubadour
Car le
chagrin ne durera pas toujours
Nous aurons
bien jour cette liberté
Que l'on
attend ici dans la captivité
Zoé
Léonard – Robert – 10 valises -
mais
aussi de Nan Goldin les autoportraits (sorties de maisons de repos ou
cliniques) et le portrait de Joey With Cake et son gâteau parce que
«She is free»
J'écris
vite fait car j'ai pris mon médicament ; sacrosainte médication qui
nous fait oublier toute la misère du monde ! Bientôt je ne verrais
plus les lignes et je mettrais cinq minutes pour écrire un mot. Mais
j'en ai besoin : c'est le seul moyen de me défouler et d'avoir le
courage des mots. Tu sais la came ça rend veule et lâche envers
soi-même.
Kiki Smith – Southern Hemisphere Constellation – encre sur papier et
méthylcellulose -
mais
aussi ses gravures, et quelques oeuvres de Berlinde De Bruyckere,
rescapées des «Papesses»
Mon étoile
adorée, quand pourrais-je te b..... ?
L'amour est
une grande chose, mais la faim surpasse toute chose.
Kimsooja
– Bottari – couvre-lits et vêtements utilisés
mais
aussi les objets et organes en verre de Chen Zhen
L'enfant
fait fête et tourne vers son père
Un visage
rieur, comme une étoile
Qui entre
les étoiles tremble de joie - Pasolini
9 commentaires:
belle visite
merci... =mais constaté tout ce que j'ai manqué dans petite affluence du vernissage
Barreaux à l'extérier, barreaux à l'intérieur...
L'art peut se faufiler.
me^mê si parfois il semble là un rien prétentieusement futile (pas trop dans ce que j'ai noté, même si pour apprécier certains il faut faire effort pour nier le lieu)
Chaque image, chaque mot laisse un temps de réflexion , plaisir de retrouver les artistes familiers du lieu
Parcours heureusement guidé. On passe et repasse avec chaque fois un coin de regard inattendu. MERCI
Oh ! merci
quelle richesse, quelle force
cette vie sur terre
merci pour Brassaï,et tous ces êtres
qui donnent un sens à la vie.
La vie est une prison. Le rêve y donne des ailes pour s'évader.
passionnante visite surtout les photographies et impressions sur papier
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