dans l'antre, ou dans le
soleil qui baigne un coin de la cour sans encore la transformer en un
four invivable, ignorant ce que dit le haut-parleur d'une fête
quelconque sur le Rhône ou devant le Rhône, me suis plongée dans
mes souvenirs, en déplorant un peu d'avoir sauté par moment des
cellules, ou des portes fermées nécessitant de se succéder devant
le judas, et le catalogue de l'exposition de Sainte-Anne, puisque sur
une impulsion et comme le fais rarement, trouvant cela idiot,
encombrement inutile par un objet jamais ouvert, je l'ai acheté ce
que je ne regrette pas.
Catalogue de cette
exposition qui a été l'occasion d'une
nouvelle invitation de la belle collection d'Ena Righi de Bologne,
avec des ajouts venant de la collection Lambert, de la collection
Pinault de Venise, de la collection La Gaia de Busca, de collections
particulières.
Catalogue qui s'ouvre,
dans la présentation, par Eric Mézil, directeur de la collection
Lambert et commissaire de l'exposition, intitulée la disparition
des lucioles, par Verlaine, bien
entendu, que l'on retrouve dans la section vie en prison avec un
autoportrait et quelques poèmes (mais à ma déception pas celui-ci,
sans doute le plus connu, et qui s'imposait, dansait dans ma mémoire)
le ciel est par dessus
le toit
si bleu si calme
un arbre dans le ciel
qu'on voit
berce sa palme....
et
par ce passage
La nuit dont je te
parle, nous avons dîné à Paderno, et ensuite dans le noir sans
lune, nous sommes montés vers Pierre del Pino, nous avons vu une
quantité énorme de lucioles, qui formait des bosquets de feu dans
les bosquets de buissons, et nous les enviions parce qu'elles
s'aimaient, parce qu'elles se cherchaient dans leurs envols amoureux
et leurs lumières, alors que nous étions secs et rien que des mâles
dans un vagabondage artificiel.
d'une
lettre de Pasolini, adressée de Bologne, en 1941, à Franco Farolfi.
Lucioles
qui reviennent dans l'articolo della luciole publié le 1er
février 1975 dans le Corriere della Serra, sous l'inspiration duquel
a voulu se placer l'exposition, et qui a été à la base de la
survivance des lucioles de Georges Didi-Huberman (souvenir du
petit spectacle de Nicolas Truon aux Pénitents blancs, l'un de mes
meilleurs et plus forts souvenirs du festival 2013 où je voulais
envoyer tous les gens rencontrés alors que les quelques places
étaient venues depuis longtemps).. Georges Didi-Huberman qui a écrit
pour ce catalogue un texte lumière contre lumière lequel
comporte, après des fragments de poèmes de Pasolini, et avant une
belle méditation philosophique et poétique faisant appel à Dali,
Benjamin, Merleau-Ponti... trop longue, trop dense pour que puisse
l'évoquer, un passage sur l'affrontement entre le lieu infâme
qu'est une prison et la fame, la renommée des oeuvres
d'art médiatiques, à tort ou raison, que j'ai repris pour
http://brigetoun.wordpress.com.
(et de fait certaines oeuvres ont du mal à lutter contre la force du
lieu, du moins à mes yeux, mais non pas toutes, loin de là, et pour
certaines une nouvelle visite, tranquille, hors foule, en prenant
temps de mettre son oeil à d'autres judas, puisque certaines sont
présentées ainsi, derrière une porte verrouillée et de regarder
complètement ou davantage que ne l'ai fait certaines vidéos, comme
celles qui m'avait saisie de Joan Jonas my new theater III – in
the shadow a shadow)
catalogue
qui comprend également, outre la présentation par Eric Mézil de
chaque section, et de belles photos (alors que les miennes, qui se
sont limitées à ce qui ne se refusait pas à mon piètre appareil,
ne peuvent être qu'évocations de certaines des 200 oeuvres et pas
forcément celles qui m'ont le plus retenue)
une
histoire savante et fouillée du quartier depuis l'aube de
l'histoire, des asiles d'insensés, des prisons, de la gloire
des Pénitents noirs, de la trop longuement survivante prison Sainte
Anne et, rapidement, des péripéties des projets pour son avenir
l'intervention
de Philippe Astières qui, actuellement présente avec Mathieu Pernot
à la Maison Rouge l'asile des photographes exposition à
partir d'archives d'un hôpital psychiatrique, et qui donne ici un
beau cut-up de biftons et lettres de femmes de prisonniers, dont j'ai
grande envie de reprendre certains éléments, alternant, sans lien
évident, avec l'évocation ou la photo des oeuvres qui me
sollicitent, pour une évocation de ma visite qui promet d'être
longuissime et lassante (tant pis c'est pour moi) que, quitte à
lasser, je vais fractionner en plusieurs tomes, sans qu'ils
respectent forcément l'ordre de présentation au long de ces grands
couloirs, de ces escaliers, de ce dédale géométrique.
Donc
go, pour une première livraison avec :
Loris
Gréaud – Spore speakers – résine, silicone, hauts-parleurs,
lumières
mais
aussi Kimsooja «A laundry woman» fascinante vidéo d'une femme, de
dos, devant un paysage d'eau évanescente, matin calme
oh
toi charmante hirondelle dans tes chants printennier,
pourrait
tu me dire quand j'aurais ma liberté
Markus
Schimwald – Skies – huile sur toile
mais
aussi, de Marcel Boodthaers avec notamment «Pluie» une vidéo où
il s'obstine à tenter d'écrire sous la pluie, ou droit dans un
paysage nu au ciel bleu, le jeune homme photographié avec son
panneau muet par Mircea Cantor
Je salue le
265 dont j'ignore le nom. Au revoir pour aujourd'hui compagnon
d'infortune.
Nan Goldin – Bruce in the Smoke, Solfatura, Pozzoli, mais aussi les
carceri de Piranèse
Et déjà la
nuit pâlit dans une clarté
Qui griffe
la cornée et y réfléchit
Une image de
murs mutilés – Pasolini
ou
J'ai rêvé
Ginota ! avec une riche robe brune – ornée de pierres bleues –
elle s'asseyait près de moi et m'étreignait d'une de ses mains –
et tel était le plaisir de ma délectation – de l'avoir une fois
enfin séduite – que je me pris à la regarder, et elle me plut
tant – que ma joie se versa en pleurs – mais bientôt la vision
disparut – Disparut la bien aimée – et j'embrassai des larves.
Roni
Horn – Dead Owl 1997 – faisant face sur l'autre mur à Dead Owl
2009 têtes claires sur fonds blancs d'un garçonnet ébauchant un
sourire
ou
de Rémi Zaugg les deux N.T. grands panneaux d'aluminium l'un gris
très pale portant en grandes lettres blanches
«QUAND
FONDRA
LA
NEIGE
OU
IRA
LE BLANC (avec l'accent que ne sais obtenir) l'autre blanc aux
lettres grises
Mademoiselle,
Comme vous
m'avez écrit ce matin que vous aviez seulement 37 jours à faire si
vous voulez, nous partirons dans un pays inconnu et nous vivrons bien
heureuses. Si vous êtes contente, mettez un billet dans la même
place. A demain.
Zoé
Léonard – sans titre – pelures, aiguilles, fermetures éclairs..,
mais aussi Philippe Parreno - Speech Bubles - ballons argentés
suspendus dans un couloir (visible chez Françoise Dumon
http://avignon-etats-lieux.blogspot.fr/2014/05/un-musee-geant-linterieur-de-lancienne.html?spref=fb
je te
comprends c est vraiment dur mon homme est sortit d'un an de prison
au moi d'avril et vient de retombé pour trois ans, cela fait que 1
jours kil est incarcéré mais c est dur car je me retrouve seule
enceinte de bientôt 7 mois c est atroce comme situation pour n
importe quelle femme de se retrouvé sans son homme la solitude pèse
et l'angoisse !!! si ta besoin de parler n hesite pas courage a toute
Anselm
Kiefer – Asche für Paul Celan – bateau en plomb, livres en plomb
et blocs de béton
J'aime mieux
entendre le chant de l'alouette, que le cri de la souris.
Ces juges
sont menteurs et hypocrites outre mesure.
…
Un jour ou
l'autre, nous sortirons de cette cage de bêtes fauves. Justice
infâme ! Michele
Oh ! quelle
triste solitude ! mère de funestes pensées !
Gloria
Friedmann – le Cobaye – terre et acier
ou
de Douglas Gordon – 30 Seconds Text – lettrage, système de
minuterie et ampoules – permettant de lire (juste en cette durée)
En 1905 en
France, un médecin réalisa une expérience au cours de laquelle il
essaya de communiquer avec la tête tranchée d'un condamné à mort
immédiatement après que celui-ci a été guillotiné
«Immédiatement
après la décapitation, les paupières et les lèvres du condamné
se contractèrent pendant 5 à 6 secondes.. Au bout de quelques
secondes, les contractions cessèrent, le visage se relâcha et les
paupières se fermèrent à demi sur les globes oculaires, ne
laissant apparaître que le blanc des yeux, comme chez les mourants
ou les personnes récemment décédées.
«Languille
! Criai-je à ce moment-là d'une voix forte. Je vis les yeux
s'ouvrir sans cligner, en un mouvement lent et précis. Le regard
n'était pas morne et vide ; les yeux, bien vivants, me regardaient,
incontestablement. Quelques secondes plus tard, les paupières se
refermèrent doucement.
Je
l'interpellai de nouveau. Les paupières s'ouvrirent lentement, sans
contractions, et deux yeux, vivants assurément, me regardèrent
attentivement, avec une expression encore plus perçante que la
première fois. Puis les yeux se refermèrent. Je fis une troisième
tentative. Sans réaction. L'épisode entier dura entre vingt-cinq et
trente secondes.»
.. la
lecture de ce texte devrait prendre en moyenne entre vingt-cinq et
trente secondes.
Gloria Friedmann – théâtre d'ombres –
photographies noir et blanc
mais aussi la vidéo d'une interview que n'ai pas
regardée, que voudrais voir - me suis contentée de la beauté de ce
visage en passant et d'être intriguée par une remarque d'un
visiteur (qui m'avait reconnue, dont je cherchais à quel moment
agréable, j'en était sure, il correspondait, et je m'en veux
d'avoir aussi tardivement réagi au nom de Cécile Portier qui m'a
transportée une minute, mais trop tard, devant un café sur une
terrasse de Villeneuve avec, entre autres, cet homme assez
passionnant) relatif à Auschwitz – de Marceline Loridan-Ivens
racontant son internement à Sainte-Anne avant sa déportation.
Je
recherche une correspondante femme entre 40 à 50 ans, je suis
incarcéré à la maison centrale et nous n'avons pas la possibilité
de correspondre par internet car cela n'existe pas et c'est interdit.
Je suis de nationalité française et j'aimerai avoir une personne
avec qui je puis échanger soit par courrier et téléphone.
PARDON
5 commentaires:
Une somme...
Pasolini, Didi-Huberman, ces noms résonnent : la pensée se transmet comme la poésie.
quelques artistes mondiaux médiatiques, mais des richesses
et bravo à Eric Mezil pour le catalogue, même si prévu plus pour prolongement que visite
Terrible. La cage ouverte, les oiseaux s'envolent.
On est tous des prisonniers, mais nos prisons ne sont pas toutes parteilles. - Moi
les barreaux enferment, le barreau pour espérer....
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