Eveil, tranquille
lassitude, regard résolument distrait sur le tas d'une semaine de
repassage en attente, envie d'oisiveté totale, ma douce et interdite vocation,
mais, nécessité primant,
prendre un couffin et m'en aller dans les rues
soleil, vent joueur, ville qui s'éveille, dernières traces du mois...
légumes de plein été,
installés,
et vacances imminentes du
poissonnier...
emplir, un sac de légumes,
patates et fruits, en faire une charge bien lourde
mettre deux petits pageots
et trois fromages dans couffin
ne pouvoir assouvir mon envie presque
irrésistible de me caler dans ce fauteuil vacant...
et reprendre souffle, à
côté d'un vélo que le vent vient de renverser, sur le bord de la
place, répartir charge,
partir tout doux, tout
doux, en rencontrant une très distraite affichiste, une dernière
parade, avec l’imperturbable sourire des coréens...
rangements, préparation,
gros déjeuner, projets de spectacles dans l'après-midi, sieste,
sieste, regarder le soleil sortir de la cour
et puis finalement croire
que le concert électro
http://www.festival-avignon.com/fr/spectacles/2014/concert-electro-pont-saint-benezet-et-berges-de-l-ile-de-la-barthelasse
qui a commencé depuis une heure sur le pont Bénézet me tente,
sortir des remparts,
voir la file de gens qui
prennent le pont, pendant que le vent me salue avec énergie, penser non
regarder à travers zoom
le public par delà le bras du Rhône, et ceux qui, de notre rive,
n'entendent guère (moi non plus)
aller, luttant contre
vent, qui n'est pas si fort mais bien trop pour moi, vers le pont, et
plus loin la navette – me planter là, dans un calme, résistant
aux bouffées, me demander si j'ai vraiment envie de cette musique,
conclure que non
et repasser la porte du
Rhône, penser théâtre, Chêne noir, Mesguich, Pinter, dans un peu
plus d'une heure, vaciller un poco, penser basta, reprendre la rue du Limas déserte
vers l'antre.
Comme j'avais du temps et
aucun désir même infime de m'activer, pour mieux me protéger de ce
risque, j'ai fouillé un peu plus le site du festival (très bien
fait, bravo) que lorsque je ne cherchais qu'une photo et le texte
distribué dans la salle ou le lieu, pour m'éviter la recherche de
mes lunettes dans le tréfonds du panier, où j'ai trouvé des vidéos
d'extraits de certains spectacles et me suis promenée un peu sur la
page
http://www.festival-avignon.com/fr/webtv/cat/extraits-de-spectacles
devant ce que j'ai aimé, ce que je regrette de ne pas avoir vu…
avant de prendre, vers dix
heures vingt, mon dernier billet, mon panier, un châle roulé sur
l'épaule et de m'en aller joyeuse, passant devant des restaurants
qui fermaient déjà, des collectionneurs d'affiche en action, vers
le palais, la cour d'honneur et le concert Corps
de mots des
Têtes raides. Et puisque Jeanne Moreau
qui était prévue (ce qui avait notablement renforcé mon envie de
prendre un billet) a dû, il y a une dizaine de jours, se décommander
accablée par cette décision, tenant
à s'excuser auprès du public du Festival d'Avignon, de toutes les
équipes du Festival, d'Olivier Py et de Paul Rondin, des Têtes
Raides et de Lydie Dattas
arrivée un peu en avance, alors que ce soir ils n'ont
ouvert les barrières qu'au dernier moment,
attente, à côté d'un danseur indonésien, dansant
comme pour lui même, dans le noir, et l'indifférence,
et puis la montée, l'accueil de ce visage sous la voute
près de l'escalier qui débouche dans la cour, le mur, de grands
abats-jours qui se balançaient dans le vent,
une projection d'une des vidéos expliquant
l'intermittence, magnifiée par la taille de son support, et
l'arrivée sur scène d'une bonne vingtaine des intermittents
un long silence, une grosse partie du public
applaudissant, quelques sifflets, la lecture d'une belle lettre à
Aurélie Filippetti, comprenant qu'elle, elle se sent concernée,
mais pas au point de s'opposer radicalement,
et après leur départ et une attente, Christian Olivier
entrant seul, s'asseyant à la petite table et disant Je suis sale
de Lautréamont (photo de Christophe Raynaud de Lage comme la
suivante)
entrée, des musiciens, et la nuit, le mur, quelques
projections, eux et les poètes Appolinaire, Artaud, Stig Dagerman,
Desnos, Dubillard, Queneau, Rimbaud, Marina Tsvetaïwa, Christian
Olivier et le condamné à mort de Genet
C’est le texte. Un
poème, une chanson, un récit, c’est de la matière, c’est de la
chair. Tous les auteurs que j’ai choisis se réunissent là-dedans
aussi. Souvent je trouve qu’en s’emparant de la poésie, on veut
trop partir du sens, trop interpréter. Et comme spectateur ça
m’ennuie profondément parce que ce n’est pas le but. La poésie
même, en son principe, ouvre mille sens. C’est précisément cette
valeur qu’il faut préserver en la donnant à entendre. Et je crois
qu’on y parvient en laissant le corps s’en charger, en devenant
simplement la caisse de résonance. L’approche d’un poème ne
peut pas être purement intellectuelle. Lire Antonin Artaud,
ressentir ce qu’il écrit, est une expérience vraiment physique.
Le sens vient quand on est entré dans la matière, dans l’organique.
Roland Dubillard, dans Corps de langouste, résume très bien l’idée
que le corps est d’abord une machine. Il s’agit de la laisser
tourner toute seule. Le corps se met en route, et apporte une
certaine vérité, trouve un chemin. Ce n’est qu’une fois pris
dans ce mouvement des sens que des bouts de sens apparaissent.
Et puis, après que soit
projetée la vidéo d'Emma avec
Jeanne Moreau, la lecture de la nuit spirituelle de
Lydie Dattas, et la carcasse Brigetoun entrant en révolution, me
faisant trouver, cette fois, interminables (carcasse rend bête et
partiale) les retours sur cette beauté interdite aux femmes, privées
de tout droit à la spiritualité (j'en étais la preuve).. suivi de
Ginette,
me
suis levée pour filer le long du premier rang, au moment des
premiers applaudissements, ai voulu applaudir, au bout, près de la
sortie, et prendre en photo les saluts, mais me suis heurtée à
l'intransigeance d'une jeune tee-shirt rouge, la première
désagréable qu'ai rencontré…
alors
suis sortie, la seconde, sans participer à la petite joie collective
ai trébuché un peu sur la calade dans la nuit, me suis retournée pour
voir le début de la sortie du public, ai fait mes adieux au festival
et suis rentrée, poussée par le petit vent.
4 commentaires:
Bel Adieu il me semble !!de tout ce que tu as vu et partagé
le reste... en imagination de plaisir
Encore Bravo et Grande reconnaissance
Vive le Festival. À l'année prochaine.
Merci pour la vivante chronique tenue sans répit malgré l'évidente fatigue.
grand merci à vous et aux lecteurs lutes mais enregistrés pour l'aide apportée
J'arrive juste pour le clap de fin...Je te souhaite une bonne semaine de repos.
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