émerger comme peux,
petite visite (j'aime bien le faire, pied nu et en chemise, pendant
que je crois la ville encore endormie) dans la cour, cueillir avec
dévotion le cadavre de La rose
Petit tour sur programme,
et constater avec honte qu'au lieu du regroupement en appui aux
palestiniens (dans mon esprit pas uniquement à Gaza, la négation de
la Cisjordanie est plus insidieuse mais pas plus tolérable et nie
tout espoir de paix) ce sera m'occuper de mon ventre, et une petite
expédition aux halles, limitée parce que forces pas là...
un coup de téléphone
pendant que je n'en suis qu'à émerger de la douche, je dis que vais
aux halles, que navrée on ne peut se voir...
étendre lessive, choisir
jupe, choisir tee-shirt, prendre couffin, oublier sac, prendre
appareil et s'en aller dans les rues, avec une grande grimace
adressée au ciel (me suis dit, je ne programmerai plus les Carmes,
ils me jettent un sort)
avancer tout doux, tout
doux, dans la rue Bonneterie, presque aussi déserte qu'elle le sera
à la fin du mois, il est trop tôt,
et pendant que je suis
devant l'étal de mon marchand de légumes, avoir le plaisir et
l'honneur d'être interpellée,... un peu navrée d'avoir été,
entre fatigue, lenteur à démarrer le matin, conversation avec
marchand, et surtout éberluement, toujours, que l'on se donne du mal
pour me rencontrer, insuffisamment chaleureuse... j'ai trainé la
jeune femme jusqu'au fromager, refusé un café, parce que c'est
l'heure où je ne sollicite pas carcasse, appris de qui me venait le
cadeau.. et après un échange de bises, elle est partie vers son
futur hors Avignon,
suis allée acheter des
rougets...
sur le chemin du retour,
tenu promesse faite au tourneur de petits vases, de lui acheter un de
ses panneaux de céramique, sans grande originalité, mais qui me
plaît peut-être plus ainsi (avec le plaisir aussi de son
plaisir...)
traîner un rien mes
derniers pas, ragaillardie un temps par une fanfare
et puis rangement,
cuisine, déjeuner et rien, résolument rien, si ce n'est un rayon de
soleil qui m'a attirée dans la cour pour voir le bleu envahir le
ciel et sourire avec espoir.
Après le thé, me suis
sentie des fourmis dans les jambes, et parce que c'était près,
parce que n'avais pas envie de me plonger dans la bible, parce que je
les ai rencontrés plusieurs fois, qu'ils m'ont paru courageux drôles et intelligents, que j'avais
plus ou moins promis, et en hommage à ma nourrice sèche, idole d'un
moment de mon enfance, et tirailleur sénégalais, m'en suis allée
vers le théâtre
Golovine, un endroit que j'aime bien, pour voir noir de boue et
d'obus, spectacle d'une troupe
installée en région parisienne depuis une dizaine d'années, Difé
Kafo, spectacle soutenu (s'imposait) par le Ministère de
l'Outre-mer, la délégation interministérielle pour l'égalité des
chances des français d'Outre mer, les Ultramarins ont de l'audace
(petit sourire perdu dans les institutions), et la région
Guadeloupe, et avec tout ça spectacle sans prétention autre qu'un
travail accompli, spectacle pas parfait, qui m'a plu (sans être ébouriffant de
nouveauté, nettement mieux que sympathique).
photo trouvée sur le site du théâtre
Quelque part dans l’Est
de la France entre 1914 et 1918…
Conscrit français, tirailleur
sénégalais, volontaire des Antilles - Guyane, un adversaire les
réunit dans des tranchées putrides. Alors on tente d’échapper à
la terreur, au froid, à l’épuisement et à la folie. Et chacun de
se raccrocher à ce qu’il a de plus intime, à sa propre culture.
Et chacun aussi de reconnaître en l’autre son frère d’arme, son
alter ego, dans une humanité refondée.
C’est l’histoire
d’une rencontre qui n’a peut-être pas eu lieu entre les cultures
d’Afrique, des Antilles - Guyane et d’Europe, où danse et
musique s’imposent comme seules échappatoires.
Une
bande son qui mélange scènes d'hôpital, bruits de guerre,
condamnation des fusillés, lettre de filleul et lettre de marraine,
cancan et flonflons, boulagèl, son du sambar
une
danse qui rend assez bien, avec stylisation, les combats, la
tranchée, la reptation, les blessés et les soins fraternels, avec
parfois sur les visages, surtout de l'une des femmes blanches et du
grand sénégalais, l'effort, la frousse, la douleur, et des danses
de village, danmié (ai appris : danse ce combat martiniquaise,
combat cadencé, art martial appelé ladja en Guadeloupe)
les
airs de Doudou a moi li qu'à partir... les africains... ancien
combatant.. et des airs créoles ou sénégalais contestataires avec
traces d'humour
et un
peu avant la fin, pendant qu'ils sont à terre, sur la chanson de
Craonne, une grande vidéo très réussie, qui me semble partir du
dessin, en blanc, dynamique, détourant les personnages de photos
d'actualité..
saluts,
petite réclame faite avec la grâce qui convient, sans lourdeur, de la
compagnie et des intermittents
et
retour vers l'antre, changer de tee-shirt, arroser, préparer ceci un
peu à la va comme je te pousse, décider qu'il ne pleuvra pas (très
inquiète par contre pour demain où je vais à l'un des concerts
tant désirés de musique mêlée à partir de la source arabo
andalouse aux Célestins, les prévisions sont très très humides)
et m'en aller
vers
la place des Carmes et La imagination
del futuro, texte La Re-sentida, mise en
scène Pablo de la Fuente
Le 11 septembre 1973,
Salvador Allende prononce son dernier discours public en tant que
Président de la République du Chili. Quelques instants plus tard,
dans le palais présidentiel pris d'assaut, il se donne la mort pour
ne pas se rendre aux forces de Pinochet, qui mettra en place dix-sept
ans de dictature. Voilà pour la réalité. La compagnie La
Re-sentida ne s'en tient pas là. Et si Salvador Allende avait été
entouré d'une équipe de « communicants » d'aujourd'hui ?
Aurait-il pu en être autrement, aurait-il fallu agir différemment ?
Si l'Union Populaire se refondait demain, serait-elle plus solidement
bâtie ? L'examen des possibles écartés par l'Histoire et la liste
des conditionnels passés permettent à Marco Layera et son équipe
de se défaire de l'idéalisation habituelle de la figure
révolutionnaire et pacifique d'Allende.... Pour de jeunes artistes
nés après 1975, malmener le personnage mythique du Chili pourrait
permettre de voir plus clairement le système actuel et de se défaire
d'une nostalgie dont ils ont seulement hérité. Pour mieux inventer
ce qu'il faudrait mettre en place aujourd'hui, et qui ne peut
d'évidence être identique au rêve communiste d'alors, La
Re-sentida bouscule par l'humour noir et la cruauté la
classification trop souvent manichéenne des meilleures et des pires
années du Chili. Ma foi
pourquoi pas ? Et surtout si l'on pense en effet à ce qu'est
devenue la social démocratie, telle qu'elle est peut être au Chili, telle qu'elle est en France.
La
place, ses tables, une file d'attente pas trop longue..
Filer
sur le côté pour m'installer sous ma gargouille, fixer le décor
avant qu'on interdise les photos, lire le programme de salle, être en attente joyeuse, aimer assez :
Je pense que le théâtre
est loin d’être le meilleur et le plus efficace des moyens
d’action. Au contraire, je pense même que sa gamme est assez
limitée. Il existe d’autres outils ou actions réellement plus
efficaces mais qui n’ont bien sûr pas le glamour ou la
reconnaissance de notre profession. De ce point de vue, j’assume ma
lâcheté et mon confort. Si je devais être radicalement engagé, je
ne ferais pas de théâtre. Je serais dans la rue...
Le théâtre, dans
notre pays, est souvent perçu comme une discipline artistique
supérieure, pleine de solennité et de formalité, presque lyrique.
Cela lui confère en définitive quelque chose de grave. Je crois
nécessaire de lui manquer de respect, en lui insufflant une
fraîcheur et une audace qui le renouvelle. Rien n’impose qu’on
continue à évoquer les grands thèmes de l’humanité dans un lieu
aride et obscur. Le théâtre peut amuser et ne pas être
superficiel. (mais rétrospectivement je crois qu'il n'a pas
pensé au "ne pas être superficiel")...
C’est le grand défi
de notre génération: être en mesure de générer de nouvelles
réflexions qui questionnent et transfigurent la réalité. Cela peut
paraître scandaleux, mais il est peut-être temps pour le spectacle
de s’interroger sur le système démocratique, sinon sous son toit,
se consolidera la brutalité du modèle néolibéral….. nous
obéissons à un patrimoine culturel de la philosophie et de
l’éthique qui ne correspond apparemment pas à la réalité de
notre époque.
Oui mais je n'ai pas trouvé
l'ombre d'une réflexion, juste un ricanement à la mode et un
tantinet ou fortement débile.
Photo La Resentida
J'ai bien aimé, oubliant
volontairement le dernier discours d'Allende à la Moneda, les
reprises incessantes, avec changement de décor, de cravate, de mots,
sous la direction des ministres mués en communicants hystériques et
soucieux de ne pas s'aliéner la bourgeoisie,
me suis vaguement amusée
deux ou trois fois,
ai détesté le moment où
sous prétexte d'une quête dans le public pour aider un adolescent
miséreux, la caméra fixe un homme qui n'ose réagir et se voit
projeté sur scène pendant que l'actrice quêteuse relève le coût
vraisemblable de ses chaussures, de son téléphone, lui demande ce
qu'il faut faire pour qu'il sorte de son égoïsme, s'il faut qu'elle
se mette nue, et elle le fait, s'il faut qu'elle lui fasse... et là
c'est coupé et l'on revient sur scène, le public riant de ce pauvre
homme, et même si un jeune ouvreur, dehors, m'a dit avoir aimé cela
parce qu'il faut savoir se remettre en cause, n'y ai vu qu'une
actrice ne remettant pas en cause l'usage facile de son pouvoir...
bon il y a eu aussi un entretien entre le président X soit Allende
et le président des USA accueilli par des hurlements de rire, mais
non traduit bien entendu puisque nous sommes sommés de comprendre
l'anglais (et j'avoue que cette fois je n'ai pas dû me forcer pour
ne pas tout comprendre)
A la
longue ce cynisme facile, et qui n'attaque que l'image, ce regard qui
se veut critique et qui me semble venu de ce qu'il veut critiquer, la
laideur parfois, m'ont lassée, je me suis coulée au base du gradin et
suis sortie.
et me
voilà revenue, à travers la fête et ses reliefs,
me
demandant si suis devenue psycho-rigide, navrée d'être partie
volontairement en cours d'un spectacle (extrêmement discrètement),
et m'amusant de constater en regardant ma montre que je ne me suis
résolue à le faire qu'un quart d'heure avant la fin, un peu
consolée par le fait que les deux trentenaires à l'air intelligent
devant et derrière moi riaient encore moins que moi (m'est arrivé
de le faire à des moments de délire touchant au baroque) si mon
voisin américain et le couple doré sur tranche devant moi étaient
pliés de rire, mais là, avant de rédiger, ai rentré le nom du
spectacle sur google et j'ai trouvé
http://www.lesinrocks.com/2014/07/18/arts-scenes/scenes/avignon-imaginacion-futuro-le-negationnisme-servi-sur-un-plateau-11516328/
me voilà pour une fois totalement en accord avec les Inrocks, sauf peut être pour ce qui concerne les Le Pen, et encore..
10 commentaires:
Si la solution "politique" à la tragédie d'Allende avait été de l'entourer préalablement d'une équipe de "communicants" (ceux qui ont choisi les nouvelles lunettes, style quatrième République, de FH ?), le staff de Publicis aurait pu découvrir le Chili en long et en large.
La naïveté de certaines pièces de théâtre fait mourir de rire.
et le pire est de se croire esprit libre découvreur, alors qu'on est imprégné de l'air du temps
Des fourmis dans les jambes : démangeaisons festivalières. Trottons, trottons... Nous suivons.
vous avez été parfaite, bien sûr ! j'espère juste ne pas vous avoir importunée (ou trop) mais je voulais tellement croiser "en vrai" le regard que vous posez sur êtres et choses. Un beau et bon regard.
ne m'avez pas importunée, simplement emplie de confusion
Brigitte on s'est croisées deux fois sans que je vous voie: au sujet à vif d'avant hier matin avec les deux fous du buffet. J'ai beaucoup aimé les deux parties du spectacle.
Et le 18 au spectacle des Chiliens: je partage à 101% l'avis des Inrocks. En plus j'étais juste derrière le malheureux spectateur à qui la comédienne dénudée proposait une fellation. Question déconstruction... je préfère celle de Pierre Meunier !
sommes en concordance… totale
(pour voir si suis là regarder premier et deuxième rangs - ma manie)
merci
Pas si incognito que ça notre Brigetoun !!!
suis allée acheter des rougets..de Lille ?
Enregistrer un commentaire