A l'heure des derniers
petits déjeuners dans la douceur de l'air, de la lumière sur ma
place
m'en suis allée sous un
ciel bleu, entre façades et arbres sur lesquels le soleil posait de
petites lumières, d'ombres en ombres sur les trottoirs, vers
pharmacie, achat de collants et d'un bon champagne
et puis, dépassé le
bassin et sa margelle plate d'où un pigeon s'est envolé une seconde
avant d'être capté par mon appareil, poursuivi par ma malédiction,
suis allée à la gare prendre un billet pour mon retour,
vraisemblable, mardi à la nuit
et comme suis sans
volonté, comme quand on me fait signe, en bougonnant je pars, après
m'être juré de ne plus le faire jusqu'à ce qu'on se donne le mal
de venir à moi, ou de me faire signe autrement, sais que n'aurai pas
volonté de ne plus rouvrir Paumée, même si la futilité de la
chose me semble de plus en plus évidente.
.. ça y est, mauvaise
humeur expulsée, reprends sourire, oublie que n'aime pas ma
contribution à la sixième proposition de François Bon (on verra si
elle arrive sur le tiers livre qui semble en peine de connection), je
copie la septième pour occuper une de mes soirées, et je reprends
la cinquième (avez suivi ?) tentative pour mettre son dialogue en
bocal http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3998
une
rencontre
Et
là, dans la nuit, j'ai reculé un peu ma chaise, je suis en retrait
du groupe qui récrit le jour, fait des projets pour demain, groupé
autour de la table ronde, sous la suspension, et je regarde, dans la
tache de lumière de la lanterne qui troue la nuit du balcon, son
bras posé sur le bras du fauteuil, la main et la cigarette qui
pendent au dessus d'une coquille posée au sol, il se tait, je ne
sais s'il songe, médite ou boit simplement le calme, moi je repense
à ce qu'il m'a dit avant le dîner, et je me demande pourquoi il m'a
raconté cela, comme pour m'interroger, en fait c'est ce qu'il a
fait, mais de quel droit ? Ce n'est pas important pour lui,
certainement, et il a sans doute oublié, il a dit cela comme ça,
parce que j'étais là, sans doute, simplement, parce qu'il était
encore intrigué, mais sans y attacher d'importance, j'espère... Il
parlait de leur promenade en ville, d'une rencontre, il disait que le
bonhomme était grand, assez âgé mais pas tant, plutôt élégant -
un peu trop, tu sais, comme s'il venait d'une histoire des années
trente, un personnage un peu trouble, à la lisière - que ma mère
avait été polie, mais assez brusque, rapide, lui avait demandé de
ses nouvelles, s'il était là depuis longtemps et si sa femme,
qu'elle a appelée par son prénom, l'accompagnait, en regardant un
peu au dessus de son épaule, ou le semblant juste assez pour
refouler une vraie réponse, montrer qu'elle ne rencontrerait
qu'indifférence, et que, repartant après avoir esquissé ce temps
d'arrêt, alors qu'il commençait : oh nous ne sommes arrivés
qu'hier, elle lui avait dit, le dépassant, arrêté là sur le
trottoir, quel plaisir de penser que nous allons nous voir, pendant
qu'avec un sourire il semblait se préparer à reprendre la parole ;
seulement C, elle, s'est arrêtée pour écouter, elle est si aimable
ta soeur, terriblement aimable, je ne la comprends pas parfois, et il
s'est tu, attendant que je réagisse, mais que lui dire, que je ne
l'avais pas vue depuis longtemps, qu'il la connaissait certainement
mieux que moi, alors il a repris disant qu'il n'avait pas fait
attention aux phrases de l'homme au début, jusqu'à ce qu'une
inflexion dans la voix, devenue plus familière, peut-être un ton en
dessous, attire son attention et il rappelait une rencontre passée,
ce n'était pas net, comme s'il ne se souciait pas d'être compris
sauf par C, et il était question de vous deux, il y a longtemps, ou
assez, il parlait de vous comme d'adolescentes, elle a rougi un peu,
il avait un sourire un peu obséquieux, insinuant, méchant sans
doute, elle a dit qu'elle avait oublié, qu'elle pensait que lui
aussi, qu'il le devait d'ailleurs, et puis que c'était surtout toi,
il a répondu que, bien sûr, en fait elle n'était que la petite
soeur, encombrante parfois, elle n'était jamais très loin de toi,
et toi tu étais... mais C à ce moment a tranché dans le fil de ces
réminiscences, de ces allusions, a tendu la main pour serrer celle
de l'homme, et elle l'a entraîné, lui, sans même le présenter,
prétendant que ma mère leur faisait signe, qu'ils étaient pressés
mais seraient si heureux bien sûr de le revoir... et comme je me
demandais, refoulant un souvenir que je voulais effacé, où il
voulait en venir, il m'a regardée en me demandant tu sais de quoi
parlait cet homme, ce à quoi je n'ai pas répondu, me contentant
d'un nous passons à table. Mais là, je me souviens, et je n'aime
pas ça... seulement, vraiment, ça ne le regarde pas.
8 commentaires:
Dialoguer avec soi seul c'est peut-être penser.
c'est récrire ce qu'on a entendu
Dialogues en bouquet, des mots fleurs,des pensées volubiles.
Un bon champagne, millésimé ?
Comme une impression d'un secret juste éffleuré
c'est capter la finesse d'une sensation, d'une impression qui perdure, c'est démailloter le réel, ce que vous faites, Brigitte, c'est vraiment beau
One Man Show !!!
très réussi ce texte, dans cet aspect rapide et éclaté que peuvent avoir le flux des souvenirs et nos modes de penser
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