Dimanche matin, cloches
dans un bleu intense ourlé de rose.
La lumière qui vient, les
brebis qui ne se cachent plus, la douceur qui s'installe lentement et mon gros
chandail et mon pantalon de velours…
une petite heure, avant
leur déjeuner, dans le salon du groupe, dansé quelques instants pour eux, avec la
fille de la bande, très mal mais ça n'avait aucune importance,
avons reçu indifférence ou cris de joie selon les caractères… nous étions légèrement et joyeusement complices.
Après un déjeuner
bricolé avec les maigres ressources de la supérette locale.. une
envie de bouger, de me fatiguer un chouya, et rapidement la sensation
que cela serait trop facilement atteint, peu vaillante étais, alors
une marche flâneuse, des arrêts pour tourner sur moi-même de
croupes en creux, en croupes, en ombre, en pré étincelant…
passer par l'établissement
appelé l'horizon, en
regrettant, brièvement, de ne pas pénétrer sur son terrain, et que
ses entours soient maintenant construits, en me souvenant de la
visite, longues années il y a, au moment du choix de cet emplacement
et des vues extraordinaires qu'on en a en tournant sur soi même
presque à cent quatre vingt degrés, d'avoir suivi de loin
l'élaboration des plans, de ces bâtiments bas étagés selon les
courbes, réunis par des coursives pour éviter les sorties aux temps
de neige – aimer ce que ne donnent pas les photos – de dépit en
détruire celles qui voulaient le montrer, alors que tant d'autres
gardées – l'ombre bleutée dans les replis des courbes, cette
sensation fausse de précipices adoucis où sombrent les prés... et
les lignes au loin, superposées, de plus en plus proches de la
tonalité du ciel.
Tâtonner un peu, et puis
trouver et m'engager sur la route du col de Trébatut, ressentir par
réflexe conditionné un petit déclic dans les oreilles, sourire de
moi, photographier la vache qui tenait à poser, hésiter à
m'entretenir avec elle du sort de ses soeurs entassées par millier,
et repartir sous le soleil de ce début d'après midi, dardé
pesamment sur le goudron et la grosse laine de mon chandail, me dire
que n'irai pas jusqu'au col bien entendu, ne pourrais pas, mais
garder un petit élan de désir timide, un entêtement qui me pousse
à repartir, cueillir et jeter petites fleurs de bords de route,
échanger des bonjours et des oui il fait un temps superbe,
chanceler, regarder, me garer pour laisser passer jeunes à motos,
continuer…
quitter la route pour
suivre, en surplomb sur sa droite, le chemin du petit patrimoine,
pied dans les caillasses,
tournant lentement en grimpant doucement sur cette énorme épaule
qui n'en finissait pas et qui anéantissait presque les vues, comme
n'étant plus que promesses à venir au bout de cette courbe tendue,
puis de celle là... jusqu'à croiser jeune vieillard dynamique me
disant c'est très beau là bas, un peu plus loin…
rester plantée là un
moment, piétinant des noisettes et des glands, après le passage de ce bel
entrain, de ce pas de randonneur, secouer ma fatigue, lui dédier
humblement mon admiration, et puis me souvenir que randonneuse ne
suis pas, que l'idée au temps de ma jeunesse me sapait d'ennui, que
ne suis qu'ancienne piétonne infatigable d'une ville qui n'est plus
mienne, sur jambes qui ne sont plus miennes,
et redescendre tout
doux, tout doux, saluant un arbre étrange, les ronces, les troncs rouillés des petits chênes, les chardons,
des ombelles ou des herbes qu'un rayon de soleil ennoblissait..
avançant de l'ombre d'un poteau à l'autre le long des prés
quitter la route un peu
avant le panneau du village pour prendre sur ma gauche jusqu'à un
carrefour de petites routes et remonter vers l'établissement le plus
récent, je crois, l'Aubrac à
la recherche des ânes dont m'avait parlé avec fierté ma voisine
qui est venue, elle, pour visiter l'un de ses résidents – tendre,
et retirer, ma main vers des mures, sentir remonter mon enfance et
penser en sage vieillarde au chien que je viens de croiser, monter au
dessus des bâtiments, échanger des sourires, les ânes ne sont pas
là…
revenir,
suivie, dépassée, rejointe par le chien, lui expliquant que ne veux
pas de lui, jusqu'au village, voir sur un bâtiment proche de
l'église que le petit patrimoine est
indiqué comme difficile et demandant quatre heures, et rentrer me
poser, reprendre souffle et visage quiet, quelques minutes sous les
voutes, avant de rentrer m'installer devant Arte et Picasso, jusqu'au
crépuscule, un dernier balayage, ménage, tri de ce qu'emportais,
léguais à voisine... nuit
j'étais arrivée à me
fatiguer aussi totalement que le voulais, m'en faut peu... juste deux
heures et demie ou un peu moins de marche musardeuse, et j'étais
vacillante, sourire las et crâne vide
matinée de lundi, lente
préparation, contemplation des trainées de nuages, de leurs courbes
qui semblait écriture étirée... piapiater avec voisine jusqu'à
l'arrivée du taxi pour
la grande gare de
Banassac-la-Canourgue, trouver brave homme pour hisser mes bagages
jusqu'au wagon haut perché descendre vers Béziers, en passant sous
le pont de Millau et le trouvant bien plus beau, assuré et ailé,
sous cet angle, voir les tuiles mécaniques, puis canals, faire leur
apparition, changer rapidement, si évidemment maladroitement
fatiguée avec valise et sac de draps, serviettes, pots de confiture
etc... que des mains sont venues me suppléer, prendre un autorail
confortable, et m'en aller vers Avignon, en grande conversation sur
tout, la ville, son passé, les spectacles d'une troupe de
bonimenteurs, avec un adolescent fin, souriant.... voir mon aimable,
très grand, très sec, contemporain, grimacer soudain en prenant de mes
mains ma valise
et suivre, comme un
automate, le chemin de l'antre, hisser le tout en haut du court et
raide escalier, battre mes records de rapidité pour rangement, tri
etc... et faire un gros dîner parce que faim avais depuis les toasts
du matin…
mardi, lessive, départ
sous ciel redevenu bleu (s'était ennuagé en mon absence) vers
teinturier, halles, pour un petit marché, hors d'état de porter
lourde charge, et puis vivre tout doux tout doux.
6 commentaires:
Du vert et un peu moins de bleu que d'habitude : la palette mise en scène.
grand merci d'être venu peupler un peu mon désert
Carnet de voyage ... ici ou ailleurs le plaisir d'autres horizons qui entraîne d'autres pensées
Que ce désert là, et surtout ce ciel-là donnent envie d'aller divaguer un peu là-bas ! Merci de ce partage.
De l'herbe entre les voies, des moutons, des vaches, des cloches qui tintent encore. Où sommes-nous ? Dans un passé dépassé. De la quiétude à l'imparfait.
fatigue ou pas voila une belle partie de campagne.
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