C'est, en passant,
effleurer une vision de paisible tête à tête
Ce serait le romantisme
d'un dîner au dessus de la rue endormie,
ce serait un après-midi
qui s'éterniserait, une lecture face à une rêverie, le confort
d'une compagnie,
ce serait un petit
déjeuner, le regard songeur sur la ville, la journée qui attend, un
appel, une réponse, deux corps qui se croisent dans la porte-fenêtre
aux rideaux refoulés,
ce serait un ennui partagé
ce serait une chaise
repoussée, un départ froidement rageur, une réplique tombant dans
cette désertion, un désarçonnement désemparé, une indifférence
appliquée, un regard exaspéré vers l'extérieur, une sortie de
scène
ou
ce serait une table
satisfaite d'être éternellement inutilisée, de se carrer librement
ce serait l'attente sans
fin ni espoir, le manque, le désir d'un poids, d'une chair, d'un
fessier qui ne viendrait jamais peser sur le bois des sièges sempiternellement déçus
ce serait poser là,
devant ces vitres voilées, sous le froid, la pluie, l'aube, le
soleil dardé, la brise printanière, la tombée de la nuit,
ce serait n'avoir sur soi
de regard que ceux des yeux flottants depuis l'en-dessous, accueillir
comme un furtif cadeau l'interrogation muette d'un passant
ce serait échanger des
lamentations dépitées ou des réflexions ironiques avec cet autre
trio, semblable, à trois fenêtres de distance
ou
ce serait s'installer dans
un appartement au très long balcon, aimer le style de l'immeuble,
son apparat discret, sa géométrie souple, mais constater le peu de
goût que l'on a pour la proximité des passants, installer deux
tables, quatre chaises, soigneusement disposées, comme un décor
offert à la rue, et s'en protéger par des tentures, se détourner,
vivre le plaisir de son intérieur calfeutré
mais ce serait l'aide du
mistral, du vent d'est, d'un souffle qui dérangerait, un peu, si peu
mais cela suffirait, ce bel ordonnancement, qui désaxerait une
chaise, qui mettrait dans ce monde vierge d'humains un semblant de
vie.
Ce serait une Brigetoun en
roue libre.
11 commentaires:
Solitude à deux ... à quatre aussi
à deux tables et quatre chaises en vrai
Ce serait l'envie de m'asseoir sur une des chaises sempiternellement déçue...
Le désœuvrement, ce serait un beau titre.
si beau que l'est sûrement pris
La scène du balcon. Comme quoi un balcon même déserté (pour un temps ?) peut inspirer la passante.
Il faut donc inventer des mots...
ce serait la sensation douce de passer sur le revers du temps...
La désoeuvrance...
Brigetoun en roue libre....avant de repédaler sans doute..
suis pas douée pour ça, tu le sais
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