ciel pur et lumière, avec
un peu de frais dans l'air, sur Brigetoun à la recherche de ciseaux
pour tout sauf couture (une paire fugueuse qui s'obstine dans sa
disparition), de yaourts et d'un canard..
passé un peu de temps à
re-écouter l'ensemble des fichiers de l'écoute-oblique de Christine
Jeanney, http://christinejeanney.net/spip.php?article1098
(liens vers les vingt premiers en bas du billet), pour retrouver
celui qui traverse les Alpes, la vieille et son âne, la langue
d'outre monts, ou plutôt les langues.. avec des naufragés qui
traversent le texte (si vous avez le temps, profitez en), et
entrepris, dans la cour puis dans l'antre quand les nuages nous sont
venus, de comprendre peu ou prou, comme pouvais, ce que disait, sur
les naufrages en Méditerranée (avec des
photos d'un naufrage au large de Rhode, d'un bébé dans les bras d'une assistante à Catane, et d'un libyen fouettant
un jeune syrien enfermé dans un petit camp pour que ses parents et amis paient davantage pour son passage, des reportages, des jugements rudes et justes sur nous les européens), le Corriere della Sera (faute d'avoir trouvé il
Manifesto)...
me borne à recopier,
remontant à l'époque d'une crise antérieure, un ce serait... qui a
été publié sur le blog des cosaques des frontières
http://lescosaquesdesfrontieres.com
Ce serait –
25 – l'inemployé
Ce serait croire me
souvenir que, dans le catalogue de l'exposition les réalismes
entre révolution et réaction 1919-1939 qui
s'est tenue au Centre
Pompidou en 1980, j'avais vu une photo d'August Sander, un grand
tablier blanc, un homme fort, un animal sur les épaules, mais ne pas
l'y trouver.
Ce serait d'ailleurs
croire presque que j'ai visité cette exposition, alors que je me
contente de ce catalogue - et de ses richesses - trouvé dans une
boite de bouquiniste, il y a si longtemps, un de ces dimanches de
marche un peu absente le long de la Seine, évacuant la semaine, ne
gardant que ce qu'il faut d'attention pour un rayon de soleil sur
l'eau au coin d'un pont et les quelques livres survivant au milieu
des tours Eiffel... mais je n'en suis plus si sure, peut-être
l'ai-je vue, par contre la photo non je ne l'ai pas vue, puisqu'il
semble qu'elle n'existe pas.
Sur le catalogue, il n'y a
aucun de ses portraits d'ouvriers, d'artisans, de gens de la rue «en
situation», et quand j'ai fait une recherche sur Google je n'ai
trouvé qu'un pâtissier en blouse blanche au tour de taille aussi
gigantesque que la marmite qu'il tient en main, et puis bien sûr le
jeune homme portant des briques, la fiancée campagnarde qui semble
issue de la terre, et les fameux jeunes fermiers partant au bal qui
ont inspiré un livre à Richard Powers, d'autres, et puis aussi des
portraits incisifs de célébrités et d'artistes, mais pas l'image
de mon rêve.. mais je suis tombée sur lui - je ne sais où est
conservé ce tirage, juste qu'il est mentionné unemployed man
1928, et que j'ai pensé que
cette expression était beaucoup plus forte que notre chômeur.
Parce
que ce serait cela, un homme qui n'aurait plus d'existence puisque
non employé.
Et
pourtant il serait là, présence haute et mince comme l'indique son
visage aigu, mais rendue massivement évidente par le volume du court
manteau noir, il serait là droit et réservé, les bras appliqués
au corps, tenant son chapeau pour occuper ses mains, les maintenir
dans cette discrétion sage, et le monde autour de lui s'absenterait
dans le flou.
Il
serait là avec sa chemise sans col ouverte offrant le fragile cou
tendu, le visage si retenu que les lèvres disparaissent, les yeux
fixes dans le vide de la rue déserte, absent et disponible.
Il
serait là et nous serions passés devant lui, pensant ne pas lui
avoir prêté attention, ou ne le montrant pas, faute de pouvoir lui
porter aide, désir de ne pas envahir sa sphère, mais pendant que
nous nous enfoncions jusqu'à ne plus être que silhouettes dans le
flou du lointain, il nous resterait, rodant quelque part à la limite
de la conscience, quelques questions silencieuses, à peine pensées,
un vague besoin de savoir s'il a le souci inquiet et tendre d'une
famille, si, peut-être, volontairement ou par décision extérieure,
ce lien a été tranché le laissant à cette solitude, à moins
qu'il n'ai jamais connu que cela.
Mais
bien sûr, en tournant le coin de la rue, en abordant la vie du
boulevard, nous ne penserions plus à lui, et il resterait, là,
neutre, planté, n'osant penser, dans le vide de l'espoir, dans le
vide de la rue, à l'abri des regards.
Photo provenant de
http://makhila.tumblr.com/post/3070644749
3 commentaires:
"Inemployé" comme ce mot est puissant et tragique
Bravo pour ta traduction , il me semble ( Que Dieu nous aide )
oui,
aurais pu m'épargner ce mal.. (quoique ça a au moins servi à réveiller un peu ce que sais de l'italien)
mais ces deux billets aujourd'hui me rappellent que ferais mieux de m'abstenir
Naviguer... entre des jours passés et des jours actuels...
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