Pour ne pas passer
complètement à côté des nuits flamencas, et puisque j'ai manqué
les spectacles autour du chant de Luis de la Carrasca, de celui
d'Esperanza Fenandez, et que ne pourrai aller écouter ce samedi soir
Antonio Meijas, puisque Garcia Lorca parle aussi du duende à propos
de la danse
Ni en el baile español
ni en los toros se divierte nadie ; el duende se encarga de hacer
sufrir.. ce qui donne, dans la
traduction de Line Amselem : Dans un spectacle de danse
espagnole, pas plus qu'à la corrida, personne ne s'amuse ; le duende
se charge de faire souffrir, par le biais du drame sur des figures
vivantes…
Le duende opère sur le
corps de la danseuse comme le vent sur le sable. Son pouvoir magique
transforme une belle jeune fille en paralytique de la lune, ou donne
les roseurs de l'adolescence à un vieillard en haillons ... ; d'une
chevelure il fait naître l'odeur d'un port nocturne et toujours il
agit sur les bras, dans des expressions qui sont mères de la danse
de tous les temps…
m'en
suis allée, plus simplement, vers le Chêne noir, voir le spectacle
de Sara Calero, accompagnée par le cante de Gema Caballero, la
guitare flamenca de Fernando de La Rua et la guitare classique de
Pablo Romero Luis, après avoir lu qu'elle est à la fois
danseuse-étoile du Ballet national espagnol et la bailoara flamenca
qui a remportée au Festival de Jerez le titre de «Revelacion 2014».
J'avais
trouvé une vidéo où elle danse sur le chant de Gema Caballero, et
la musique des deux guitares
avec
un beau mélange de grâce serpentine et d'arrogance (Frédérico, le
flamenco n'est pas que mort, ou la mort peut avoir du charme, et du
ventre, parfois de la douleur, peut sortir aussi la joie provocante),
qui se mue par moments en gravité enfantine.
comme
je ne maîtrise toujours pas bien les distances et comme j'avais un
billet à récupérer j'étais dramatiquement en avance et je
commençais à bailler de façon presque visible quand est arrivé le
guitariste expansif/sympathique de la veille, m'a salué, nous nous
sommes assis sur une marche face au théâtre, à côté de deux
charmantes jeunes filles et avons parlé de musique (enfin surtout
lui) et de religion mais il me trouvait un rien trop rétive... et
puis sommes entrés.
Et
l'intérêt s'est mué en plaisir profond et simple, même si le
guitariste qui est venu s'installer sur le strapontin à côté de
moi me bourrait de coups de coude parce que j'ai l'applaudissement
sincère mais bref, mon silence étant repos admiratif et attente..
Quelques
notes de guitare, le cri qui monte, la main lancée en avant qui suit
la modulation, la beauté du chant et la première entrée de la
danseuse, moulée, très nue, de dentelle noire, se terminant sur
fouillis de tous petits volants superposés de satin noir qui jouent
allègrement avec la lumière et en deviennent argent.. et puis une
danse autoritaire, sombre, lente ou déchaînée, des cambrements, un
corps, formé par la discipline de la danse classique, qui amplifie,
perfectionne la danse flamenca telle que je l'avais vue, tout en
semblant venir de la vie intérieure, et des mercis qui fusent de la
salle.
Un
dialogue des guitares, une jolie musique de danse de la guitare
classique, un cante accompagné, et retour de la danseuse dans la
même tenue que sur la vidéo qui ne représente qu'une partie de
cette chorégraphie, et ce que j'ai vu était très supérieur à ce
qu'elle nous transmet...
j'entendais
à côté de moi le déclenchement incessant de l'appareil de photo
Vanessa Gilles (expo de la veille) qui s'en donnait à coeur joie, ce
qu'elle m'a confirmée pendant notre petit échange de retour à la
vie ordinaire, et je l'enviais.
etc...
un peu plus d'une heure et demi, mes deux voisins de plus en plus
enthousiastes, cinq ambiances, cinq aspects différents, leur bel
accord, un poème dit/chanté que je comprenais même quand ne le comprenais pas, et pour finir, en pantalon, un mélange étonnant et
parfaitement lié de banderillero, danseur de cabaret de faubourg et
danseuse classique.
Et un
retour vers l'antre dans la nuit douce.
10 commentaires:
Merci pour cette danse.
La photographier est une performance, compte tenu de la rapidité des mouvements des danseuses mais cela peut donner de belles surprises dans les effets obtenus. À les admirer on en reste le souffle coupé tant cette danse très particulière vous prend "au ventre"...
pulsations et couleurs de la vie, magnifique flamenco. Et toujours les photos et les mots, merci brigitte
Si les pierres dansent elles aussi...
Hier déjà suivant d'un oeil le tourbillon de la musique et ce matin
le rythme virevoltant de ton écriture
OUF!! suis rompue
Dominique, ce serait nettement moins nerveux et sinueux que ce que j'ai vu
Arlette, suis désolée !
ça danse bien chez vous, Brigitte
me sens à l'unisson
pas si bien
la veille le guitariste avait voulu à carcasse brigitienne rétive me faire danser au milieu des gens verre en main et c'était assez piètre… le pauvre garçon je crois que je l'ai définitivement dégoûté
Régal ...la vidéo
et c'était mieux sur scène
Suis pas folle de ce qu'on nous donne souvent comme flamenco, mais là c'était vraiment assez extraordinaire.
ah que j'aurais aimé !
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