C'est un brave, simple,
massif petit volet bleu, bien tranquille.
C'est l'occupant de l'un
des appartements du deuxième étage absent depuis mi-avril, en
vacances, en voyages, ou en allé, qui n'a pas pensé à le fixer..
C'est un instrument de
torture, plus ou moins virulent selon le sens du bon gros vent quand
il vient jouer sur la ville. C'était une Brigetoun (et depuis la
nuit de vendredi sa voisine) s'appliquant à rester calme, à
ignorer, dédaigner les efforts dudit instrument.
C'était vendredi un
inconfort titillant, fermement refreiné.
C'était samedi matin des
sursauts, crispations, vibrations de tout le corps à chaque heurt,
de brèves apnées en attente de la prochaine…
m'en suis allée dans les
rues où un mistral de moyenne force se donnait libre cours,
sculptant les joues, emmêlant les cheveux, même les très courts,
retroussant les fentes des vestons, faisant claquer les jupes,.. vers
le teinturier
avec le plaisir, au
retour, en passant devant Ducastel d'apprendre que mon double en mama
(oeuvre d'Alexandra Giacobazzi) était enfin encadré... avec le
plaisir plus grand encore d'un manque en ouvrant ma porte, d'une
hésitation, d'une attente du bruit, et de la constatation éberluée
et ravie que le volet dormait, dûment accroché contre le mur.
Une julienne de légumes
pour les pâtes, un déjeuner paresseux, une courte sieste et suis
repartie
dans le vent qui se
voulait méchant, arrachait petites branches et jeunes feuilles, les
faisait voler de la rue Viala, juste après la place de l'horloge
jusqu'au niveau de la rue
Figuière que j'ai prise pour aller au Centre européen de poésie,
voir l'exposition (intitulée l'amour est un
chien d'enfer)
de l'association Hypergonar, association constituée d'anciens élèves
et élèves de l'Ecole Supérieure des arts d'Avignon, pour organiser
des expositions ou des événements d’art contemporain sur la
région PACA et ailleurs…
Des dessins éthérés,
des photos de famille déchirées, des collants tagués avec rage,
des personnages sans visage étouffant dans un univers de cloches,
des radios des poumons, des éclats de miroir, des citations de Marx
et de Malevitch, un lapin faisant sa toilette, une femme qui écarte
les cuisses… Max Jacob, dans L’art poétique, l’écrivait :
« C’est au moment où l’on triche pour le beau que l’on
est artiste. » Si l’amour est bel et bien au centre de cette
exposition, c’est souvent par des chemins détournés, par le judas
de la porte d’un hôtel délabré.
Tour à tour chien de
l’enfer, chien de faïence, chien dans un jeu de quilles, l’amour
se dénude ici, se montre sous son meilleur jour et sous ses plus
tristes nuits.
Figure tutélaire de
l’exposition, Charles Bukowski est aussi de la partie. Il aurait
probablement détesté tout ça, mais quelle importance ? S’il
y a une chose que la lecture de ses œuvres nous a appris, c’est
qu’il est salutaire de créer, envers et contre tout.
Pour la clôture de
l'exposition ils avaient organisé un petit et délicat spectacle de
marionnette avec Florian Martinet de la Compagnie «Jeux
de mains, jeux de vilains»
http://compagnie-jeux-de-mains.org/les-spectacles/je-nai-absolument-pas-peur-du-loup/
: une marionnette
minuscule, oeuvre de Margaux Derhé, coiffant un doigt de Florian
Martinet, devenu petit personnage jouant avec le corps dont il
faisait partie, pour illustrer parfois, évoquer plutôt, sans lien
souligné, l'état d'esprit de Charles Bukowski, sur des bribes de
l'amour est un chien d'enfer et
d'autres textes.
Et puis, avec le pas si
petit public ai circulé un moment entre les oeuvres, échangé
quelques phrases neutres, souri, gardé quelques images de ce que
proposaient :
Laurent Santi - sorti de
l'Ecole Supérieure d'Arts Plastiques d'Avignon en 2014, le meneur me
semble-t-il, également éditeur
http://jedetruismamaison.com/category/editions/
livres,
et qui présentait une
partie des oeuvres ayant fait l'objet d'expositions antérieures
Mélissa Cortese (sortie
en 2014) http://melissacortese.com
Margaux Derhé on
m'offre enfin des fleurs
http://issuu.com/margauxderhe/docs/portfolio_margaux_derh__
Kevin Lapeyre
Louise
Gosser (miroirs brisés et légendés) qui a mis sur son compte
Facebook une photo de l'ensemble des participants
Jessica
Norris qui a, entre autres, illustré un livre de poèmes (oublié le
nom du poète auquel j'étais sensible, le titre, tout... mais j'ai
aimé et même hésité un moment à partir avec)
d'autres,
dont sans doute l'auteur de ces dessins, mais n'ai pas noté son nom..
et, au bout d'un moment, bien incapable de trouver les questions ou
commentaires qu'ils attendaient, m'en suis allée, un peu ivre de ce
mistral, pas de première force bien entendu, mais à la retenue très
très relative…
plaisir
de cette charrette au coin de la rue Joseph Vernet, plaisir d'un
courrier attendu, plaisir de féliciter chaudement, corps renversé,
tête levée, dans ma cour, ma voisine du dessus qui me racontait que
c'est elle qui, montée sur un escabeau installé sur la terrasse qui
me domine était arrivée, après longs tâtonnements d'un balai tenu au bout du bras, corps tendu sur ses pointes de pied à rabattre
et fixer le volet bourreau.
Et,
ma foi, ai eu une pensée pour la nuit des Musées et suis restée
bien tranquilou dans l'antre.
4 commentaires:
Garder intacte sa curiosité... malgré un volet importun, voilà bien une leçon de philosophie matinale !
fortement aidée par l'acrobatie de la voisine
Supplice chinois et inventivité à tous les étages
Les fleurs en charrette comme une Douceur ancienne en plus
Insolite expo..avec un sale con dans les yeux
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