Matin, entre miel et
confiture, choisis tous deux, hésiter entre Hope Sebrenica,
l'installation de Haris Pasovic
sur la recherche des disparus, de Sebrenica dans ce cas, dont c'est
le dernier jour, à l'Université (ouille, si loin) et la Tribun(e)
William Shakespeare le texte de
Hugo lu par Laurent Schuh sous le chapiteau du jardin du théâtre
des Halles, à 11 heures touts deux (mais se donne encore deux fois)
et puis il y a les lectures de textes organisées par RFI, que j'aimais suivre chaque année, à 11 heures 30, seulement voilà ce n'est plus
dans le charme proche du jardin de Mons (la photo du programme est
trompeuse que montre justement ce jardin) mais dans celui du gymnase
Saint Joseph, agréable, juste un peu moins, et surtout au bout d'une
petite trotte jusqu'à la rue des Teinturiers.
En
sortant de la douche, envahie d'un besoin de douceur et même de
sommeil... décider de continuer à jouer les petites vieilles (si la
radio pouvait cesser ses recommandations.. carcasse est
influençable), et de rester dans l'antre,.. prendre panier
repassage, et après le second tee-shirt le ranger.. déjeuner,
grosse sieste et décider, de toute façon je ne saurais hésiter, un
peu avant cinq heures de me préparer et m'en aller, oubliant les 33
à 37° (40° ressentis) annoncés par les différents sites météos,
avançant, un peu tendue, dans une forte odeur d'oeufs pourris, admirant un
danseur de hip-hop, cliquant pour m'arrêter, partageant mon
brumisateur avec trois sans toit rigolards, voyant avec dépit la
longue file d'attente en arrivant à proximité du gymnase du Lycée
Saint Joseph (mais en fait il y avait aussi celle d'un théâtre
proche) trouvant ma place au premier rang pas trop loin de la porte,
pour un éventuel départ, parce que pas bien fiérote, mais en vrai
désir et petite obligation morale d'être là, papotant agréablement
avec un un peu plus que contemporain (beau comme on peut l'être avec
nos années, et de belle culture théâtrale)
pour
assister à à mon seul désir parce
que le titre était irrésistible, parce que ce que je devinais en
lisant le programme m'avait tenté, parce que, aussi, dans la troupe
finale je connaissais une lapine et que j'avais suivi de loin ses petites
craintes (je la comprenais, il n'est pas évident, une fois qu'on
sort du projet et des répétitions, de se retrouver, sans en avoir
l'habitude, nue derrière un masque, dansant au milieu d'une petite
foule en une chorégraphie très sage au début, plus complexe
ensuite)
A mon seul désir donc
le court, spirituel, spectacle inspiré à Gaëlle Bourges par la
tapisserie de la Dame à la licorne et notamment par la sixième,
celle qui ne correspond pas à un des cinq sens, celle où la jeune
fille pose (renoncement aux biens de ce monde) ou prend un collier
dans un coffret devant une tente grande ouverte qui porte ces mots
sur une bannière, sens apparent, même s'il ne l'est pas tant, ou
sens caché selon la tradition de l'époque.
Et cela donne un spectacle raffiné, au plaisir de la science malicieuse et des mots, mots du texte de Gaëlle Bourges, qu'elle dit en voix off,
pendant que devant un panneau rouge laissant un tout petit espace
scénique, quatre jeunes femmes, quatre jeune vierges comme Eve dans
le jardin d'Eden, nues parce que Jean-Luc Godard dit dans son dernier
film, Adieu au langage : «Il n’y a pas de nudité dans la nature.
Les animaux ne sont pas nus parce qu’ils sont nus.» accrochent des
fleurs sur ce qui devient la tapisserie.. et puis pendant que la voix
dit (mais cela n'a rien de sec, de pédagogique) l'histoire de la
découverte de la tapisserie, les suppositions faites à l'époque,
ce que l'on a appris, et décrit les panneaux, la présence des
animaux qui reviennent sur les panneaux (avec des variantes) – les
jeunes femmes s'emparent des beaux masques de Krista Argale – la
licorne symbole de vitesse, mais aussi de chasteté, le lion «assez
raté», le perroquet symbole de la vie courtoise et le lapin ce
symbole de la luxure..
et pendant qu'elles
dansent puis se figent pour représenter successivement les cinq
premières tapisseries, les cinq sens, le texte décrit la robe de la
jeune fille qui est au centre des tableaux (et qui est endossée par
l'une des actrices, du moins par devant, le dos restant nu), joue
avec l'ambiguité de ces deux présences, licorne et lapin, digresse,
parle du singe, du goût, de la pureté, du double sens de certains
symboles, et j'aimerais me le procurer parce que c'est
délicieusement intelligent et drôle
et puis pour le sixième
panneau, à mon seul désir, qu'elle considère comme l'envers de cet
univers de raffinement gracieux malgré ses ambiguité, comme le
«devenir animal», la tapisserie mille fleurs tombe, dévoile la
profondeur bleu sombre du plateau où en lentes files viennent
s'accumuler des silhouettes nues à peine discernables, à masques de
lapin, de plus en plus nombreuses, qui se déchaînent sur une
musique électronique.
Les deux photos
ci-dessus sont de Christophe Raynaud de Lage.
retour sourire aux lèvres, dans une belle chaleur, arrosage etc... tentative de noter ceci, enfiler robe légère
(presque trop)
et départ vers les
Célestins un rien en attente (j'avoue que ce festival a pour moi
manqué d'emballements) pour un spectacle Fugue dont j'avais entendu dire
qu'il était drôle, dont le thème m'avait séduite et laissée un
peu perplexe (beau, intéressant mais drôle ?) même si les photos de Christophe Raynaud de Lage trouvées le matin m'en donnaient une idée.
À partir d'une forme
musicale existante et ancienne, la fugue, le spectacle du même nom
en dissèque les principes pour en révéler le squelette. L'histoire
évidemment musicale, peut-être même opératique, s'appuie sur la
question de l'accord et du tempérament de Pythagore. Son paradoxe :
le cycle de quintes qui le fonde est impossible à clore. Un comma
manque à la dernière. Le rapport mathématique est parfait et
pourtant, dans son application, le cycle se décale en spirale.
Pour incarner cette
question, s'en amuser et peut-être en résoudre l'impossible
harmonie, les musiciens comédiens chanteurs réunis par Samuel
Achache mêlent leurs voix, comme les sujets et les contre-sujets
d'une fugue, et se penchent sur les notions d'accord et de
malentendu. Si l'homme moderne admet l'infime inharmonie des rapports
entre les notes, a-t-il cette même clémence vis-à-vis des rapports
humains ? Comment, suivant le code commun, parvenir à une
conversation singulière ? Bien s'entendre n'est jamais garanti. Les
tentatives renouvelées pour être en accord avec l'autre peuvent
conduire certains à s'extraire du monde et de ses conventions ; à
fuguer.
Samuel Achache et ses
comparses, eux, décident de s'en saisir et de les malmener pour
repenser la norme de la justesse. Leurs instruments contemporains
bousculent la musique ancienne... Quand le point de vue se décale,
le dissonant devient très agréable.
arrivée avec une
demie-heure d'avance alors que la file était déjà si longue que je
désespérais d'avoir une place au premier rang, près de l'issue –
longue attente en compagnie des arbres sur la place – longue
attente au premier rang en compagnie des platanes pendant que les
gradins se garnissaient.
Plaisir déjà de
retrouver le cloître en son intégrité, et puis ce sol de sable qui
est de la glace, ces êtres en tenues improbables, le garçon qui se
bat avec un dictaphone et un générateur... les premiers rires
Partant de ce thème
théorique Samuel Achache et ses acteurs ont opéré par analogie, en
n'oubliant surtout pas de s'amuser, planté un centre de recherches
sur la glace du pôle, façon de fuguer hors du monde universitaire
et des cités, et à partir de là laissent vernir un monde loufoque,
un monde de clowns, une vague trame, avec celui qui a une vocation
d'ermite et qui se charge d'apprendre aux autres la singularité de
l'être perdu dans le blizzard, la chercheuse/soprano que vient
retrouver son ancien compagnon mort, lequel se fabrique un maillot en
chatterton pour nager un crawl un rien à l'étroit dans une
baignoire (une jeune femme derrière moi gloussait comme tout un
poulailler) etc... et tissent cela avec la musique, musique de la fin
du moyen âge, musique baroque…
Cette photo comme la
précédente est de Christophe Raynayd de Lage
Plaisir des voix
(spécialement l'alto de l'époux décédé, qui est également le
plus naturellement comique), plaisir de retrouver le thème au détour
d'un gag.. Plaisir de la tirade furieuse de la jeune femme qui renie
toute envie de fugue, désire une promenade au bord d'un lac suisse
avec un petit chien et le grand et gentil belge venu les rejoindre
etc... Juste un moment, vers le milieu, où pendant une beuverie qui
s'éternise un peu dans l'almanach Vermot, j'ai un tantinet décroché.
Pas mon meilleur, plus
émerveillant souvenir des Célestins mais ce mélange thème,
loufoquerie, musique, et surtout nos rires faisait un bien fou.
Retour dans la nuit tiède,
la place des Corps Saints était en effervescence, défiant toute
photo...
12 commentaires:
Vous sentir sourire et rire, nous fait un bien fou ! Merci !!
Quel énergique talent Brigitte ! Épaté et admiratif.
euh ! même pas celui de savoir si j'ai apprécié un spectacle autrement que parce que je commençais à en avoir vraiment besoin et envie
"À mon seul désir" est le spectacle que j'aurais choisi, sans hésitation et sans faire tapisserie !
Le charme et le plaisir qui s'en dégagent suffisent à retenir le regard et développer l'envie.
du charme et sans doute au moins autant d'idées que dans tel ou tel spectacle pesamment pensant
quels beaux spectacles tous les matins, rv du matin merci
Le besoin et l'envie... Vous avez tout là, non?
ben peut être qu'en fouillant dans le off … sans ça oui hier c'était agréable, drôle et, pour à mon plaisir esthétique, les voix dans la nuit des Célestins ça faisait écho à de beaux moments, mais pas de vrai grand emballement cette année (est ce que cela tient à moi ? je sais que pour Arnaud Maïsetti c'est la même chose)
Tes images mises à nue ... complètent la vison d'un autre article hermétique ( Monde hier) Merci pour ta vivacité en toute chose
Merci Brigitte, une fois de plus pour ce compte rendu d'une journée de Festival.
Je t'ai aperçue hier quand tu arrivais au Gymnase Saint Joseph, j'étais dans les loges (salles de classe) et épiais par la fenêtre le public qui arrivait. Ton avis sur "à mon seul désir" me touche, toi qui cours de spectacle en spectacle avec ton oeil critique aiguisé (les oreilles aussi). Gaëlle Bourges est intelligente et drôle, bienveillante aussi avec les lapins que nous sommes. Tu as raison, on peu parler de sujets sérieux avec légèreté et intelligence, et ça, c'est son véritable talent.
et ça fait du bien
Cluny revisité et quelle fraîcheur !
Cela valait de (re)-découvrir ce printemps-là.
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