M'en suis allée, un peu avant dix heures et demie, dans les
rues de la ville qui s'ébrouait, avec langueur, en belle chaleur, avec quelques petites risées, vers le jardin de Sainte Claire ou du théâtre des Halles,
un café en demie-ombre
(l'ombre était déjà occupée) près du chapiteau, l'ambiance
courtoise et calme, l'attente que s'ouvrent enfin les panneaux, pour
écouter la voix de Laurent Schuh (veston sur épaules, gilet sur
peau, et chapeau, un vague air de paysan prêt à chanter Bella Ciao,
ne sais si c'était voulu), accompagné, soutenu par le violoncelle
de Marc Lauras, dans Tribun(e) William Shakespeare montage
d'extraits du William Shakespeare de
Hugo, choisis par Laurent Schuh, Danièle Gassiglia et Arnaud Laster,
écouté par notre petit (pas si) troupeau souffle coupé.
Je me suis assise en
rentrant devant les H pour constater que n'avais plus le William
Shakespeare de Hugo qui a servi de base à ce spectacle, mais j'ai
trouvé dans l'après midi une vidéo d'une représentation à la
maison de Jean Vilar en 2014 (ne suis pas absolument sûre qu'il n'y
a pas eu quelques modifications dans le choix, mais l'essentiel est
là de la grande houle et de la force)
le
flux de la parole hugolienne qui emporte ces fragments et d'autres
c'est la même chose de
regarder ces âmes ou de regarder l'océan...
laissons au cerveau ce
qui est au cerveau et constatons que l'oeuvre des génies est du
surhumain sortant de l'homme...
choisir entre ces
hommes, impossible...
l'humanité lisant c'est l'humanité sachant...
sublimité c'est
égalité – les chefs d'oeuvre n'ont qu'un niveau, le même pour
tous...
oui ces génies qu'on
ne dépasse point, on peut les égaler, comment ? en étant autre...
le théâtre.. est un
lieu de communion humaine (le
vrai)
une certaine école
dite sérieuse, a arboré de nos jours ce programme de poésie,
sobriété... préserver la littérature des indigestions...
pour
eux il s'agit de sauver la société dans la
littérature comme dans la politique.. organiser la persécution des
écrivains par les écrivains...
ce qui
maintenant à mon avis ne s'applique plus seulement à la droite
la région des égaux
est aussi la région des libres. Laissez les génies tranquilles dans
leur originalité...
et
puis toute la force de la fin (à partir de 35.40), tout ce qui
est le rôle de la culture pour éveiller la canaille, l'homme
écarté, l'homme négligé, déconsidéré, exploité.. l'heure
est venue de s'entre-aimer. Pour cela il faut que le poète soit
peuple,... Debout tous, à l'oeuvre, au travail... les
génies sortent de toi (peuple) et c'est là qu'Hugo est grand
(même si petite voix me dit que les possédants ont appris depuis,
et grâce à la télévision ont comblé le besoin d'idéal par les
pleurs autour de la mort de Lady Di ou similaire, et les révolutions
par des indignations aussi unanimes que successives.. j'ai le souffle
plus court que Hugo, mais quel bonheur de l'entendre et le croire)
Revenue
ragaillardie, un poco, dans la ville aux rues brûlées, avec petit
détour pour quelques courses, pour finir tendue dans la volonté de franchir la distance qui me séparait de l'antre – on commence à croiser plus de
valises en départ que dans l'autre sens - me mettre un peu avant
deux heures à la cuisine, à une petite station dans la cour comme
un défi idiot à la chaleur, au déjeuner, à une profonde plongée
en sieste, à ce qui précède, à rien, soigneusement rien..
et
puis m'en aller, en début de soirée, dans une ville qui semble
s'être déjà vidée, (sauf les camions de télévision pour la
première de Preljocaj), vers la Condition des soies, parce que je ne
saurais passer un festival sans un petit tour chez les taïwanais,
pour assister au spectacle proposé cette année par le Riverbed
Théâtre, rêves de riz, beau et opaque, peut être
beau parce que presque opaque, comme une idée qui passe sans qu'on
puisse la saisir totalement, et ce n'est pas ce qu'en dit (sauf si
êtes sinisant) le metteur en scène/directeur sur cette vidéo qui
vous éclairera, (mais je la garde pour donner quelques images)
cela
et ce que dit le programme sur le site du off une
exploration, par-delà les apparences, de la cruauté du temps qui
passe. Un voyage entre rêve et réalité d'une beauté inédite où
l'opéra traditionnel bascule dans un univers onirique surréaliste.
J'ai
retrouvé une façade que j'aime, le raffinement relatif des
programmes et billets, le bas flanc, mais avec plus de monde que
d'habitude et n'ai pu m'y installer, l'homme en fil de fer, la montée
vers la salle dans les dessous de la ville.
J'ai
découvert sur le programme de salle que l'inspiration première
venait d'une vidéo de Sam Taylor Wood, A
Little Death,
montrant en accéléré un cadavre de lapin se putréfier.
Craig
Quintero, le metteur en scène, a gardé cette idée que tous les
corps sont voués à se putréfier, mais adopte un rythme très lent,
méditatif, mélangeant les époques, les mondes, ouvrant son
spectacle, dans un décor qui se limite à un banc/coffre au premier
plan et à deux énormes sacs en fond de scène que l'on suppose de
riz, sur un lettré à la gestuelle énigmatique et le bruit du
passage d'avions,
Il
y a des jeunes femmes en simples robes contemporaines, ou en robes
sorties des dessins anciens, leurs visages blanchis et leur lèvre
inférieure inférieure marquée d'une goutte de sang, il y a un
choeur en chemise de nuit, une vielle, deux jeunes, il y a la musique
Nanguan avec flûte, percussion, pipa, il y a l'élégance des danses
lentes, la souffrance calme, les tubes de plastique réunissant les
bouches des mortes et vivantes, mais cela n'est peut-être qu'une
fausse interprétation.
Cela
dure moins d'une heure, et le public sort admiratif et perplexe.
Suis
repartie dans le calme de ces rues un peu à l'écart, et puis comme
me sentais en bonne forme, comme j'étais près du théâtre des
Doms, des belges, et qu'une pièce qui me tente commençait un peu
plus d'une demie-heure plus tard, y suis passée, retrouvant les
marches de l'escalier Saint Anne provisoirement presque vides, mais on me proposait de me sur une liste d'attente, ai préféré remettre cela à un autre soir
éventuel,
et
m'en suis revenue, avec cette impression que j'avais lors des
vacances chez mes grands-parents après le 15 août, d'un effilochage
de la tension, malgré quelques petits restes d'affluence.
Le
tas de repassage en attente prend de belles dimensions, et j'ai
attrapé un bon petit rhume.
5 commentaires:
Rideau annoncé: la pluie, est-ce bien elle qui roule sur la calade ?
si seulement il y avait des calades partout pour calmer un peu ceux qui viennent avec leur vélo (d'accord) et leurs mauvaises habitudes et ne savent pas qu'ici ce sont les piétons qui ont la priorité et que voitures, planches et autos sont des nuisibles tolérés
finalement, c'est un vrai "parcours santé" que vous faites... Avignon devrait être recommandé par la faculté !
Belles photos comme toujours.
euh a faculté aurait plutôt tendance à me couper les jambes, avec ses recommandations aux petites vieilles lancées durablement dans la canicule
(et voilà qu'on annonce la pluie pour juste quand faut pas.. sans baisse de la chaleur en plus)
Bel extrait ... qui fait par sa puissance et la voix trembler le coeur dans la moiteur Merci
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