Dans la rue, nous toisant,
un petit être nous dominait
et je ne sais s'il
appelait pour être rejoint, ou s'il était, satisfait de sa solitude
dominatrice, dans le refus de voir des troncs de cône jaunes, ou
rouges (un peu plus loin, avec le snobisme de la rareté, ils étaient
bleus) venir s'emboiter dans son refuge pour joindre le sol
Comme n'ai pas grand chose
(si un petit tour pharmacie et chandail un rien trop cher, pour me
décider à monter sur une chaise et du bout des doigts faire tomber
les housses de vêtures hivernales) pas grand chose à dire, je
reprends, en écho, un ce serait publié par la grâce des cosaques
des frontières http://lescosaquesdesfrontieres.com
Ce serait –
37 – débarouler
Ce serait être dure,
ferme, concentrée
Ce serait être une roche
Non, ce serait être un
caillou, une petite pierre, un débris de roche
Ce serait être un débris
de roche bien têtu qui s'ennuierait dans une carrière, à côté,
juste à côté des pierres bien taillées
Ce serait les trouver
belles, mais bien sages, ennuyeuses en vérité
Ce serait être toute
fière d'être si petite, mais si baroque
Mais ce serait se taire,
bien entendu, et rester là, les regardant, les enviant quand des
bras, des chariots les emporteraient
Ce serait se concentrer
sur son désir tant que le génie protecteur des petites pierres en
viendrait à se débrouiller
Ce serait, on ne sait
comment - les hommes sont maladroits - une petite pierre devenue
voyageuse clandestine sur les planches d'un chariot
Ce serait un chantier, les
belles pierres hissées par des palans jusqu'au sommet d'une belle et
noble construction
Mais ce serait la petite
pierre regardant le ciel avec grand désir
Ce serait le génie
protecteur soupirant, agacé, et la glissant dans la grande poche
d'un maçon, ou d'un aide, enfin d'un homme rudement distrait.
Ce serait, on ne sait
comment - il ne faut jamais chercher à tout savoir, et puis il faut
à une noble édifice des petits défauts - la petite pierre tout
là-haut.
Tout là-haut, sur une
petite terrasse, bien installée sur les pierres, baignée par le
ciel, le soleil, la pluie.
Ce seraient plusieurs
siècles.
Ce serait l'action du
temps sur les belles pierres, leur délitement, leur érosion
Ce serait un jour, en des
temps devenus bruyants, des barres de fer montant le long de la
bâtisse
Ce serait la petite pierre
toute contente, parce qu'à la longue, le soleil, le mistral, la
pluie, les oiseaux, commençaient à la lasser.
Ce serait la petite pierre
s'amusant en regardant, curieuse, la longue installation, par des
hommes à voix forte, de tout un attirail, de voiles et puis de la
bouche d'un grand serpent.
Ce serait un jour de
grosses mains et, trop rapide, excitante, affolante, une chute dans
l'obscurité, la petite pierre débaroulant, heurtée par d'autres
petites pierres débaroulant
Ce serait la petite pierre
désirant fortement être hissée de nouveau sous le ciel pour
l’enivrement d'une nouvelle chute caracolante
Mais n'y aurait plus de
génie protecteur, et ce serait la petite pierre devenue partie des
gravats, emportée vers sa fin.
Ce serait n'importe quoi,
ça n'aurait aucun sens
Ce serait juste une
vieille Brigetoun délirant un peu, s'amusant à mettre des mots sur
l'envie qu'elle a eu de dégringoler depuis ce toit, puisqu'elle n'a
plus l'âge des toboggans.
PS parmi autres textes,
écrits ou dits, intéressants, ou jubilatoires, ou poétiques, ou...
un long, intelligent, comme toujours, billet de Jérémy Liron l'art
contemporain et le débat et je suis certaine de ne pas
être seule à goûter de voir ainsi mis en mots ce que je ressens
8 commentaires:
Merci de nous faire si bien ressentir le plaisir de la glisse, alors que nous avons aussi passé l'âge des toboggans !
La pierre des origines de tant et tant de vie
je suis avec plaisir Jérémy même dans dans ses circonvolutions les plus pertinentes Merci de le rappeler
Arlette je reprends chaque mot de ton commentaire
Le délire, rien que le délire.
Seul le délire est vrai.
"débarouler" : à l'heure du scandale VW, le verbe s'impose... :-)
mais en fonçant elles ne chutent pas forcément - le scandale aurait éclaté plus rapidement
merci pour ce mot si parlant (débarouler) qui ce matin fait écho au titre de la traduction du recueil d'Ingeborg Bachmann cité par @poezibao : Toute personne qui tombe a des ailes.
Cité par Terres de femmes, comme en atteste le lien :-)
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