forcer carcasse de très
mauvaise humeur en ce jour, sortir couffin en main, lever les yeux et les perdre
dans un moutonnement
avancer couci couça,
rencontrer, abandonnée à l'arrière d'un camion, une petite fleur et
lui sourire fraternellement
Au dessus des petites
boules des arbres, au dessus des halles, un bleu vaillant..
remplir, avec modération, de bonne choses simples – les patates pesaient lourd et suis en période de moindre
chevance – le couffin,
être navrée pour les
marchands, ravie pour moi, de la rareté des clients
et en rentrant, en
amorçant la descente vers l'antre, voir le bleu virer au noir ou les
nuages sombres garder un peu de bleu en eux, avoir l'impression de
pénétrer lentement dans une eau calme
un petit tour web, un
déjeuner, et la connexion m'a quittée...
lire, écouter les mots de
la radio
jeter coups d'oeil sur
l'écran... la connexion est venue au moment de mettre jupe, se
blottir dans manteau chaud
et m'en aller, à corps
réticent et esprit désirant vers le théâtre du Chêne noir pour
assister à Histoire vécue d'Artaud-Mômo d'après
la conférence au Vieux-colombier (à l'aide des notes), avec, dans
une mise en scène de Gélas, Damien Rémy – reprise d'un spectacle
créé en janvier 2000
Le 13 janvier 1947 au
théâtre du Vieux-Colombier, devant un parterre qui, d’André
Breton à Gide, Picasso, Dublin ou encore Adamov, réunissait tout le
gotha artistique et intellectuel de la capitale, Artaud le Mômo ne
parvint pas à lire les feuillets qu’il avait apportés. Il a alors
50 ans, mais son corps a tant souffert des électrochocs, de l’asile,
des envoûtements, de la drogue, qu’il lui est impossible
d’articuler une simple phrase. Seuls quelques cris, phrases
extralucides, délires schizophrènes, quelques mots chargés d’une
insondable souffrance s’échappèrent de lui, plaçant l’assistance
dans un état d’indicible malaise… «Il s’agit avec ce tête à
tête, c’est certain, d’aller au réel, guidé
par les signaux de
détresse d’un homme seul, et qui, comme d’autres êtres seuls,
ne se résigne pas à voir l’humanité entière s’échouer sur
les rivages mous où règnent en maîtres les microbes de la
connerie, comme disait cet autre grand poète, Léo Ferré.» Gérard
Gelas
photo du théâtre
une
table, une chaise, le plateau
et,
bien entendu je n'étais pas au Vieux-colombier (vous non plus je
pense) mais quand Rémy se déplace, cassé comme un vieillard,
secoué de tics, l'émotion est là.
Il se
bat avec les mots qui ne veulent pas venir, traqué... et, quand la
voix passe de marmonnement rauque aux cris aigus on croit entendre
Artaud, l'Artaud revenant du monde des électrochocs.
Au
tout début petit malaise se rajoutant au malaise, un peu
l'impression qu'il en fait trop. Et puis non (juste : le veston
d'Artaud était il vraiment constellé de taches ?)
Il y a
un ces doigts qui se tordent, ces gestes brusques, ces
recroquevillements.
Parfois
un enregistrement prend le relai, le texte prononcé d'une voix
neutre, articulée, et il regarde la voix qui vient de nulle part, je
veux dire qu'il l'entend avec son corps.. ou reprend les mots en
mimant leur prononciation
Il y a
Dublin et la cane, il y a le peyotl, les tarahumas et Jesus, les
envoutements, l'internement, le théâtre, les dialogues avec le
docteur Ferrière, il y a...
Le peu de citations dont
je dispose
Le mental ne fait pas
le corps, mais le corps dirige le mental
J'ai
deux ou trois dents contre la société actuelle..
Mon corps est à moi,
je ne veux pas qu’on en dispose. Dans mon esprit circulent bien des
choses, dans mon corps ne circule rien que moi. C’est tout ce qui
me reste de tout ce que j’avais. Je ne veux pas qu’on le prenne
pour le mettre en cellule, l’encamisoler, lui attacher au lit les
pieds, l’enfermer dans un quartier d’asile, lui interdire de
sortir jamais, l’empoisonner, le rouer de coups, le faire jeûner,
le priver de manger, l’endormir à l’électricité.
Et
cela, cette phrase de l'un des trois cahiers avec lesquels il était
venu, que Gélas met en tête de sa note d'intention
Voilà longtemps que
l'Internationale de la propriété des consciences est réalisée, et
elle n'est pas prête de lâcher prise
Le
froid se risque dans nos rues, et m'en vais reprendre, pour dîner,
le théâtre de la cruauté puisque
je n'ai que ça de lui : le théâtre et son
double.
11 commentaires:
"à corps réticent et esprit désirant" juste nous le souffler, avec une élégance qui ne se dément pas, cette quête qui ne va pas de soi, nous sommes sur vos pas
merci
Artaud... j'aime le revoir dans le film de Dreyer : les mots sont ailleurs...
l'était beau alors - ce que la vie et le cerveau font d'un visage…
j'aime les mots, ce mélange de grammaire classique et de violence… et les dessins
Les visages comme les mots s'usent...
La pluie s'en vient, du Nord vers le Sud descend
La froidure la remplace
Changement d'humeur.
plus de dix degrés perdus en quelques jours
Entre le noir -bleu du ciel et les mots désarticulés , âme cassée d'Artaud
les rondes couleurs du marché se font tendres
mauvaise humeur ..et en forme ..compter les moutons peut être
il y en avait trop, et trop mouvants
Je vous lis ... et j'aime
et je "souris fraternellement"
un petit pincement pour "le Mômo " que j'aime d'un "amour fou" comme disait l'autre grand poète ...
le froid s'est risqué... le monde est étrange et "le Mômo" était un visionnaire...
ici
merci pour le lien
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