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désolée, Paumée se veut à l'abri, sauf quand un acte fait déborder le vase, des allusions à la politique ambiante.. et si je suis reconnaissante aux envies de commenter je vous demande de me pardonner de rétablir la modération

mercredi, septembre 14, 2016

au square avec Noë (et rêver de maisons)


Parce que c'était, je crois, notre dernier jour de presque vraie chaleur - au dessus de 30° - parce que le ciel était beau, bleu bien sûr bleu, mais pas violemment, pas violet, et avec de petits voiles errants sur ce bleu, parce que le soleil me quitte, même sur la pointe des pieds et collée au mur, vers seize heures, m'en suis allée après le déjeuner pour, après une ou deux petites courses, m'installer dans le très calme square Agricol Perdiguier (yeux levés vers le bleu quand n'étaient pas dans le livre posé sur mes genoux, mais buste et tête sagement à l'ombre), avec Noë de Giono (mon préféré je crois.. comme chez Cendrars c'est Bourlinguer, deux livres sans grand rapport mais que j'ai toujours associés)..
Parce qu'en lisant, lundi, l'énoncé de la dernière proposition de François Bon pour l'atelier d'été du Tiers Livre back to basics – 9 - «entrer dans des maisons inconnues» http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4363 une maison a surgi, avec une autorité timide – ce qui m'a permis de la repousser, elle ne conviendrait pas je pense au collectif si je participe ce qui est encore douteux -, dans ma mémoire, ma maison (nous en avions tous une élue sur le trajet que nous saluions en choeur au passage, celles des autres étaient plus récentes, plus confortables), une presque ruine, une idée de maison, dans un valon qui semblait humide sous d'énormes et très anciens platanes qui la cachaient, la dominaient, après lui avoir dessiné une allée la reliant à la route du Cap Brun – a été bien transformée depuis cette route, la maison n'existe plus, et le terrain a changé d'aspect, et puis il y a l'autoroute, on ne prend plus guère la tortillante route – qui décrivait une courbe pour respecter son terrain, avant de continuer et de nous amener au Palyvestre, aux blockaus près de la base, là où peu à peu on a construit, prenant en partie sur l'eau, un port, avec plusieurs bassins, nous avons vu se créer le premier et étions, avec nos amis de la base, – ou mon père était, mais sans bateau – parmi les premiers membres du club nautique. C'étaient un petit cabanon et une longue barraque perpendiculaire à la route, de plein pied, presque une étable – mais avec des fenêtres, ou c'est moi qui les dessinais, parce que pendant plusieurs années, à l'heure de me plonger dans les bouquins qui m'ennuyaient, la géographie ou la physique ou la chimie – chez les nonnes la physique et la chimie ça n'avait lieu que dans les livres – ou l'anglais, je dessinais le plan de la maison, et je la meublais, avec cheminées et gros fauteuils recouverts de lainages écossais pour tenir compte de l'humidité... je dessinais aussi des robes pour Scarlett O'Hara mais c'est sans rapport.
Et puis comme à la fin François Bon parle des livres qui nous viendraient à l'esprit pour ces maisons inconnues que l'on visite en écrivant, j'ai pensé à Noë..

L'ai pris en dînant... mais en fait, la Thébaïde à laquelle je pensais – souvenir où s'invitaient d'autres passages du livre ou d'autres – est un peu décevante... une fois passée la grille incongrue dans une des petites rues sous Notre Dame de la Garde – à Marseille bien sûr – elles sont étroites, tortes, bordées de chaque côté d'échoppes et de magasins peu reluisants. Je restai donc béat et pétrifié, la bouche ouverte quand, après le détour de la rue, je tombai sur une grille en fer forgé, dorée du pied jusqu'à la pique, de presque vingt mètres de large, portant en ferronerie ornementée des massacres de cerfs et une forêt vierge de feuillages d'acanthe. Un énorme écusson de bronze vert, de plus d'un mètre de long, placardé dans les volutes d'or à plus de deux mètres de haut, proclamait en calligraphie de fondeur que c'était la Thébaïde... après avoir parcouru un jardin, un parc plutôt, merveilleux (un peu un cousin de celui de la Belle et la Bête) pendant trois pages et demie, on arrive au pavillon où une chambre pourrait lui être louée.
C'était une porte de derrière. En aucune langue il n'y a d'autre façon de désigner la porte devant laquelle je me trouvais et que poussa la femme sèche. C'était une porte de catimini, de rendez-vous secret, d'enlèvement, de fuite ; une porte de Calderon.... La porte s'ouvrit sur un long couloir ; à l'estime, malgré l'ombre, on pouvait dire qu'il y avait dans les vint à trente mètres ; autant qu'on en pouvait juger, il desservait sept à huit portes. Celle de la chambre qu'on me destinait était la première. On l'ouvrit. Aussitôt, comme si j'étais le roi des batraciens, je fut salué, non seulement de volées de croassements et de clouquements à bout portant et d'une sonorité étourdissante, mais, comme la femme refermait la porte un peu fort, du bruit de multiples plongeons dans de l'eau profonde ; à quoi succéda un autre curieux silence.... Je m'avançai de la fenêtre ouverte et, en effet, il y avait là, au ras des murs, le bassin le plus sinistre, le plus sournois, le plus bouclé d'ombre que j'aie jamais vu. Alors bien sûr il n'est pas tout à fait certain qu'il ait réellement pénétré dans cette chambre, ni que soit tout à fait authentique la suite, la nuit étrange, la puanteur du lit, les petites vieilles en camisole, leur inquiétude quand à ce qu'était devenu le corps, très avancé, de leur amie etc... ni la fin de la nuit, à la belle étoile, sur la crête de calcaire, en haut du jardin, face à la mer, puisqu'il nous emporte à sa suite dans ce qui est sans doute un voyage plein de réminiscences, mais tel qu'il est en train de le recréer, d'en faire ce livre.

Seulement, comme en avaçant à grands coups de pages, à la recherche de la Thébaïde, depuis le bureau de Manosque où il vient de finir l'écriture d'un roi sans viertissement – j'aime ces pages où les personnages, leurs actes tels que racontés dans le livre, d'autres qui auraient pu l'être, se mêlent à la description du bureau, les personnages descendant de cheval quelque part derrière Giono écrivant et la route traversant le jardin sous ses yeux, et bien d'autres choses – j'avais grande envie de le reprendre et c'est ce que j'ai fait cet après-midi dans le square (enfin pour la moitié environ du livre, et j'y ai trouvé d'autres maisons, une étude de notaire qui est ou n'est pas réelle, mais devrait l'être, adéquate aux désirs de terre des personnages évoqués, et celle, dans un autre village, décrit dans un livre sans y avoir pénétré, où sont entreposés à tort les cadastres et s'ensuivent des pages sur le personnage qui les détient et rêgne sur tous) et j'aurais tant à en dire, à partir de la cueillette – non, le ramasage plutôt, comme on dit là, dans la joie d'en faire amas - des olives joie de caresser cette peau poudrée, si douce à la peau de mes doigts... Je suis collé des deux mains dans cette glu d'olives. Que Dieu à l'instant même ferme le monde comme un livre et dise : c'est fini ; que la trompette sonne l'appel des morts, je me présenterai au jugement en caressant dans olives dans mes poches) cueillette qui a lieu en novembre, avant le voyage à Marseille (mais les durées, la succession des lieux, actions évoqués n'ont rien de rigoureux, de certain, suivent juste le déroulement de l'écriture) entrepris après la fin du livre, pour retarder ce qui semble vouloir être une suite, et qui ne sera pas..
Et je réalise que, même si je me suis dit que je me plongeais ici dans le souvenir de cette lecture pour moi seule, il est temps que je m'arrête au seuil de ce départ, qui est retardé par tout ce que pourraient faire encore les personnages du roi sans divertissement, avant de suivre le flux de ce qui s'écrit, qui est un voyage, mais aussi des digressions, des histoires qui interviennent, souvenirs (Toulon, l'enfermement au fort Saint Jean, des odeurs, une femme chaleureuse, bien d'autres), ou possibles, comme les déplacements à travers les rues de Marseille des passagers descendus du tram, qui est aussi, au détour d'une phrase une réflexion sur l'écriture, et après une visite d'amis au retour dans la maison de Manosque, pendant qu'il étale la récolte d'olives sur les dalles, des personnages qui viennent, qui commencent à vivre un livre, Noces, qui ne sera pas écrit.
Pardon demandé tout de même au derniers gentils lecteurs.

9 commentaires:

lanlanhue a dit…

aime les passages en italique, mais surtout aussi non en italiques ;-) pour la langue et ce qu'elle suggère.Belle journée à vous.

Brigetoun a dit…

euh.. (sourire) deux jours d'orages et pluie violente annoncés… mais bonne journée à vous

jeandler a dit…

Un livre n'est-il pas une maison de prime abord inconnue et que l'on découvre en poussant la porte ?

Dominique Hasselmann a dit…

Votre "maison", vous en avez déjà franchi le seuil, on dirait...

Brigetoun a dit…

pour le moment suis découragée
(bon j'attends mes trois jours d'orage et de pluie.. on verra après et puis l'effort z des beautés, mais de nouveau envie de laisser tomber.. me passera sans doute)

Claudine a dit…

plaisir de zieuter dans l'antre de la lecture-écriture-en-train-de-se-faire

annaj a dit…

on parle ici de digressions...souvent c'est justement ce voyage de l'esprit qui fait l'écriture puis la lecture prenantes

arlette a dit…

Des imaginaires où il est facile de changer les meubles et les ouvertures ,sorte de méditation en écriture qui fait du bien
Le jardin t'inspire

Brigetoun a dit…

sais plus ce qu'il y a à la place de cette maison, mais j'ai un peu l'impression d'avoir été volée