ciel d'un bleu ardent
où court un petit vent
frais
joie des yeux, frissons
jupe large et bien trop
légère malmenée par le vent, et l'idée qui se voulait ferme de
chercher où diable sont chandails et vestons, manteau léger... idée
qui s'est évaporée au fil des heures
tenté d'apprendre ou de
comprendre des bouts du monde... une bouillie qui se structure et
puis se meut, varie
la laisse et reprends un
portrait publié par les cosaques des frontières
L'attentif
Il avait grandi
– son visage, sa bouille comme on continuait instinctivement à le
dire, s'opposait à ce qu'on dise vieilli, ses yeux, son teint
étaient trop clairs... - oui, il avait grandi pendant son absence.
Mais il avait
gardé cette façon de sembler tout entier dans son attention, quand
il écoutait.
Il parlait
parfois, il parlait même quelque fois beaucoup, ou du moins assez
pour tenir sa place dans la conversation, pour se couler dans le
groupe, mais en fait on ne retenait pas ce qu'il disait, on y
répondait aussi de temps à autre, machinalement, des mots évidents,
sans pensée, et on se rendait compte ensuite qu'en réalité il ne
disait rien, il n'était pas dans ses mots.
Oui il n'était
pas dans ses mots, mais en réserve. On ne savait si c'était faute
de penser ou faute d'avoir fini de penser, de tirer nourriture de ce
qu'il entendait, quand il écoutait ainsi, profondément.
Si profondément
que c'en aurait été intimidant.. si la façon dont il soulignait
théâtralement son attention n'avait été plutôt agaçante. Plus
qu'agaçante d'ailleurs, assez vexante... on ne pouvait s'empêcher
d'y voir de l'ironie, une ironie si évidente qu'elle aurait pu être
injure.
Qu'elle aurait
pu, qu'elle n'était pas, parce qu'il y avait la douceur du visage,
les yeux, et puis une gentillesse dans cette façon d'afficher
l'écoute, comme pour demander de l'excuser de n'avoir rien d'autre à
donner que ça, son écoute, son ignorance, et de se nourrir d'eux,
de ce qu'ils disaient, et que, bien entendu, il jugeait, en silence.
Se nourrir
d'eux, se nourrir de nous plutôt, parce que j'en étais de ces
groupes qu'il fréquentait, qu'il écoutait, et que je le regardais,
comment faire autrement, écouter. Le regardais assez pour
m'apercevoir que, peu à peu insensiblement, l'affichage s'effaçait,
le visage se faisait neutre, perdu dans une écoute plus profonde,
sérieuse sans doute, quand celui qui parlait, rarement, était le
vieux. Le vieux, celui qui faisait de temps en temps irruption dans
un débat, qui était direct, ou hésitant un peu, comme à la
recherche d'une pensée, d'une solution, celui, le seul peut-être,
qui n'était pas, même inconsciemment, dans un isme
quelconque, dans une appartenance, une recherche ou défense
d'identité.
Et quand, plus
tard, quand il a jugé que c'était
nécessaire, qu'au moins ça lui était nécessaire, il est intervenu
notre attentif il avait cette même liberté, il donnait cette même
impression de parler depuis une recherche, une connaissance, ou un
début de connaissance, mais il était plus persuasif que le vieux
parce qu'il se servait des mots de nos jargons.
Il était plus
persuasif ou il l'aurait été, parce que empruntant ces mots, ces
groupes de mots, ces concepts, il entrait dans nos bagarres d'idées,
et peu à peu il devenait une inflexion de ces bagarres, on ne tenait
compte de lui que comme d'un appui sur lequel rebondir.
D'après une
toile, le cri paisible (1990),
de Miquel Barcelo
7 commentaires:
Il y a quelque chose de Van Gogh dans cette attention saisie...
oui et depuis j'ai trouvé, d'autres fois, des parentés entre Barcelo et Van Gogh, dans le trait apparemment fou et la couleur
ce cri si loin de celui de munsch
Parentèle : une grande famille. De mots, de couleurs et de sons.
il est dit paisible, et il l'est tant que alors que j'aimais ce tableau, j'ai découvert le titre après coup.. juste en le cherchant pour le mentionner en bas du billet
oui Pierre
rester saisi par le bleu et entrainer la matière des ombres au couteau
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